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Un monde de solutions (III) - Caroline de MALET (Le Figaro/FRANCE)

Des algues pour lutter contre la pollution

Algopack, le petit poucet français de la biochimie, remplace le pétrole par des algues pour produire du plastique.

Remplacer le pétrole par des algues pour fabriquer du plastique? Vu le prix du baril de pétrole et la pollution mondiale par ce matériau, l'idée semble géniale. Depuis plus de quinze ans, Rémy Lucas, descendant d'une famille de goémoniers bretons, a, fort de son expérience dans l'industrie pétrochimique, en tête de donner corps à cette idée.
Ce rêve est en passe de se réaliser. La société Algopack, qu'il a fondée il y a cinq ans, est aujourd'hui en pointe dans cette technologie de transformation des algues. Le principe est simple en apparence : extraire des algues brunes une poudre à laquelle sont ajoutés des adjuvants végétaux pour produire des granules, qui, envoyées chez des plasturgistes, servent à la fabrication de produits finis. Laminés destinés à l'ameublement, bouchons d'emballage, pots de fleurs ou encore urnes funéraires (notre photo): les usages de ce matériau sont multiples. Mais pas déclinables à l'infini. Car, à la différence du premier produit lancé par la société, Algoblend, composé à 50% d'algues et 50% de plastique, le dernier-né de la gamme, Algopack n'est pas transparent mais brun foncé, comme les algues, dont il est composé à 100%. Et s'il est possible de le colorer dans la masse, il ne peut guère devenir translucide. Ce qui fait dire à Rémy Lucas: «Nous n'irons jamais sur le marché des bouteilles d'eau.»

Respect de l'environnement
En dépit de ce petit handicap, cette matière première présente de nombreux avantages. D'abord, cette ressource naturelle existe en quantités infinies. Et même si sa production est saisonnière, on peut la cultiver. C'est précisément ce que fait Algopack dans la baie de Saint-Malo en Bretagne, avec des aquaculteurs. L'algue peut même être stockée des années. Ensuite, elle est bon marché : il suffit de la récolter en mer. Et des déchets industriels d'algues (dont l'industrie cosmétique a déjà extrait certaines substances), encore moins chers, font tout aussi bien l'affaire. Du coup, Algopack est vendu 1500 euros la tonne, contre 2000 euros pour la plupart des bioplastiques (issus de céréales ou de canne à sucre) et 1200 euros pour le plastique. Enfin, il est respectueux de l'environnement. L'algue n'a besoin pour croître ni d'engrais ni de pesticides, et de très peu d'eau. Elle séquestre du gaz carbonique (961 kilos par tonne pendant sa croissance) et rejette de l'oxygène, indispensable à la croissance du plancton. En fin de vie, les produits finis se décomposent en douze semaines en terre, contre quatre à dix siècles pour les matières plastiques, et cinq heures en mer. Dans tous les cas, ils jouent le rôle de fertilisants. À noter aussi que ce matériau ne contient ni bisphénol A ni phtalate.

Applications mondiales
L'inventeur s'est déjà fait remarquer : lauréat des concours Crisalide Éco-activités et Innova'Bio en 2011, il a remporté l'an dernier le Grand Prix Business durable chimie verte Total-BFM. Algopack représente même un espoir pour les habitants des Antilles et de Guyane envahis par la pollution des algues sargasses, d'une ampleur inédite actuellement. L'expédition 7e Continent, qui encourage le développement d'alternatives aux matières plastiques, s'y est associée pour résoudre cette problématique. Bonne nouvelle : les tests d'Algopack ont montré que son procédé pouvait s'appliquer à cette espèce d'algues. Algopack a également été testé avec succès sur plusieurs continents, au Japon, en Chine, en Afrique du Sud, au Chili et au Canada. De formidables débouchés qu'Algopack envisage sous forme de licences accordées à des industriels locaux.
Mais le chef d'entreprise est prudent: « Nous avons préféré sécuriser la ressource avant de signer des contrats plutôt que risquer de ne pas être en mesure de répondre à la demande. » Aussi la production n'ayant démarré qu'en 2013, le chiffre d'affaires demeure modeste, à 120000 euros en mai 2015. Il devrait atteindre 1 million d'euros au cours du prochain exercice. Car le procédé séduit de nombreux clients, comme Leclerc (jetons de chariots), Orange (coques de téléphone), Sagemcom (Livebox) ou Biocoop (aménagement de 300 magasins).
Toujours en phase pilote, Algopack va accélérer son développement en passant à une phase industrielle en 2016. Son parc de 12 hectares de culture d'algues doit être étendu à 145 hectares. Le site de production doit déménager pour atteindre mille mètres carrés. «D'ici à cinq ans, nous pensons atteindre une trentaine de millions de chiffre d'affaires et créer une trentaine d'emplois», confie Rémy Lucas. Autant de développements qui représentent plus de 5 millions d'euros d'investissements. D'où la levée de fonds actuellement en cours.
Alors que des groupes pétroliers mondiaux s'intéressent également à ce créneau, ce nouveau moyen d'assainir la planète n'a pas fini de faire parler de lui : près de 269000 tonnes de plastique polluent la surface des océans...

 

Voir aussi la vidéo
https://www.youtube.com/watch?v=hIOkdKPWImg

 

Remplacer le pétrole par des algues pour fabriquer du plastique? Vu le prix du baril de pétrole et la pollution mondiale par ce matériau, l'idée semble géniale. Depuis plus de quinze ans, Rémy Lucas, descendant d'une famille de goémoniers bretons, a, fort de son expérience dans l'industrie pétrochimique, en tête de donner corps à cette idée.Ce rêve est en passe de se réaliser. La...

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