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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

La rupture avec les savoirs constitués : la médecine

Freud était médecin. Sa formation médicale l'a beaucoup aidé dans son approche des malades. Mais au début de sa pratique, le discours médical lui servit de résistance, contre le désir des patients et contre son propre désir inconscient.
Car le discours médical se fonde sur une exclusion radicale de l'inconscient. Pour guérir une infection intestinale par exemple, le médecin doit d'abord la diagnostiquer. Et pour cela, il a besoin de signes cliniques. Il n'a que faire des états d'âme du patient et il a raison. Il n'a pas à savoir quelle fantaisie plus ou moins consciente ou quel fantasme occupait le patient au moment où l'infection s'est déclenchée. Pour lui, le signe clinique renvoie à une cause anatomique ou physiopathologique. Le corps ne fonctionne plus normalement, ce qui provoque l'apparition du signe clinique. Et l'apparition du signe clinique lui permettra de repérer à quel niveau le corps ne fonctionne plus et qu'est-ce qui ne fonctionne plus. Le médecin saura ainsi quel est l'organe malade et de quoi il est malade.
L'analyste, lui, à travers le symptôme, va écouter la souffrance du sujet mais aussi sa jouissance. « Le symptôme est une parole bâillonnée », disait Lacan. Le sujet veut dire quelque chose, mais il n'y arrive pas. Le poids de la censure, du surmoi est tel que les Mots pour le dire, titre du roman de Marie Cardinal, ne sont pas disponibles. L'angoisse est terrible, insupportable. Confronté à ça, le sujet fabrique un symptôme. Le symptôme est un compromis entre le désir du sujet et la censure qui l'empêche de parler. Ici, le symptôme n'est donc pas un signe clinique qui renvoie à une maladie comme en médecine, mais une production subjective qui renvoie au sujet lui-même.
L'écoute n'est plus du tout la même. Pour un même signe clinique, le médecin doit rechercher la maladie comme cause et la traiter médicalement. L'analyste, quant à lui, doit écouter ce que le patient veut dire à travers son symptôme. Le traitement est dans l'écoute et non dans l'administration d'un médicament quelconque. Il s'agit d'écouter une vérité qui cherche à se dire à travers le symptôme. Cette vérité est insolente, scandaleuse, elle est tissée de sexe et de mort. Freud va rencontrer cela avec les hystériques. Mieux que n'importe quelle autre structure psychique, l'hystérique va utiliser son corps pour exprimer son malaise. À son insu, bien entendu. L'hystérique va défier l'ordre médical établi. Car son symptôme va se déplacer dans le corps, elle résistera aux traitements habituels, harcèlera le médecin, ira voir ailleurs, pratiquera le tourisme médical. Les Grecs anciens ont créé la théorie de « L'utérus baladeur » pour expliquer comment les douleurs se déplaçaient sur le corps de l'hystérique. Ils pensaient que frustré de sperme, l'utérus se baladait dans le corps à la recherche de la semence masculine. Bien qu'aujourd'hui ce mythe nous fasse rire, les Anciens, Grecs, égyptiens, hébreux n'étaient pas loin de la vérité. Chez l'hystérique, il ne s'agit que de sexe, ce que Freud va découvrir, après avoir appris la chose auprès de Charcot, Breuer et Chrobak. Charcot disait en catimini que c'était toujours la chose génitale, toujours, toujours. Breuer que c'était toujours des secrets d'alcôve et Chrobak, le gynécologue : « Penis normalis dosim repÉtatur ». Chrobak conseillait ainsi aux maris des hystériques de copuler régulièrement avec leurs femmes.
Ces remarques sur le lien absolu entre l'hystérie et le sexe, Freud les a d'abord rejetées comme dégoûtantes. Pour les redécouvrir ultérieurement dans sa propre pratique, après avoir dépassé son propre rejet. Et c'est sa formation de médecin qui a contribué au refoulement premier. Aucun médecin en effet ne peut accepter, jusqu'à aujourd'hui, que l'hystérique lui présente un corps qui jouit à la place d'un corps malade. Et lorsqu'il a découvert lui-même les racines sexuelles de ses propres symptômes, Freud retrouva la véracité des remarques de ses mentors. Et c'est ce qui va l'amener à rompre avec la médecine. Son identification avec ses patientes hystériques, le fait que ces dernières se moquent de l'anatomie, de la physiologie, qu'elles ne respectent pas l'ordre médical du corps, cet ordre dont les médecins ont besoin pour pratiquer la médecine, tout cela va amener Freud à écouter un corps qui souffre mais qui jouit également plutôt qu'un corps malade.
Le fait que son corps parle à sa place a fait de l'hystérique la terreur des médecins. Jusqu'à nos jours, le corps médical n'aime pas les hystériques. Par contre l'hystérique, elle, elle aime le corps médical. Elle aime le défier, le tourner en bourrique, le rendre impuissant. Elle veut lui apprendre que le corps ne souffre pas seulement, mais qu'il jouit également. Ce qui est insupportable pour le médecin. Alors qu'il l'interrogeait à la manière d'un médecin, lorsque l'une de ses premières patientes hystériques lui dit : « Taisez-vous et laissez moi parler », Freud se tut et l'écouta. Peut-on imaginer aujourd'hui un médecin se taire devant une injonction pareille venant d'une patiente ?
En se taisant et en écoutant, Freud venait de rompre ainsi avec la pratique médicale.

Freud était médecin. Sa formation médicale l'a beaucoup aidé dans son approche des malades. Mais au début de sa pratique, le discours médical lui servit de résistance, contre le désir des patients et contre son propre désir inconscient.Car le discours médical se fonde sur une exclusion radicale de l'inconscient. Pour guérir une infection intestinale par exemple, le médecin...
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