Petits et grands ont participé à la cueillette. Photo Forever Lebanon
Lorsqu'il est question aujourd'hui de société civile, nombre d'entre nous pensent aux manifestations enclenchées par la crise des déchets et qui meublent nos journaux télévisés ainsi que presque tous les espaces médiatiques. L'ONG Forever Lebanon est une des composantes de cette société civile. Cette association a été créée grâce à la passion du président du syndicat des agriculteurs, Antoine Hoyek, pour son pays. Cette ONG rassemble des centaines d'adhérents qui font du Liban une priorité. La semaine dernière, l'association a décidé de tendre la main à quelques agriculteurs de Bécharré en leur proposant une aide dans la cueillette des pommes, qui a commencé il y a une dizaine de jours.
Pourquoi les cultivateurs de pommes ? M. Hoyek se montre clair sur ce sujet : l'agriculteur dans ce pays est délaissé par des dirigeants qui ne lui avancent aucune aide. « Nos géants financiers avalent les intérêts des petits agriculteurs qui n'arrivent plus à tirer profit de leur terre. Même une banque de financement des petits agriculteurs a été sabotée par de grands noms de la finance libanaise, s'indigne-t-il. Notre initiative s'inscrit donc dans une logique d'entraide qui devrait en principe atteindre tous les citoyens et non pas seulement de petits groupes tel que le Forever, relève M. Hoyek. Le service que nous comptons offrir aujourd'hui aux agriculteurs n'est qu'un geste symbolique ; mais il revêt une importance particulière car il servira de modèle à d'autres Libanais, notamment les jeunes universitaires qui se comptent par centaines de milliers et qui peuvent de loin être plus actifs et efficaces que nous. »
Quarante volontaires, hommes, femmes et enfants, ont tout préparé à l'avance grâce à une minutieuse organisation qui avait duré plusieurs semaines. Ils se sont munis de leur casquette et veste avant de se diriger vers le village des Cèdres.
Arrivés sur place, les volontaires se sont divisés en deux groupes pour s'occuper de deux vergers différents. Une rapide session d'apprentissage s'est imposée et un atelier de quelques dizaines de minutes ont suffi à apprendre aux nouveaux arrivants comment procéder à la cueillette des pommes sans endommager ni le fruit ni l'arbre.
De jeunes agriculteurs locaux du village de Gibran Khalil Gibran ont accompagné les deux groupes essayant d'apporter toute l'aide nécessaire pour faciliter la tâche aux apprentis agriculteurs. « La situation est pire chaque année pour nous, petits et moyens agriculteurs qui n'exportons pas notre marchandise vers les pays arabes », explique un des propriétaires terriens de la localité. « Nous dépendons des marchands agricoles de vente en gros qui se mettent d'accord pour nous imposer un prix ridiculement bas par caisse. Un prix qui est nettement insuffisant à équilibrer les dépenses nécessitées par l'exploitation de ces terres pourtant si généreuses », a-t-il déploré.
Une pause a réuni les participants à la cueillette et les agriculteurs locaux. Un échange cordial a animé l'ambiance qui était décontractée dès le début grâce la présence de ces volontaires déjà amis depuis un bon moment et qui ne sont pas à leur première expérience de bénévolat. Pas de place à la politique mais seulement à la bonne humeur et à un seul sujet de passion, le Liban, inculqué et maintenu par le chef du groupe, « Estez Antoine » comme les femmes de « Forever » aiment bien le surnommer.
Quelle ne fut la surprise des villageois habitués à recevoir généreusement à table tous les visiteurs du village nordique quand ils ont découvert que leurs bénévoles d'un jour avaient transporté avec eux leur déjeuner et s'étaient mis à même l'herbe ou sur des caisses transformées en siège afin de partager avec le reste du groupe un repas champêtre pour reprendre le travail tout de suite après.
Une journée plus que radieuse a permis un travail collectif bien organisé sous l'œil vigilant des propriétaires des pommiers qui étaient plus que satisfaits et enthousiastes de cette expérience. Les volontaires ont tenu en fin de journée à acheter chacun une caisse de pommes refusant catégoriquement tout cadeau de la part des agriculteurs qu'ils sont venus encourager et soutenir par ce temps de crise économico-sociale.
Rendez-vous la semaine prochaine dans les oliveraies du Koura avec peut-être d'autres volontaires, mais sûrement avec le même enthousiasme.
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