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Liban - Focus

L’ensemble de la classe politique libanaise dans l’expectative après le marathon de Vienne

Certains voient dans l'entente autour du nucléaire iranien un nouveau Sykes-Picot censé redistribuer les zones d'influence entre les parties et dont le Liban fera une nouvelle fois les frais. D'autres, au contraire, estiment que ce deal peut être une source de normalisation de la politique interne libanaise.

Quelques heures après la signature par l'Iran et du groupe des 5+1 mené par les États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, chercher à identifier l'impact de cette entente sur la politique interne locale, c'est reconnaître implicitement l'immense poids des puissances régionales sur un des éléments-clés de la souveraineté nationale, à savoir l'élection d'un président de la République.

C'est précisément ce que rejette le député aouniste Farid el-Khazen qui a affirmé hier à L'Orient-Le Jour que le dossier de la présidentielle et le blocage qui l'entoure sont une question « purement interne ». Allant plus loin dans son analyse, Farid el-Khazen a souligné que « bien des dossiers régionaux sont plus importants et urgents à résoudre que celui de la présidentielle libanaise. Il y a d'abord en tête de liste la problématique du terrorisme, notamment en Syrie et en Irak, pour ne citer que cela ».
Contacté à son tour, le ministre Mohammad Fneich, du Hezbollah, a simplement dit : « Pas de commentaire. »
Il n'était pas faux de dire qu'hier, l'ensemble de la classe politique était quelque peu déstabilisée par l'accord signé à Vienne et âprement négocié, quelque 12 ans après le lancement du premier round de pourparlers.
Le Premier ministre, Tammam Salam, a émis l'espoir, dans une déclaration à la presse, que l'accord aura « des retombées positives sur la situation au Moyen-Orient ». « Nous espérons qu'il conduira à réduire les tensions », a-t-il ajouté.

Walid Joumblatt était de son côté nettement plus négatif hier. Le leader du Parti socialiste progressiste (PSP) a estimé dans une déclaration au quotidien an-Nahar que cet accord « met fin au monde arabe tel que nous l'avons connu par le passé », notamment en Syrie et en Irak. Même tendance du côté du bloc du Futur, qui, par la voix de son député Jean Oghassabian, a dit craindre hier un « nouveau Sykes-Picot ».
Ce à quoi le député Farid el-Khazen rétorque : « Il n'y a ni Sykes ni Picot. Les deux sont morts il y a fort longtemps. Tout cela n'est qu'un fantasme. Il s'agit d'un accord sur le nucléaire, point final, il n'y a pas d'accords secondaires secrets. » Pour rappel, les accords de Sykes-Picot ont été signés le 16 mai 1916 entre la France et la Grande-Bretagne, et prévoyaient de diviser le Moyen-Orient en zones d'influence à la fin de la Première Guerre mondiale.

Mais Jean Oghassabian ne partage nullement cet avis. Il considère que cette entente va se révéler « très coûteuse pour l'ensemble du monde arabe » et qu'il faut effectivement s'attendre à un partage de zones d'influence dans la région. « Les accords de Sykes-Picot ont mis quelques années à se concrétiser sur le terrain », rappelle-t-il également dans ce contexte.
« Ce qui est sûr, c'est qu'à court terme et sur le plan local, il est nécessaire pour le Hezbollah de faire régner un minimum de stabilité sécuritaire en attendant le compromis global qui va avoir lieu dans la région », dit-il. Et le député du bloc du Futur de mettre l'accent sur un potentiel « rôle croissant du Hezbollah dans le moyen terme ».
« Il s'agit de remettre en question de nombreux éléments qui ont jusque-là façonné la vie politique libanaise », relève-t-il. Bien plus que la question des trois tiers – qui viserait théoriquement à partager équitablement le pouvoir entre les trois communautés chrétienne, sunnite et chiite –, il serait question, selon Jean Oghassabian, de « jeter les fondements d'un nouveau Liban, très différent de celui que nous connaissons actuellement ».

C'est dans ce contexte qu'hier soir le bloc du Futur a affirmé être attaché « au dialogue et notamment à celui qui se déroule à Aïn el-Tiné avec le Hezbollah ». Le bloc du Futur a par ailleurs souhaité que l'accord sur le nucléaire iranien « encourage l'Iran à mettre un terme à la politique hégémonique et ouvrir une nouvelle page dans ses relations avec le monde arabe sur la base du bon voisinage, du respect mutuel et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États ».

(Lire aussi : L'accord sur le nucléaire, sérieux levier pour débloquer la présidentielle libanaise, l’éclairage de Philippe Abi-Akl)

Assouplissement du blocage
En revanche, pour le président du Conseil national du 14 Mars, Samir Frangié, l'heure est venue pour le Hezbollah de « revoir ses comptes ». « Le parti est à présent forcé de revenir à une certaine normalité, car il est au final le bras armé de la stratégie iranienne. Avec cet accord, le Hezbollah est amené à modifier sa politique au Liban, souligne-t-il. Même si l'ensemble de la région se méfie de manière générale de l'ingérence des États-Unis, il n'en reste pas moins que la raison d'être du blocage exercé par le Hezbollah " sur le plan de la politique interne au Liban " n'a plus lieu d'être car cela visait essentiellement à améliorer la position de l'Iran dans les négociations. » Or celles-ci sont désormais terminées.
De plus, ajoute M. Frangié, le bloc aouniste « a mis ses alliés dans l'embarras » lorsqu'il a appelé à un mouvement populaire, qui, en fin de compte, n'a guère eu les résultats escomptés, bien au contraire. Tous ces éléments jouent donc en faveur d'un assouplissement du blocage qui subsiste aujourd'hui autour de la vacance présidentielle.

Un point de vue largement partagé par le secrétaire général du 14 Mars, Farès Souhaid. Pour lui, « le dossier de la présidentielle est celui qui est le plus simple à résoudre pour l'Iran et un moyen sûr pour le régime des mollahs de faire preuve de bonne foi ».
Il ajoute qu'il faut garder à l'esprit que « le Hezbollah est le fruit d'un investissement sécuritaire de l'Iran, c'est donc naturellement un des instruments qui sera utilisé dans le troc qui a été fait pour parvenir à cet accord sur le nucléaire ».

Les différents camps politiques sont donc désormais dans l'expectative, et tout semble indiquer qu'ils attendent que la situation se décante pour décider de la prochaine étape. Une posture qui déplaît, semble-t-il, fortement à l'ancien président de la République Michel Sleiman qui n'a pas pu s'empêcher hier de se demander, sur son compte Twitter, s'il était désormais « plus simple de parvenir à un accord irano-américain sur le nucléaire que d'élire un président de la République au Liban ». Une question que se pose d'ailleurs, sans doute, une bonne partie de la majorité silencieuse des Libanais.

 

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commentaires (4)

"On ne devient homme qu'en se surpassant !".

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

14 h 39, le 15 juillet 2015

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Commentaires (4)

  • "On ne devient homme qu'en se surpassant !".

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 39, le 15 juillet 2015

  • Après le valses de Vienne ..il est difficile de passer directement à la dabké...!

    M.V.

    11 h 30, le 15 juillet 2015

  • QUAND L'ABRUTISSEMENT ESPÈRE... DE L'HÉBÉTUDE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 53, le 15 juillet 2015

  • Significative est la réponse du ministre du Hezbollah, Mohammad Fneich, sur l'accord nucléaire iranien. "Pas de commentaire", a-t-il répondu. Evidemment le Hezb attend les instructions de son commandement, celui des pasdaran.

    Halim Abou Chacra

    05 h 57, le 15 juillet 2015

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