Les droits des chrétiens ou les droits des Libanais ?

Il n'est pas de bon ton de le dire, mais les droits des chrétiens ne tiennent pas la route face aux droits des Libanais. Comme l'ont montré les manifestants ces derniers jours, les droits à l'eau, l'électricité, à une vie économique stable sans déchets, à un gouvernement responsable et à un système politique honnête et dénué de compromis hasardeux ne concerne pas les seuls chrétiens. En effet, que m'importe en tant que chrétien si ces rêves de Libanais devaient être réalisés par un président, un Premier ministre et un président de la Chambre tous chiites ou tous sunnites ? Rien qu'à écouter les manifestants, on se rendait compte d'un ras-le-bol généralisé mêlant pêle-mêle tous les problèmes socioéconomiques et politiques du pays, sauf la sécurité.
Car justement, en ce qui concerne la sécurité, la classe politique toutes tendances confondues et toutes communautés confondues a compris la nécessité de coopérer en tant que libanais pour faire face à un danger extérieur. Donc, quand il le faut, les droits des Libanais existent bel et bien. Pourquoi les tiraillements sur les autres dossiers ? Ne concernent-ils pas tous les Libanais aussi ?
Si les droits des chrétiens devaient m'empêcher d'élire un président de la République alors que les droits des Libanais l'exigent, ou d'empêcher la formation d'un gouvernement pendant onze mois, ou pire encore paralyser l'action d'un tel gouvernement, que m'importent les droits des chrétiens ?
Si les droits des chiites exigent une mainmise de certains sur le processus politico-sécuritaire menant à des aventures militaires à l'étranger sous une bannière non libanaise au détriment des droits des Libanais à vivre en paix et en sécurité, que m'importent les droits des chiites ?
Si les droits des sunnites exigent une alliance avec des formations terroristes ou un alignement aveugle sur des intérêts étrangers qui ne coïncident pas nécessairement avec l'intérêt des Libanais, que m'importent les droits des sunnites ?
Ce que les manifestants ont démontré ces derniers jours, c'est que les droits des Libanais priment sur tout autre droit sectaire et qu'il est impératif que la classe politique réalise une fois pour toutes que le système confessionnel est tombé par la volonté des libanais. Il est temps de déconfessionnaliser en commençant par une loi électorale où tout Libanais pourrait se porter candidat dans toute circonscription uninominale quelle que soit son identité communautaire. C'est alors que les Libanais pourront élire en connaissance de cause ceux qu'ils estiment être les plus compétents pour défendre leurs intérêts.
C'est ainsi qu'on pourra créer un Liban libanais !