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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Psychopathologie de la vie quotidienne : Kelmet l’7a2 saba2it

En publiant Psychopathologie de la vie quotidienne, dont il envoie un exemplaire à Fliess, Freud lui écrit en août 1901 : « Il y a dans ce livre des tas de choses qui te concernent, des choses manifestes pour lesquelles tu m'as fourni des matériaux, et " des choses cachées dont la motivation t'est due ". »
Cette dernière phrase témoigne, encore une fois, de la place qu'a occupée Fliess pour Freud. Et, comme dans L'Interprétation des rêves, le livre fourmille d'exemples propres à Freud et son histoire avec Fliess. Lapsus parlés ou souvent écrits, actes manqués ou oublis de noms, ce que Freud qualifie de Psychopathologie de la vie quotidienne concerne tout le monde et n'a rien de pathologique.
Ce livre témoigne de cette période cruciale qui amena Freud, dans son transfert à Fliess, à découvrir la force active de l'inconscient, soit de notre mémoire oubliée et dont on ne veut rien savoir. Dans la même logique de la manifestation de l'inconscient à travers le rêve, la psychopathologie de la vie quotidienne nous apprend comment, le jour, la vérité inconsciente pousse pour être reconnue par nous. L'inconscient est l'affaire de tout le monde et il nous fait signe au quotidien.

Accueillir un ami en se trompant de nom, un parent avec des paroles d'adieu ou se tromper de jour en allant à un rendez-vous important sont autant de ratés de la vie quotidienne qui sont finalement des réussites pour notre désir inconscient. Lacan les range dans le champ de ce qu'on appelle « les formations de l'inconscient ». Comme le rêve ou le symptôme, ils témoignent de la présence active de ce lieu psychique, clivé de la conscience et où circulent des pensées inconscientes qui continuent à nous titiller. Si cette mémoire inconsciente est si importante, c'est qu'elle contient nos vérités oubliées depuis l'enfance. Oubliées depuis l'enfance ces pensées inconscientes mais qu'on continue à refouler.
En laissant échapper un mot à la place d'un autre, le sujet est saisi d'étonnement, voire parfois d'une certaine étrangeté. Comme si quelqu'un d'autre avait parlé à sa place. En effet, c'est un autre qui a parlé à la place du sujet, l'inconscient. Et la sagesse populaire ne s'y trompe pas qui donne à ce raté apparent une plus grande valeur que ce qui n'a pas été dit. Un proverbe libanais donne la meilleure définition possible du lapsus : « Kelmet l'7a2 saba2it ou le mot de la vérité devance l'autre. »

Si Freud connaissait la langue arabe, il est probable qu'il ait pris notre proverbe comme la meilleure formulation possible du lapsus. Parce qu'il y est question de vérité, plus précisément du mot de la vérité. Le concept de vérité est essentiel en psychanalyse et le concept de mot également.
Lorsqu'on n'a pas envie de recevoir quelqu'un et qu'on l'accueille avec des mots d'adieu, les mots d'adieu disent la vérité. Cela veut dire qu'on n'a pas envie de le recevoir, et que les raisons sociales, familiales, amicales qui nous obligent à le recevoir n'ont pas réussi à prendre le dessus. Comme le lapsus prête à confusion, on peut toujours en rire, et le destinataire peut ne pas se sentir trop offusqué par notre erreur de langage.

Cette soi-disant erreur de langage est « une vérité ». En se confondant en excuses, on arrive à faire comme si la vérité de notre désir n'était qu'un accident, une erreur ou un raté de langage. On met ça sur le compte de la fatigue, et si on connaît un tant soit peu le discours psychanalytique, on finit par admettre le lapsus. Lacan avait l'habitude de dire que « la vérité est un mi-dire ». Ce qui signifie que la vérité ne peut pas se dire tout entière parce qu'elle est refoulée dans notre inconscient. Comme notre proverbe « Kelmet l'7a2 saba2it », la vérité est un mi-dire qui insiste sur le lien étroit entre le langage et la vérité. « Le langage ne peut pas dire toute la vérité, et la vérité ne peut pas toute se dire dans le langage. » Comme le rêve et toutes les autres formations de l'inconscient, l'acte manqué, l'humour, le symptôme, le lapsus montre bien comment le sujet est divisé. « Le sujet est divisé par le langage en sujet du conscient, de la phrase, sujet de l'énoncé, et le sujet de l'inconscient, sujet de l'énonciation » qui subvertit le sujet de la phrase. Ce qui produit le lapsus et les autres formations de l'inconscient. Le lapsus montre au sujet et à son interlocuteur « la force de la vérité inconsciente », parce que finalement c'est cette vérité qui se dit malgré le sujet lui-même. Mais comme elle ne peut que se mi-dire, le sujet sauve la face en rougissant, s'excusant ou en riant de son lapsus. Les deux faces du sujet sont sauvées.

 

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