À l'occasion de la 15e commémoration de la mort du Amid du Bloc national, Raymond Eddé, un vibrant hommage lui a été rendu samedi lors d'une émouvante cérémonie organisée par le Lions Club International, district 351, à la Maison de l'avocat, à Beyrouth.
La cérémonie était placée sous le thème « Raymond Eddé : un homme, une nation », qui exprimait sans détour la grandeur de l'ancien « Amid » du BN, qui avait œuvré jusqu'à sa mort pour que vive un Liban souverain. Combattant toute sorte d'occupation et défendant, au péril de sa vie, sa conception d'un Liban libre, il a poursuivi sa lutte dans son exil forcé à Paris où il est décédé le 10 mai 2000 au terme de 23 ans d'exil.
Près de 500 personnes se sont pressées dans l'amphithéâtre de la Maison de l'avocat pour assister à la cérémonie commémorative. Parmi les personnalités, on notait la présence de Ramzi Jreige, ministre de l'Information, Michel Moussa, représentant le président de la Chambre Nabih Berry, Boutros Harb, qui représentait le chef du gouvernement, Tammam Salam, la ministre Alice Chaptini et M. Chaker Aoun, représentant respectivement les anciens présidents Michel Sleiman et Amine Gemayel, et M. Antoine Andraos, représentant Saad Hariri, tandis que Samir Geagea et Michel Aoun avaient respectivement dépêché Joe Sarkis et Ibrahim Kanaan. Également présents le Amid du Bloc national, Carlos Eddé, et les anciens ministres Chakib Cortbaoui, Élias Hanna, Farès Boueiz ainsi que de nombreuses autres personnalités.
Une rue Raymond Eddé
Après une allocution de bienvenue de l'ancien gouverneur du Lions Club, Rachid Jalkh, M. Jean Hawat, président de la commission événementielle du club, a pris la parole pour exprimer d'abord sa joie « de voir l'une des artères de Beyrouth – située près de l'église Saint-Maron à Tabaris – porter le nom de Raymond Eddé », remerciant pour cette démarche le mohafez et le président de la municipalité de Beyrouth, Ziad Chbib et Bilal Hamad, ainsi que le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk. Il a par ailleurs évoqué « l'hostilité du député Raymond Eddé à toutes les stratégies visant à porter atteinte à l'entité du Liban, se dressant contre l'entrée des troupes syriennes en 1976 , mettant en garde contre la partition, et condamnant l'accord du Caire de 1969, qui avait légalisé la présence armée des Palestiniens au Liban-Sud, et l'accord du 17 mai 1983 signé avec Israël ».
« La conscience du Liban »
Mgr Michel Aoun, représentant le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a assuré que « Raynond Eddé mérite le surnom de "conscience du Liban", lui qui croyait en la liberté et adoptait la démocratie comme style de politique, montrant que celle-ci peut être synonyme de transparence et non de tromperie. Visionnaire, refusant les compromis, il ne transigeait jamais sur ses convictions et principes, s'attachant à concilier ses dires et ses actes, et défendant ardemment les libertés publiques ».
Le représentant de Mgr Béchara Raï a par ailleurs saisi l'occasion pour souligner qu'« aujourd'hui, le Liban a besoin de responsables de la trempe de Raymond Eddé afin qu'il jouisse enfin d'une vraie indépendance ». Il a appelé les responsables, chrétiens et musulmans, à « prendre la position courageuse, inspirée du pacte national, d'élire un président de la République droit et fort ».
Marwan Sakr a pour sa part prononcé le mot de l'ancien président du Parlement Hussein Husseini. Le texte a notamment insisté sur « les qualités de franchise et de courage dont Raymond Eddé était doté ».
« Je n'aime pas la politique, j'aime la chasse »
Avant d'écouter les autres interventions, l'assistance a visionné un documentaire relatant le parcours de Raymond Eddé qui détestait la politique, selon ses propres dires. « Victime de ma position d'aîné de la famille et ayant 7 ans de plus que mon frère Pierre, j'ai dû accepter le rôle de Amid », l'entend-on dire dans le documentaire. « Alors que j'aime mon métier d'avocat et la chasse », poursuit-il avec humour.
Né en 1913 à Alexandrie, le fils du premier président maronite de la République libanaise se voit donc prendre en 1949 la relève de son père, Émile Eddé, à la tête du parti du Bloc national fondé par celui-ci en 1943. « Élu député en 1953, il le restera jusqu'en 1992, prônant sans répit la transparence et rejetant le mensonge », indique le documentaire, et proposant nombre de lois, notamment sur le secret bancaire, le compte joint, l'enrichissement illicite des fonctionnaires et des mandataires de droit public, et la libéralisation des loyers des immeubles de luxe. L'extrait télévisé de poursuivre : « Raymond Eddé, l'éternel opposant, était libre de toute contrainte. Nommé ministre de l'Intérieur en 1958 au sein du gouvernement des Quatre, il démissionne quelque temps après pour protester contre l'ingérence du second bureau (de renseignements) dans la politique et l'administration. Près de 10 ans plus tard, il démissionne encore de son poste de ministre des Travaux publics pour protester contre l'inaction de l'armée lors du raid israélien contre l'aéroport international de Beyrouth (AIB). »
Au début du conflit libanais, refusant de s'impliquer dans la logique de la guerre, le Amid réclame le retrait des troupes syriennes. En 1976, il se déclare candidat à la présidence de la République, mais refusant les compromissions, il essuie une défaite face à Élias Sarkis. Il sera par la suite la cible de plusieurs tentatives d'assassinat qui le contraignent à s'exiler à Paris.
Après les applaudissements de l'assistance, retour aux interventions avec un discours remarquablement éloquent de Ghazi Aridi qui représentait Walid Joumblatt. Axant sa prestation sur les dénominateurs communs à Raymond Eddé et Kamal Joumblatt, M. Aridi indique que « ces deux grands hommes se retrouvaient autour de constantes et de principes nombreux dont la croyance en un Liban message, uni, libre et démocrate ».
« Ci-gît Raymond qui avait raison »
Le bâtonnier Georges Jreige a, de son côté, déploré « le départ de Raymond Eddé avant de voir ses rêves de retraits israélien et syrien se réaliser », rappelant, en conclusion, l'épitaphe que Raymond Eddé avait demandé d'inscrire sur sa tombe : « Ci-gît Raymond qui avait raison », comme s'il savait que ses propos prémonitoires seraient, un jour, tous vérifiés.
Opinion
La cérémonie était placée sous le thème « Raymond Eddé : un homme, une nation », qui exprimait sans détour la grandeur...
commentaires (3)
François Mauriac avait dit en 1970 :"Quand le général de Gaulle ne sera plus là, il sera là encore." Moi-même, Gaulliste depuis 1940 et fils d'une famille "Bloc national" depuis 1943, je me permets de dire la même chose de Raymond Eddé, fils du Président Emile Eddé : "Quand Raymond Eddé ne sera plus là, il sera là toujours".
Un Libanais
12 h 49, le 01 juin 2015