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À La Une - turquie

Erdogan rejoue son pouvoir dans les urnes, un pari risqué

Malgré les tensions suscitées par le double attentat suicide d'Ankara et la reprise du conflit kurde, les Turcs devraient répéter leur verdict de juin, selon les sondages publiés à la veille des législatives.

En rappelant les électeurs le 1er novembre, le président turc Recep Tayyip Erdogan espère reconquérir le pouvoir total qu'il exerçait sur le pays, mais risque à nouveau de devoir le partager. AFP PHOTO / ADEM ALTAN

Son revers le 7 juin avait été décrit comme le "début de la fin". En rappelant les électeurs le 1er novembre, le président turc Recep Tayyip Erdogan espère reconquérir le pouvoir total qu'il exerçait sur le pays, mais risque à nouveau de devoir le partager.

Les sondages publiés à la veille des législatives anticipées de dimanche sont unanimes. Malgré les tensions suscitées par le double attentat suicide d'Ankara et la reprise du conflit kurde, les Turcs devraient répéter leur verdict de juin. Il y a cinq mois, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) de M. Erdogan est arrivé en tête du scrutin avec 40,6% des suffrages. Mais il a perdu la majorité absolue qu'il détenait depuis 13 ans au Parlement.
Ce score a sonné comme un camouflet pour l'homme fort du pays et stoppé net son ambition d'instaurer une "superprésidence" à sa main. Loin de s'avouer vaincu, M. Erdogan s'est ingénié pendant les semaines qui ont suivi à torpiller les discussions pour la formation d'une coalition. Puis, constatant leur échec, il a convoqué de nouvelles élections avec l'espoir de s'y "refaire".

"La présidence exécutive défendue par le chef de l'Etat a été largement rejetée en juin", constate Marc Piérini, chercheur à la fondation Carnegie Europe. "Si le résultat est similaire dimanche, l'Europe espère que la Turquie sortira de cette période intérimaire, qui n'est pas bonne pour le pays, en formant un cabinet de coalition".

Mais M. Erdogan ne semble pas vouloir se satisfaire d'une cohabitation "à la turque".
Contrairement au début de l'été, le chef de l'Etat a renoncé aux réunions publiques quotidiennes dans lesquels il réclamait sans détour, contre la lettre et l'esprit de la Constitution, une majorité de 400 députés pour renforcer ses pouvoirs.
"Il a changé de tactique", note Sinan Ulgen, du Centre d'études sur l'économie et la politique étrangère (Edam) d'Istanbul. "Les sondages ont montré que son ingérence pendant la campagne du mois de juin avait nuit à l'AKP", ajoute-t-il, "il s'est adapté sur la forme mais son ambition est restée la même".


(Lire aussi : Ankara muscle sa "guerre contre le terrorisme" à l'approche des législatives)



"Seul aux commandes"
A peine plus discret, M. Erdogan n'en continue pas moins, à chacune de ses apparitions officielles, à afficher sa volonté de garder les rênes du pays.
"Je ne suis pas arrivé à cette place en tombant du ciel", a-t-il rappelé récemment. "J'ai été Premier ministre pendant onze ans et demi. Il y a des projets qui sont encore en chantier. Nous avons le devoir de les suivre".

Sur le fond, le chef de l'Etat n'a donné aucun signe d'apaisement à ceux qui lui reprochent sa dérive autoritaire, ainsi que le prouve le raid spectaculaire lancé mercredi par la police contre deux télévisions proches de l'opposition.
Avec la reprise en juillet des combats entre les forces de sécurité turques et les rebelles kurdes et, a fortiori, depuis l'attentat suicide qui a fait plus de 100 morts il y a deux semaines à Ankara, il s'est aussi posé en garant de l'unité et de la sécurité du pays, avec l'espoir de rallier l'électorat nationaliste.

"Le sang coule en Turquie. Alors Erdogan essaie de profiter de ce climat de tension en poussant le pays à faire un choix entre le chaos et l'ordre établi", affirme l'éditorialiste Kadri Gürsel, récemment remercié par le quotidien Milliyet.
"Mais il y a peu de chance pour que cette stratégie lui permette de récupérer sa majorité absolue", s'empresse-t-il d'ajouter, "la société turque est tellement polarisée qu'il y a très peu de chance pour que les grands équilibres politiques changent".

Les enquêtes d'opinion le confirment. Elles placent invariablement l'AKP entre 41 et 43% des intentions de vote, en-deçà du seuil qui lui permettrait de gouverneur seul.
Dans ces conditions, certains redoutent que le pays ne se retrouve au soir du 1er novembre dans la même situation bloquée et tendue que le 7 juin.
"Les négociations pour une coalition s'annoncent encore plus compliquées maintenant", prédit Sinan Ulgen. "Et si l'AKP n'échoue que de très peu à regagner sa majorité absolue, le président Erdogan pourrait être tenté de faire voter le pays une troisième fois".
"Est-ce qu'Erdogan va accepter que le pouvoir lui glisse entre les doigts?", s'est interrogé l'éditorialiste Murat Yetkin dans le quotidien Hürriyet Daily New. "Sa réponse (...) permettra de juger de la qualité de la démocratie en Turquie".

 

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