Insoutenable, la vidéo de cet homme qui agresse son épouse au vu et au su de tous. Elle est au volant de sa voiture, dans un parking. Lui, debout, à côté du véhicule, l'engueule et la menace du doigt, avant de lui saisir brutalement la tête. Il la secoue, la frappe, lui tire les cheveux à travers la vitre ouverte. Il n'en finit pas de la malmener, de l'humilier, de la détruire.
Inadmissible spectacle au pays du Cèdre et qui remonte à une semaine. Une semaine déjà que l'État n'a absolument rien fait pour sanctionner l'époux violent. Un avocat, paraît-il, qui jouit donc d'une immunité. Un président de municipalité de surcroît. La preuve du flagrant délit circule sur les réseaux sociaux. Le portrait de l'agresseur aussi. De même que son nom. On le montre du doigt. On raconte qu'il a un sale caractère. Qu'il est connu pour son agressivité, et pas seulement envers sa femme. Mais on lance aussi des appels à la retenue sous prétexte de protéger les enfants du couple. « Dieu sait ce qu'elle aurait fait », chuchotent de mauvaises langues, prenant le parti de l'homme.
On pourrait raconter tout et n'importe quoi. On pourrait broder des heures sur un couple en crise. Mais pas question, sous aucun prétexte, d'excuser la brutalité d'un mari. Car il faut agir, et vite. Avant que malheur n'arrive à la mère de ses enfants, qui se terre désormais nul ne sait où. Outre les coups et blessures, c'est à la menace que l'époux a aujourd'hui recours. Non seulement menace-t-il sa femme, son souffre-douleur, mais aussi sa belle-famille, et plus particulièrement sa belle-sœur, révèle l'association Kafa.
Khalass. Assez. Basta.
Cette affaire de violence conjugale sera-t-elle étouffée comme de nombreuses affaires qui ont tourné au drame ?
Le parquet aurait pu se saisir de l'affaire et la traiter dans l'urgence, vu le flagrant délit de l'agression et la plainte présentée par la victime qui craint pour sa vie. Mais il ne l'a pas fait.
De son côté, le conseil de l'ordre des avocats, réuni hier, n'a toujours pas levé l'immunité de l'agresseur, comme le lui avait demandé la société civile. Mais ce dernier doit être entendu aujourd'hui même par le commissaire du Palais de justice, Georges Nakhlé, à la demande du bâtonnier de Beyrouth, Georges Jreige. Un moyen pour le barreau, qui « se prononce formellement contre toute atteinte aux droits de la femme », « d'accélérer la procédure » d'une affaire largement médiatisée.
Il reste à espérer que rien ni personne ne viendra entraver le cours de la justice, alors que le pays persiste dans le déni d'un des plus graves problèmes de la société libanaise, la violence et la discrimination que subissent au quotidien des milliers de femmes et de filles au sein de leurs couples, de leurs familles et de la société.
Jusqu'à quand ?
Liban - Citoyen grognon
Le déni
OLJ / Par Anne-Marie El-HAGE, le 06 juin 2015 à 00h00
Quand on a pour le statut personnel et le mariage, non des lois civiles mais des lois -religieuses- des plus rétrogrades du monde, c'est ce qui arrive dans toutes les communautés. Khalas ! Il faut cracher cette vérité contre ce fléau de la violence conjugale contre les femmes, n'en déplaise aux cheikhs et aux curés. Sinon rien n'est fait.
17 h 17, le 06 juin 2015