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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

L’humour, le mot d’esprit, le rire et l’inconscient - 2 -

Nous avons vu la semaine dernière comment, grâce à l'humour, le refoulé sexuel refait surface entraînant un rire salvateur. Il s'agissait de la Crampe de l'écrivain.
Nous allons voir aujourd'hui comment la mort, l'autre refoulé majeur, interdite sinon taboue, va refaire surface grâce à l'humour.

Dans un film de Tom Shadyac sorti en1998, tiré d'une histoire vraie, Docteur Patch, Robin Williams joue le rôle d'un médecin qui est venu à la médecine sur le tard. En 1969, après avoir été hospitalisé dans un hôpital psychiatrique pour une tentative de suicide, il découvre qu'il avait le don de réconforter les patients par son humour et ses clowneries. Il décide de faire médecine. Avant même d'être autorisé à fréquenter l'hôpital de son université, il était alors en première année de médecine, il se retrouve par erreur dans une salle dortoir où étaient regroupés des enfants cancéreux, la tête rasée. Le silence de mort qui régnait dans la salle le révolta tout de suite. Tout de suite, il utilisa les outils de soins pour se déguiser en clown et faire rire les enfants. La vie revenait dans le dortoir.
Malgré l'interdiction du doyen qui cria au scandale, Patch continua à fréquenter l'hôpital et à faire rire un grand nombre de patients. Jusqu'à sa rencontre avec un malade atteint de cancer du pancréas (rôle joué par Peter Coyote) qui n'apprécia guère ses clowneries et le chassa sur-le-champ avec beaucoup de bruit. Progressivement, il réussit à l'amadouer et, avec son humour et sa culture, ils devinrent amis. Peu de temps après, moribond, le patient fit appel à lui. Lorsqu'il pénétra dans sa chambre, Patch vit sa femme et ses deux enfants à côté du lit. Rassurés par l'arrivée de Patch, ils quittèrent rapidement la pièce. Agonisant, sur le point de mourir, le patient dit à Patch : « Patch, tu as vu mes enfants comme ils sont beaux ? » « Oui, répondit Patch, et ta femme n'est pas mal non plus, tu ne veux pas m'arranger le coup pour après ? » Le patient éclata de rire et répondit : « Patch, tu me fais mourir (de rire) » et il mourut.

Cette scène est gigantesque.
Affronter la dernière minute de sa vie, affronter la mort qui rode autour de soi en riant, c'est du jamais-vu. La force de l'humour apparaît comme une arme possible contre la terreur induite par la mort.
Je racontais le film à une équipe d'infirmiers en oncologie. Une aide-soignante me dit : « J'ai fait pareil » et elle me raconte son histoire. Atteint d'un cancer fulgurant, un jeune homme d'une grande beauté agonisait dans le service d'oncologie. La fiancée dit aux infirmiers autour de lui : « Prenez soin de lui, j'ai une course à faire et je reviens. » L'aide-soignante lui dit : « Prenez votre temps, ne vous pressez pas de revenir », faisant éclater de rire tout le monde. Laisser son fiancé, entouré par un groupe de femmes, et quitter la chambre même pour quelques heures ne pouvait pas ne pas faire penser à la fiancée et aux autres femmes au risque de séduction, quoique minime du fait du contexte médical. Mais quand même. Et le mot d'esprit de l'aide-soignante soulagea tout le monde, le rire indiquant que le refoulé est sorti de l'ombre.

La dernière histoire reliant humour, rire et mort se passe en 1978, en pleine guerre fratricide, où on assassinait les gens selon leur confession marquée sur leur carte d'identité. Tony et Joseph revenaient de Paris à Beyrouth. Tony, qui était à Paris pour le baptême de son neveu, dit à Joseph qui n'était pas revenu à Beyrouth depuis un certain temps : « Fais gaffe, dans le bus qui nous ramènera de l'avion au bâtiment de l'aéroport, tu ne m'appelles pas Tony et je ne t'appelle pas Joseph, c'est vraiment dangereux et il y va de nos vies. »
Dans le bus bourré de monde, la tension était telle que l'air était irrespirable. Éloignés l'un de l'autre du fait de la densité des voyageurs, Tony et Joseph se regardaient d'un œil craintif et anxieux. Pour des raisons incompréhensibles, peut-être pour rétablir un pont verbal entre lui et son ami et dépasser l'anxiété qui régnait, et pensant qu'il avait tout bon parce qu'il n'appela pas son ami par son prénom, Joseph dit à Tony : « Tu ne m'as plus dit où vous avez baptisé ton neveu... » La terreur envahit le bus et, comme il y avait des éléments armés, la tension monta de plusieurs crans. Réalisant la bourde mortelle qu'il venait de commettre, Joseph ajouta : « Dans quelle mosquée ? » Un rire généralisé éclata dans le bus, transformant l'ambiance de mort en une ambiance de gaieté.

Ces trois exemples montrent comment l'humour peut vaincre la mort, en ramenant à la conscience le refoulé, c'est-à-dire ce qui est tabou ou simplement interdit. La particularité du troisième exemple est de nous donner à réfléchir sur un moyen de vaincre la guerre grâce à l'humour, tout simplement.

 

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