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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Freud à la recherche d’une théorie de l’appareil psychique

Désemparé par sa rupture avec la pratique médicale, Freud était à la recherche d'une théorie de l'appareil psychique, théorie qui pourrait offrir un cadre aux symptômes qu'il observait, essentiellement les symptômes de ses patientes hystériques et les siens propres. Simultanément, Freud était dans une certaine mesure en rupture également avec le corps médical viennois. Un seul médecin, célèbre à Vienne, allait lui venir en aide : Josef Breuer (1842-1925).

Freud et Breuer firent connaissance en 1877. Comme Freud, Breuer s'intéressait à l'hypnose et à l'hystérie. Ce champ d'études commun contribua à la naissance d'une forte amitié entre les deux hommes, d'autant que Freud se sentait isolé dans la communauté scientifique viennoise. En bon mentor, Breuer aida Freud, lui prêta de l'argent et lui envoya beaucoup de patients faisant partie de la bourgeoisie viennoise.
Leur intérêt commun pour l'hystérie et pour l'hypnose allait les mener, en 1895, à publier ensemble le premier ouvrage psychanalytique de l'histoire, un ouvrage sur l'hystérie qui fera date, études sur l'hystérie. Comme avec Charcot, l'hystérie retrouvait tout son crédit de maladie psychique, guérissable en plus, par la méthode dite « cathartique », procédé par lequel un patient peut se libérer de ses affects ou ses émotions pathogènes, en revivant les traumatismes auxquels ils sont liés. Mais si Breuer, simple praticien, pouvait se contenter de cela, Freud avait des ambitions scientifiques. Il voulait construire une théorie du psychisme.

C'est dans sa relation à Wilhelm Fliess (1858-1928) qu'il va élaborer un projet, Esquisse d'une psychologie scientifique. En 1895, année de la publication des études sur l'hystérie, il rédige ce projet de psychologie scientifique sur des bases biologiques. Cette biologisation du psychisme était le reflet direct de sa relation avec Fliess. La relation de Freud et de Fliess est considérée comme la relation transférentielle par excellence. Appelée par Octave Mannoni « L'analyse originelle », c'est la première analyse thérapeutique et la première analyse didactique de l'histoire de la psychanalyse.

ORL installé à Berlin, Fliess fut en quelque sorte le double de Freud. Il s'intéressait à la sexualité, soutenait que chaque être humain était biologiquement bisexuel, qu'il existait une périodicité chez l'homme analogue à celle des menstruations de la femme et une sexualité polymorphe chez l'enfant. Freud était subjugué par Fliess et par ses idées. La conviction totale de Fliess dans ces mêmes idées mit Freud dans une grande sujétion à son égard. Freud écrivait pour Fliess qu'il considérait comme son seul public et lorsqu'ils se rencontraient, ils appelaient leurs rencontres « Congrès ». Autant dire que l'un était le public de l'autre. On décrit Fliess comme « le pôle de moindre résistance » parce il n'avait aucune censure interne et permettait ainsi à Freud de faire toutes les élucubrations théoriques possibles. En plus, la foi de Freud en Fliess était telle que ce dernier devint également son médecin traitant.

C'est en retournant d'une rencontre avec Fliess, dans le train, que Freud commença la rédaction de l'Esquisse. Le 8 octobre 1895, il envoya le manuscrit à Fliess. « Dans cette Esquisse, nous avons cherché à faire entrer la psychologie dans le cadre des sciences naturelles, c'est-à-dire à représenter les processus psychiques comme des états quantitativement déterminés de particules matérielles distinguables, afin de les rendre évidents et incontestables ». Ces quelques mots d'introduction montrent bien le souci de Freud de rendre la psychologie incontestable, scientifique, afin de la faire accepter par la communauté médicale et scientifique. D'ailleurs, il appelait son projet « La psychologie à l'égard des neurologues ». Ce projet ne fut jamais publié, il est resté à l'état de manuscrit, mélangé aux lettres que Freud envoya à Fliess. L'ensemble fut sauvé par Marie Bonaparte (1882-1962), l'une des premières analystes françaises. Sachant que Freud voulait les récupérer pour les détruire comme il avait détruit les lettres de Fliess, elle finit par acheter au fils de Fliess les lettres de Freud, sauvant ainsi un document d'une extrême importance pour la psychanalyse.

Freud abandonna rapidement le projet. Il écrit à Fliess : « Je n'arrive pas à comprendre l'état d'esprit dans lequel je me trouvais quand j'ai conçu la Psychologie ; il m'est impossible de m'expliquer comment j'ai pu te l'infliger. »
Ce projet indique le souci de Freud de donner des bases scientifiques à la compréhension théorique du psychisme. Il a dû l'abandonner, parce que, entre autres raisons, l'influence de Fliess commençait à baisser. Mais son souci de théoriser le psychisme ne s'arrêta pas. Un an après la rédaction de l'Esquisse, il avait nettement avancé. Il donna de l'appareil psychique une description qu'on retrouvera dans son livre majeur publié en 1900 : L'Interprétation des rêves. Le chapitre VII de cet ouvrage considéré comme sa partie théorique est une première ébauche de la théorie de l'appareil psychique. Progressivement, Freud construira sa métapsychologie. Métapsychologie et non psychologie biologique, afin de rendre compte des données cliniques, celles de ses patients et les siennes propres.

 

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