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Nos Lecteurs ont la Parole - Nabil EL-KHOURY

La guerre du Liban, ou les effets catastrophiques d’une souveraineté réduite

Les rivalités interconfessionnelles au Liban ont fragilisé l'appareil étatique de manière que l'État faible était incapable d'exercer pleinement son autorité et de protéger la souveraineté nationale lorsque l'intense conflit israélo-palestinien, aggravé après la guerre de juin 1967, a soufflé sur le feu au Liban(1). En effet, l'émergence de l'Organisation de libération de la Palestine, l'OLP, et son recours aux activités paramilitaires contre Israël à partir du territoire libanais ont débouché sur des comportements incompatibles avec la souveraineté de l'État libanais.
Ainsi, l'autorité de l'État était minée sous le coup d'une polarisation politique interne aiguë et d'un phénomène de radicalisation auprès de la plupart des protagonistes libanais et palestiniens entre 1967 et 1975.
Le constat de ce processus conflictuel montre que l'État libanais est confronté à une problématique paradoxale à partir de 1969 : afin de maintenir la stabilité et la paix internes, il faut sacrifier une partie de la souveraineté et de l'effectivité de l'appareil gouvernemental central.
L'observation des faits montre que la première tentative menée en 1969 par le gouvernement libanais avec l'aide de la communauté internationale, la France et les États-Unis en particulier, afin de restaurer la souveraineté et rétablir l'effectivité de l'État a mis en péril la stabilité et la paix internes. Le compromis de 1969, ou ce qu'on appelle l'accord du Caire (3 novembre 1969), entre les autorités libanaises et l'OLP, a tenté de concilier les principes étatiques libanais et le choix révolutionnaire palestinien. De fait, ce compromis a consacré une souveraineté réduite. C'est pourquoi il y a eu des effets catastrophiques, d'autant plus que la communauté internationale, paralysée par la rivalité Est-Ouest, n'est pas parvenue à résoudre le conflit global du Proche-Orient.
L'évolution de la crise a conduit à l'éclatement d'une guerre interne en 1975, entre la droite chrétienne libanaise et l'alliance palestino-islamo-progressiste, ce qui a provoqué la dislocation de l'État.
Dès lors, aucune structure dissuasive ou coercitive n'est mise en place pour freiner « l'ascension aux extrêmes » et empêcher l'explosion de « l'animosité (...) en passion pure et en brutalité sans restriction » (2), pour emprunter les termes du philosophe français Raymond Aron. C'est pourquoi le Liban s'est transformé en un terrain « d'une violence hors de tout contrôle entre communautés et à l'intérieur de chaque communauté »(3) selon le chercheur en relations Internationales, Jean-Jacques Roche.
Un État défaillant, incapable de mettre fin à ce drame interne, ne possède pas de capacités dissuasives contre les ingérences régionales hétérogènes. Ces ingérences politiques et militaires ont porté encore plus atteinte à la souveraineté de l'État en compromettant davantage l'exercice de son autorité et menaçant sa stabilité. De fait, il s'agit des interventions extérieures directes et indirectes ; d'un soutien apporté à des actes de guerre civile, d'assistance financière et matérielle aux belligérants. Ces interventions ont rendu la conflictualité au Liban plus complexe à partir de 1975. Elles sont en violation du droit international ; la résolution 2625(4), adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 24 octobre 1970, les qualifie de recours prohibé à la force.
Le Liban est devenu une cible des ambitions hégémoniques du régime syrien et des ambitions expansionnistes israéliennes, puis une base potentielle de l'expansion de l'influence iranienne après la révolution islamique en 1979. Il est donc l'un des pays où les acteurs régionaux n'ont jamais respecté les règles du droit international(5). C'est une situation qui persiste, mettant le Liban en danger permanent.

Nabil EL-KHOURY
Docteur en sciences politiques

1– Voir Maxime Lefebvre, « Le jeu du droit et de la puissance. Précis de relations internationales », Paris, Puf, 2013, 4e éd., pp. 615-618.
2 – Raymond Aron, « Paix et guerre entre les nations », Paris, Calmann-Lévy, 1968, 8e éd., p. 59.
3 – Jean-Jacques Roche, « Théorie des relations internationales », Paris, Montchrestien, 2010, 8e éd., p. 24.
4– C'est une « déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies ».
5– Voir Jean Combacau, Serge Sur, « Droit international public », Paris, Lextenso, 2008, 8e éd., p. 630.

Les rivalités interconfessionnelles au Liban ont fragilisé l'appareil étatique de manière que l'État faible était incapable d'exercer pleinement son autorité et de protéger la souveraineté nationale lorsque l'intense conflit israélo-palestinien, aggravé après la guerre de juin 1967, a soufflé sur le feu au Liban(1). En effet, l'émergence de l'Organisation de libération de la...

commentaires (2)

RÉDUITE ? OU IL Y A OU IL N'Y A PAS DE SOUVERAINETÉ. DANS LE CAS DU LIBAN... ELLE EST ACCAPARÉE ET LE PAYS EST EN OTAGE !!!

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 09, le 16 avril 2015

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Commentaires (2)

  • RÉDUITE ? OU IL Y A OU IL N'Y A PAS DE SOUVERAINETÉ. DANS LE CAS DU LIBAN... ELLE EST ACCAPARÉE ET LE PAYS EST EN OTAGE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 09, le 16 avril 2015

  • Le général Emile Boustani et le Président Charles Hélou avaient livré le Liban aux Palestiniens en signant l'accord du Caire le 3/11/1969. Le général retraité Michel Aoun a vendu ce qui reste de notre souveraineté au Hezbollah en signant "La Feuille d'entente" à Chiyah en l'eglise Mar-Mikhaël le 3/2/2006.

    Un Libanais

    16 h 32, le 16 avril 2015

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