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Liban - Crise des déchets

Réactions partagées des municipalités après les promesses du gouvernement

Le Conseil des ministres a enfin évoqué le rôle des pouvoirs locaux dans les efforts nationaux pour traiter la crise des déchets. Cela suffit-il à rassurer des conseils municipaux débordés ?

Dans la banlieue sud de Beyrouth, comme dans plusieurs quartiers de la capitale, le volume des ordures accumulées en deux jours était affolant. Photo Sami Ayad

Le gouvernement a fait un pas en direction des municipalités hier en décidant de « motiver » celles qui sont désireuses de gérer leurs propres déchets par un déblocage des fonds qui leur reviennent dans le cadre de la Caisse autonome des municipalités.

La décision a été prise hier en Conseil des ministres pour faire face à la crise des déchets. Deux autres mesures ont été évoquées : un appel aux sociétés intéressées à participer à un nouvel appel d'offres sur l'incinération, et la recherche de sites de décharges.
Rediriger ce dossier vers les municipalités est une revendication récurrente des manifestants de la société civile. « Le gouvernement a donné plus ou moins suite aux revendications de la société civile, notamment en revenant sur sa décision de privatiser le secteur, en redonnant aux municipalités les prérogatives qui sont les leurs, et en débloquant les fonds du secteur de la téléphonie mobile en vue de payer leur dus des municipalités », a réagi le Mouvement écologique libanais, dans un communiqué. Le mouvement, formé d'une soixantaine d'ONG, a cependant mis en garde contre une adoption de la technique d'incinération, à laquelle la société civile s'opposera farouchement, selon le texte.

 

(Lire aussi : À Baabda, les résidents parent au problème tant bien que mal)


Mais qu'en pensent les principaux intéressés ? L'Orient-Le Jour a sondé l'opinion de trois conseils municipaux qui ont déjà entamé des efforts de tri à la source.


Joséphine Zoughaib, membre du conseil municipal de Kfardebiane (Kesrouan), pense que la mesure gouvernementale est « très positive, voire nécessaire ». « À mon avis, il ne fallait même pas laisser le choix aux municipalités de se présenter pour déclarer leur intention de traiter leurs propres déchets, souligne-t-elle. Ce n'est pas un luxe mais une partie de leurs prérogatives. Cela fait longtemps que nous réclamons que soient rendues ces prérogatives aux municipalités. »
Pour elle, il est prématuré de dire comment le conseil municipal de Kfardebiane pourra donner suite à cette décision. « La nouvelle vient de tomber, dit-elle. Nous avons besoin de nous réunir entre nous, avec d'autres municipalités et avec des acteurs qui pourraient nous aider. Il n'en demeure pas moins qu'il y a un changement radical dans la philosophie qui régit la gestion de ce dossier. Il ne s'agit plus de marchés conclus avec des sociétés privées dans les sphères du pourvoir, et qu'on impose aux municipalités. Celles-ci auront dorénavant la latitude de choisir ce qui leur convient, de demander des comptes aux acteurs avec lesquels elles collaborent, etc. »
La municipalité de Kfardebiane, l'une des plus grandes du Liban en termes de superficie, avait annoncé sa volonté de commencer le tri dans les foyers. « Mais nous n'en sommes qu'aux premiers balbutiements », souligne la jeune femme.

 

(Lire aussi : Le Akkar refuse de céder : Non au développement en contrepartie des ordures)

 

« Bonne surprise »
Louis Abi Habib, président du conseil municipal de Roumieh, se dit, de son côté, « très agréablement surpris pas la nouvelle ». « Notre municipalité s'est déjà lancée dans le tri à la source, mais nous travaillions avec un budget bien trop restreint, dit-il. Une telle décision du Conseil des ministres nous permettra de développer notre activité, de nouer des partenariats avec d'autres municipalités environnantes. Nous compostons déjà les matières organiques ici à Roumieh, mais manuellement. Si nous disposons d'un budget plus important et si nous nous organisons à plusieurs municipalités, nous pourrons alors adopter des techniques de compostage plus sophistiquées. »
Louis Abi Habib insiste sur la pierre angulaire de tout projet devant être entrepris par des municipalités : le tri à la source. « La sensibilisation à l'importance du tri est essentielle, parce que c'est ce qui permet de réduire le volume des déchets, et de les rendre gérables, dit-il. N'importe quelle municipalité qui voudra collaborer avec nous devra nécessairement imposer le même système. » Il est fier d'annoncer que, parmi le millier de foyers que compte sa municipalité, non moins de 90 % ont déjà entamé le tri à la maison.

 

(Lire aussi : À Roumieh, le tri des déchets n'est plus une option, mais une obligation)

 

« Fuite en avant »
Pour sa part, Jean-Pierre Gebara, président du conseil municipal de Kornet Chehwane, ne voit pas que le côté « positif » de cette décision. « C'est une fuite en avant et une décision irresponsable », affirme-t-il à L'Orient-Le Jour. « Le problème n'est pas qu'une question d'argent débloqué, s'insurge-t-il. Il faut tout d'abord faire remarquer que le déblocage de ces fonds est notre droit, pas une faveur que l'on nous fait. Ensuite, ce qui nous serait vraiment utile, c'est du temps : aujourd'hui, si je dois importer le moindre camion de ramassage des déchets, il me faut deux à trois mois. Or ma localité produit trente tonnes par jour. Qu'est-ce que je fais entre-temps ? »
Du temps et l'acquisition d'un savoir-faire, c'est ce dont ont besoin les municipalités aujourd'hui, insiste Jean-Pierre Gebara. « Or nous sommes acculés à travailler dans l'urgence, dit-il. Il est vrai qu'il y a une proportion de tri dans les maisons à Kornet Chehwane, et que nous effectuons un tri après la collecte. Mais nous sommes obligés de garder ces ordures dans trois lieux de stockage temporaire, au grand dam des habitants. Nous ne sommes pas satisfaits du travail, et nous récoltons des insultes. Mais avons-nous le choix ? »
Le responsable municipal se dit sceptique quant au déblocage effectif des fonds, étant donné les arriérés dus à la compagnie qui collectait et traitait les déchets jusque-là. « Le gouvernement s'est empêtré dans la spirale des solutions, dit-il. J'ai été sidéré par les résultats de l'appel d'offres pour la gestion des déchets (l'ouverture des plis a eu lieu lundi et l'appel d'offres a été annulé mardi), et les prix que comptaient nous faire payer les compagnies. Après cette malheureuse expérience, je suis convaincu qu'il est indispensable de redonner un rôle de premier plan aux municipalités, mais en leur accordant le temps et les moyens de s'organiser. »

 

 

Le gouvernement a fait un pas en direction des municipalités hier en décidant de « motiver » celles qui sont désireuses de gérer leurs propres déchets par un déblocage des fonds qui leur reviennent dans le cadre de la Caisse autonome des municipalités.
La décision a été prise hier en Conseil des ministres pour faire face à la crise des déchets. Deux autres mesures ont...

commentaires (1)

Oui, monsieur Gebara, je vous donne raison a 100%. A present, il ne nous reste plus qu'a agir avec discernement. Une question urgente que je voudrais soulever pourrait, au premier abord, paraitre insignifiante, mais est importante a regler. Pour le tri des dechets, les couleurs des conteneurs (sacs, bennes, et meme camions transporteurs) pourraient se reveler cruciales pour ameliorer les manipulations, a l'echelle nationale.A titre d'example, je suggererais le rouge pour les dechets medicaux (qui sont generalement dangereux) et le jaune pour les restes de nourriture. Qu'en pensez-vous? Ces 2 categories seraient probablement celles qui degagent le plus d'odeurs et contaminent le plus. Qu'en pensez-vous?

George Sabat

08 h 13, le 28 août 2015

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Commentaires (1)

  • Oui, monsieur Gebara, je vous donne raison a 100%. A present, il ne nous reste plus qu'a agir avec discernement. Une question urgente que je voudrais soulever pourrait, au premier abord, paraitre insignifiante, mais est importante a regler. Pour le tri des dechets, les couleurs des conteneurs (sacs, bennes, et meme camions transporteurs) pourraient se reveler cruciales pour ameliorer les manipulations, a l'echelle nationale.A titre d'example, je suggererais le rouge pour les dechets medicaux (qui sont generalement dangereux) et le jaune pour les restes de nourriture. Qu'en pensez-vous? Ces 2 categories seraient probablement celles qui degagent le plus d'odeurs et contaminent le plus. Qu'en pensez-vous?

    George Sabat

    08 h 13, le 28 août 2015

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