Une manifestation pacifique de la campagne "Vous puez!" a dégénéré samedi 22 août 2015 dans le centre-ville de Beyrouth. Photo AFP
Les forces de l'ordre libanaises ont réprimé dans la violence une manifestation de plusieurs milliers de citoyens samedi soir dans le centre-ville de Beyrouth sur fond de crise des déchets qui dure depuis plus d'un mois. La manifestation, qui a commencé à 17h sur la place Riad al-Solh, a été initiée à l'appel de la campagne citoyenne "Vous puez !". Samedi en soirée, le claquement des tirs des forces de l'ordre résonnait dans la capitale. Les heurts ont fait plusieurs blessés.
Les manifestants dénonçaient l'inaction du gouvernement face à la crise des déchets. La semaine dernière, une autre manifestation organisée par la campagne "Vous puez!" avait également été réprimée et plusieurs personnes avaient été arrêtées par les forces de l'ordre.
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"Nous sommes déjà plus de 6000 personnes", ont écrit les organisateurs sur leur page Facebook quelques minutes après le début de la manifestation samedi dans l'après-midi. Toutes les routes menant vers le lieu de la manifestation ont été coupées par les forces de l'ordre, a de son côté indiqué la chambre de contrôle du trafic routier.
Les manifestants, exaspérés par la crise des déchets qui a débuté avec la fermeture, le 17 juillet, de la décharge de Naamé, ont brandi des pancartes et bannières appelant le gouvernement, qu'ils accusent de corruption, à démissionner. Des photos des militaires libanais, otages des jhadistes depuis août 2014 dans le jurd de Ersal, ont également été brandies lors du rassemblement pacifique.
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Plus d'une heure après le début du rassemblement, des accrochages ont opposé les forces de l'ordre à certains manifestants qui ont essayé de forcer les barrages établis par les FSI dans le périmètre du siège du Parlement. Les forces de l'ordre ont alors eu recours aux jets d'eau afin de disperser les manifestants. Un peu plus tard, les forces de l'ordre ont eu recours aux gaz lacrymogènes. Plusieurs cas d'asphyxie ont été enregistrés, selon des témoins sur place. Une peu plus tard, ce sont des coups de feu qui étaient tirés pour disperser les manifestants.
"Il y a 16 blessés dans les rangs des manifestants et des forces de sécurité", qui ont été transférés dans les hôpitaux, a affirmé à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, un responsable de la Croix Rouge libanaise, sans être en mesure de préciser le type de blessure. Dans un communiqué, les Forces de sécurité intérieure (police) ont fait état de 35 blessés dans leurs rangs sans préciser la gravité des blessures. Elles ont également affirmé qu'il y avait eu des "blessés parmi les manifestants". Le communiqué indique que les incidents ont débuté lorsque des manifestants ont tenté de pénétrer de force dans le périmètre de sécurité mis en place dans le secteur du Parlement.
Photo tirée de la page Facebook de la campagne "Vous puez!"
Dans la soirée, le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, qui se trouve hors du pays, a demandé aux forces de police de cesser immédiatement les tirs et annoncé à la télévision que ceux qui avaient tiré sur les manifestants seraient poursuivis. Il a également promis aux manifestants que la crise des déchets sera réglée lors de la session du Conseil des ministres jeudi prochain.
Vers 22h, les échauffourées ont repris entre les forces de l'ordre et les manifestants devant le Sérail. La campagne citoyenne "Vous puez!" a accusé le Premier ministre Tammam Salam et le président du Parlement Nabih Berry d'avoir "donné l'ordre de réprimer la manifestation. "Nous appelons Berry et Salam à démissionner", a dit Assad Thebiane, l'un des porte-paroles de la campagne.
Undercover policeman threatening unarmed civiliansUndercover policeman threatening unarmed civilians then trapping them with tear gasses.
Posted by طلعت ريحتكم on Saturday, August 22, 2015
Les accrochages ont cessé en fin de soirée mais quelques centaines de manifestants sont restés à la Place des Martyrs, dans le centre-ville, l'un des organisateurs affirmant qu'ils ne la quitteraient pas avant la libération de cinq manifestants arrêtés selon lui par les forces de l'ordre. Tard en soirée, les FSI ont indiqué que toutes les personnes appréhendées ont été libérées.
Dénonciation de la répression
Le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel, a dénoncé samedi soir la répression de la manifestation, affirmant que la violence utilisée contre les protestataires pacifiques est "inacceptable". "Nous ne pouvons pas rester les bras croisés face à cette situation, a-t-il dit, appelant le gouvernement à cesser la répression."
Le leader du PSP Walid Joumblatt a affirmé de son côté que "les forces du 8 Mars tentent d'entraver ce movement (de protestation) en le politisant, en lançant durant la manifestation des slogans politiques".
Le ministre de l'Éducation Elias Bou Saab a condamné la répression, soulignant que cette journée était une "journée noire dans l'histoire du Liban". "La force utilisée contre les manifestants est plus grande que celle utilisée contre les membres de l'État islamique et du Front al-Nosra", a-t-il affirmé.
Pour sa part, le député membre du Courant patriotique libre (CPL), Nabil Nicolas, a affirmé qu'il suspendait ses fonctions au sein du Parlement en signe de protestation contre la répression de la manifestation.
Mercredi dernier, alors le ministre de l'Environnement, Mohammad Machnouk, annonçait un nouveau report de l'ouverture des appels d'offres au siège du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), au centre-ville de Beyrouth, des manifestants de la campagne s'étaient déjà heurtés aux forces antiémeute, écopant de coups de bâton et de violents jets d'eau (filmés par les médias ainsi que dans une vidéo postée par la campagne sur sa page Facebook). Quatre militants avaient été arrêtés plusieurs heures durant.
اكتر من 6,000!
Posted by طلعت ريحتكم on Saturday, August 22, 2015
Military beating peaceful protesters.Video footage of military men beating peaceful protesters. PLEASE SHARE. MORE FOOTAGE TO COME.
Posted by طلعت ريحتكم on Saturday, August 22, 2015
Imad Bazzi, porte-parole de la campagne "Vous puez!", avait précisé vendredi que les principales revendications des manifestants sont au nombre de trois. "Nous demandons en premier lieu la démission du ministre de l'Environnement parce qu'il est le ministre de tutelle pour ce qui a trait au dossier des déchets, dit-il. Même si nous savons que toute la classe politique est complice et coupable, il reste le responsable direct dans cette affaire." La seconde revendication porte sur des appels d'offres transparents, "loin des marchés douteux et du partage du gâteau, dans l'intérêt du citoyen, non de la poche des hommes politiques". "Nous avons proposé une solution qui aurait économisé des millions de dollars à la caisse de l'État, mais elle a été rejetée, car (les officiels) ne veulent pas débloquer les fonds des municipalités, ajoute-t-il. Ils veulent créer six Sukleen s'ils le peuvent, afin que chacun génère des profits de son côté." La troisième revendication consiste à "faire pression sur le procureur financier afin qu'il ouvre le dossier de Sukleen et qu'il révèle le gaspillage des deniers publics", conclut le militant.
Tard en soirée, des manifestants ont installé des tentes à la Place Riad Solh en vue de l'organisation d'un sit-in ouvert. M. Bazzi a indiqué sur ce plan que les revendications des manifestants portent désormais sur quatre points : l'arrestation des responsables des tirs ; la libération des personnes appréhendées ; la démission immédiate du gouvernement ; l'organisation d'élections législatives immédiates.
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Pourquoi la tête de Hassan Nasrallah ne figure pas dans le lot des bachi-bouzouks de la photo où la couleur noire du parti de Dieu et du captagone fait défaut! Curieux et je dirai même plus, louche, très louche!
21 h 08, le 23 août 2015