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À La Une - Analyse

En Syrie, les Occidentaux cherchent comment revenir dans le jeu

"C'est un message politique et stratégique extrêmement lourd (..) La Russie est en train de lever son niveau de dissuasion non nucléaire".

Des manifestants contre l'intervention militaire russe en Syrie, crient de slogans contre le président russe Vladimir Poutine, devant l'ambassade de Moscou à Washington, le 9 octobre 2015. Chip Somodevilla/Getty Images/AFP

Les Occidentaux sont dans l'impasse en Syrie face à la stratégie de Moscou, mais ils peuvent revenir dans le jeu si la campagne militaire russe s'enlise et si le besoin de coopérer l'emporte sur les calculs politiques, selon des experts.

Depuis le début des frappes aériennes russes, qui se succèdent à un rythme effréné, et la démonstration de force navale de Moscou, à coups de missiles de croisière, la coalition internationale conduite par les Etats-Unis a perdu la main dans le conflit syrien.

Les Russes "sont en train de créer une bulle au-dessus de la Syrie et de contester la suprématie aérienne qui était jusqu'ici celle des Occidentaux", estime Thomas Gomart, directeur de l'Institut français des relations internationales (Ifri) à Paris. Les avions de la coalition poursuivent leurs raids au-dessus de la Syrie mais ils sont gênés par les Sukhoï russes au point d'avoir dû renoncer à certaines missions, de l'aveu même du Pentagone.

A leur campagne aérienne, les Russes ont ajouté mercredi le tir de 26 missiles de croisière depuis des bâtiments stationnés en mer Caspienne, à 1.500 kilomères du théâtre syrien. "C'est un message politique et stratégique extrêmement lourd (..) La Russie est en train de lever son niveau de dissuasion non nucléaire", avec une capacité de frappe sur de nombreux théâtres, souligne Thomas Gomart.

Pris de court, Washington accuse Moscou de faire avant tout le jeu du président syrien Bachar el-Assad et prédit à l'armée russe de prochaines "pertes" humaines. Les Américains assistent surtout, impuissants, aux bombardements russes contre l'opposition syrienne "modérée", qu'ils tentaient vainement d'organiser.

 

(Lire aussi : Une surprise prévue : l'arrêt de l'entraînement des rebelles syriens)

 

Eviter la guerre avec Moscou

Comme en Géorgie en 2008 et en Ukraine en 2014, les Occidentaux rechignent à répliquer militairement, seule réponse "capable de stopper immédiatement les opérations russes", estime Igor Sutyagin, expert militaire au Royal United Services Institute (Rusi) de Londres.

"Personne à l'Ouest n'a envie d'entrer en guerre avec la Russie. L'escalade risque de ne conduire qu'à plus de violences, plus d'émigration", renchérit Julien Barnes-Dacey, analyste à l'European Council on Foreign Relations de Londres.

Dans l'immédiat, chaque camp se bâtit sa "sphère d'influence", les Russes dans l'ouest de la Syrie où se trouve Bachar el-Assad, et les Occidentaux dans la partie orientale où ils vont poursuivre, voire intensifier, leurs frappes contre le groupe Etat islamique (EI). "Mais tout le monde reconnaît qu'on ne peut traiter la question de l'EI sans s'occuper plus largement de celle de la Syrie et que Russes et Occidentaux vont devoir coopérer", poursuit Julien Barnes-Dacey.

La Russie porte aussi une "lourde responsabilité" dans la crise, selon l'expert, car sa campagne de frappes risque de jeter l'opposition modérée dans les bras de l'EI et de décupler la menace jihadiste.
"Espérons que Moscou fasse pression sur Assad pour mettre fin aux bombardements de civils à coups de barils d'explosifs et pour ouvrir la voie à une aide humanitaire qui offre une alternative (à celle) des groupes jihadistes", esquisse M. Barnes-Dacey.

 

(Lire aussi : Quand Assad dit « non » aux Kurdes, Poutine pourrait dire « oui »)

 

Poutine pragmatique

Si le maître du Kremlin, Vladimir Poutine, a repris spectaculairement la main sur la scène internationale en proposant une large coalition contre l'EI à la tribune de l'Onu puis en lançant ses raids en Syrie, il n'est pas assuré non plus de gagner la partie.

Il peut remettre Bachar el-Assad en selle, consolider les intérêts stratégiques de la Russie dans la région et apparaître en position de force à la table des négociations. Mais si cette manoeuvre ne marche pas comme prévu - "sur le terrain, ils se rendent compte à quel point Bachar el-Assad est faible" - les Russes peuvent aussi décider "d'ouvrir le jeu pour un rapprochement des positions", relève Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris.

Selon lui, la stratégie russe - faite de soutien ouvert à Assad et de recours brutal à la force - "n'est pas assez nuancée pour marcher": "la rhétorique de la croisade, c'est catastrophique". "Mais Poutine sait aussi être pragmatique. En Ukraine, il a à un certain point joué Minsk (processus de paix, NDLR) en se disant qu'il était plutôt en position de force ou qu'il pouvait obtenir plus que dans six mois", souligne le chercheur.

Si la diplomatie reprend ses droits, les protagonistes de la crise pourraient s'inspirer du format utilisé dans le dossier nuléaire iranien, le "P5+1" (les cinq membres du Conseil de sécurité et l'Allemagne) qui a négocié avec Téhéran. "Il est temps de ressortir ce format qui a fait ses preuves dans d'autres crises réputées insolubles (...) et qui permettrait d'associer l'Iran, acteur clé en Syrie sans lequel aucune solution n'est possible", considère Eugene Rumer du centre d'études et d'analyses américain Carnegie.

 

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commentaires (8)

Seul espoir probablement de cette intervention Russe est que, en bousculant la politique de la pensée unique des occidentaux, cela les aiderait à réfléchir un peu. La France et les US ont la mémoire courte, ils ont oublié que pour combattre Hitler, ils s'étaient associés à Staline. Et ils n'avaient pas vendu leur âme pour autant. Bruxelles, 11.10.15

PPZZ58

19 h 59, le 11 octobre 2015

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Commentaires (8)

  • Seul espoir probablement de cette intervention Russe est que, en bousculant la politique de la pensée unique des occidentaux, cela les aiderait à réfléchir un peu. La France et les US ont la mémoire courte, ils ont oublié que pour combattre Hitler, ils s'étaient associés à Staline. Et ils n'avaient pas vendu leur âme pour autant. Bruxelles, 11.10.15

    PPZZ58

    19 h 59, le 11 octobre 2015

  • Je ne sais pas pourquoi je repense a Lafontaine dans sa fable , et le mot est bien choisi , du "renard et des raisins" Les occicons se rendent compte de leurs fiascos respectifs depuis l'invasion de l'Irak par un ivrogne en cure de desintox chronique . A l'epoque on disait que le M.O sera "democratise" etc... Les huluberlus y ont cru , ensuite on a dit c'est pour faire plaisir a l'Iran NPR qui n'avait rien demande , les huluberlus y ont cru , ensuite avec l'episode des "options sur la table " on a cru a des frappes imminentes sur L'Iran et a defaut sur la Syrie , rien n'y a ete . Et on entend que Obama est faible et sans charactere en occultant que Obama n'agit pas seul mais avec 6 conseillers juifs amerlocks qui foirent ensemble dans leurs politiques anarchiques . Et venir nous parler de "connivence" en sous entendant que les us pouvaient donner des feux verts a Moscou , alors que cette NPM est capable de detruire ces foireux de yanky autant qu'il le seraient eux memes , c'est faire des analyses cyclopiques de myopie insistante , rien que pour ne pas donner un sens a la nouvelle "donne" sur le terrain qui finalement fait dire aux occicons que les raisins , eux sont encore verts . PS : L'Iran NPR a reussit un test de missile a longue portee , après des accords sur le nuke , ou est la connivence ????????

    FRIK-A-FRAK

    11 h 24, le 11 octobre 2015

  • LA CONNIVENCE... SI ELLE EXISTE... ELLE EST DANS LES GRANDES LIGNES ! QUAND AUX OCCICONS A REVENIR... LEUR PLACE SERAIT TRES RESTREINTE... A MOINS QU,ILS ARMENT VRAIMENT LES REBELLES... AVEC LES EXTREMISTES DE TOUS BORDS CHOSE DIFFICILE... DANS CE CAS CE SERAIT L,AYATOLLAH POUTINE QUI NE SAURAIT COMMENT RETIRER SON EPINGLE DU JEU...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 40, le 11 octobre 2015

  • Ce n'est pas une impasse ! c'est globalement un fiasco occidental validé ,après 10 ans de politique du n'importe quoi d'Obama , d'ailleurs, son discours du Caire bidon sentait la naphtaline .. puis son soutient surréaliste à Morsi président ... au nom de la démocratie...!puis les fiascos en Irak, Syrie, Egypte , Lybie...Alors appeler des fiascos successifs une impasse ...faut avoir de ses de l'humour noir....

    M.V.

    08 h 04, le 11 octobre 2015

  • Les Occidentaux -Etats-Unis et UE- "ont perdu la main dans le conflit syrien" depuis longtemps à cause des hésitations et la lâcheté du président US Barack Obama. C'est dans ce vide et grâce à l'aveuglement de la Russie, de l'Iran et de "notre" Hezbollah, en soutien illimité à la tyrannie de Damas, que Daech a surgi et s'est consolidée en Syrie.

    Halim Abou Chacra

    04 h 08, le 11 octobre 2015

  • "Personne à l'Ouest n'a envie d'entrer en guerre avec la Russie. L'escalade risque de ne conduire qu'à plus de violences, plus d'émigration", renchérit Julien Barnes-Dacey, analyste à l'European Council on Foreign Relations de Londres. Dans l'immédiat, chaque camp se bâtit sa "sphère d'influence", les Russes dans l'ouest de la Syrie où se trouve Bachar el-Assad, et les Occidentaux dans la partie orientale où ils vont poursuivre, voire intensifier, leurs frappes contre le groupe Etat islamique (EI). "Mais tout le monde reconnaît qu'on ne peut traiter la question de l'EI sans s'occuper plus largement de celle de la Syrie et que Russes et Occidentaux vont devoir coopérer", poursuit Julien Barnes-Dacey. pour ma part je pencherai sur ce denouement .. mais en rajoutant l'iran et l'arabie saoudite CAR sans ces 2 pays on arrivera a rien .. !!

    Bery tus

    00 h 54, le 11 octobre 2015

  • La planète regorge de pétrole. Les États-Unis sont devenus en 2014 le premier producteur planétaire de brut grâce au pétrole de schiste. Barak Obama a fait un pari de l'Iran, le géant de la région, avec un accord sur le nucléaire que Washington voulait obtenir à tout prix. Enfin, le président américain croit plus que l'avenir du monde et de l'Amérique se joue en Asie. Il a donc abandonné le Moyen Orient depuis 4 ans. Et Poutine s’imagine qu’il va être le sauveur des états de la région. Voilà ce que je peux imaginer de la réaction de Barak Obama suite à toutes mes lectures médiatiques. Il fait comme ses prédécesseurs : il déclenche le chaos et abandonne les états à leurs tristes sorts C'est vraiment le mauvais président des USA au même titre que Carter et W. Bush

    FAKHOURI

    00 h 35, le 11 octobre 2015

  • Le manque de caractère attribué de Barak Obama est cependant trop facile à mon gré. Il veut éviter une guerre facilement et bêtement déclenchée par W. Bush en Irak. Il semble convaincu que les russes vont s’enliser en Syrie. Il est surtout convaincu cette région du monde a perdu de son importance. La politique du Moyen Orient des USA était fondée sur deux sujets : Israël et le pétrole. Israël n’est plus menacée par ses voisins. Le monde arabe est en petits morceaux. La Syrie et l'Irak sont ingouvernables, le Liban se désintègre chaque jour qui passe. Le Hezbollah est trop occupé à combattre en Syrie aux côtés des russes et des alaouites de Bachar El Assad pour s’attaquer à Israël. Le Hamas est inopérant. Les pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, sont des géants financiers, mais des nains militaires et ont beaucoup plus peur de l'Iran que d'Israël.

    FAKHOURI

    00 h 33, le 11 octobre 2015

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