Les forces du 14 Mars réunies au Biel.
Le huitième congrès du 14 Mars qui s'est tenu samedi après-midi au Biel a confirmé une fois de plus le caractère fondamentalement pluriel et démocratique de la coalition souverainiste. En présence du président Amine Gemayel, de l'ancien Premier ministre Fouad Siniora, des députés et ministres et des représentants de l'ensemble des composantes du 14 Mars, en sus des personnalités politiques indépendantes, des universitaires, journalistes, hommes d'affaires, membres des professions libérales, cadres supérieurs et délégués de la société civile (en tout près de 500 participants d'horizons très divers), ces assises ont été marquées par un débat franc et transparent portant sur l'état des lieux actuel dix ans après le déclenchement de la révolution du Cèdre, au printemps 2005.
Les échanges de vues ont été axés principalement sur la teneur du document politique – rendu public au terme du congrès – qui avait été élaboré récemment par une commission ad hoc représentative des différentes formations du 14 Mars.
Après la lecture de la mouture initiale, le débat a été ouvert et plusieurs militants de la société civile sont intervenus pour exprimer des critiques, souvent très sévères, à l'égard de la ligne de conduite du directoire de la coalition, lui reprochant un certain laxisme face à la contre-révolution menée depuis 2006 par le Hezbollah et l'axe irano-syrien. Ces critiques ont toutefois occulté le fait que la marge de manœuvre d'une force politique qui opte pour des moyens d'action pacifiques et démocratiques se trouve sensiblement réduite lorsqu'elle est confrontée à un adversaire sans foi ni loi qui n'hésite pas à déclencher des guerres en bonne et due forme, à commanditer des assassinats et des attentats, à orchestrer des insurrections armées, à se livrer à des manœuvres d'intimidation et à exercer un chantage milicien afin de torpiller le projet politique du camp opposé.
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Dans un souci de rationaliser le débat, l'ancien député Samir Frangié a invité les représentants (contestataires) de la société civile à entreprendre des initiatives concrètes afin de contribuer, chacun dans son domaine, à redresser une situation dont la gravité n'échappe à personne. Pour sa part, le ministre Nabil de Freige a mis l'accent sur l'importance stratégique de la coalition souverainiste issue de la révolution du Cèdre, soulignant que sans le 14 Mars – qui a maintenu dix ans durant ses positions de principe de façon ferme, contre vents et marées –, le Hezbollah aurait réussi à imposer son projet d'assemblée constituante afin de modifier radicalement les fondements du système politique, dans le sens d'un partage du pouvoir sur base des trois tiers (un tiers pour les chrétiens, un tiers pour les sunnites et un tiers pour les chiites).
Il reste qu'au-delà du débat interne – dont l'importance et l'utilité ont été relevées par l'ancien député Farès Souhaid qui présidait la séance –, ce huitième congrès a été marqué par l'annonce de la formation du Conseil national du 14 Mars. Cette nouvelle instance (dont il était question au sein de la coalition depuis près de deux ans) constitue une expérience sans précédent dans l'histoire contemporaine du pays. Elle regroupera des délégués des composantes du 14 Mars et, surtout, des représentants de la société civile et des indépendants (journalistes, universitaires, hommes d'affaires et cadres supérieurs...) afin d'élargir l'éventail des concertations en amont de la prise de décision politique. Le Conseil national sera donc une structure à vocation consultative visant à permettre aux non-partisans et aux indépendants de faire entendre leurs voix et de suggérer, le cas échéant, un programme d'action susceptible de répondre aux besoins de la population dans sa vie quotidienne. Cette instance sera animée par un secrétaire général élu par une assemblée formée des participants au huitième congrès.
La formation du Conseil national aura pour effet d'accroître encore plus le poids et l'envergure nationale du 14 Mars, d'autant que de nombreux cadres chiites étaient présents samedi au Biel et plusieurs d'entre eux ont été désignés au sein de la commission chargée de préparer le statut et le plan d'action de l'instance en gestation, laquelle devrait être constituée d'ici à deux mois. Preuve que cette initiative « dérange », le Hezbollah s'est déchaîné hier contre la démarche du 14 Mars, affirmant que si elle est « sérieuse », elle risque de menacer le gouvernement (sic ! ). La réaction fiévreuse du parti pro-iranien reflète, encore une fois, l'existence sur la scène locale de deux projets de société, deux projets politiques, aux antipodes l'un de l'autre : celui d'une coalition souverainiste, plurielle, transcommunautaire, pacifique, qui a pour leitmotiv « Liban d'abord » (avec tout ce que ce slogan implique comme conséquences multiples), et celui d'un parti monolithique et théocratique qui prône l'édification d'une société guerrière et qui se pose dans ce cadre en tête de pont d'une puissance régionale aux visées ouvertement hégémoniques, qui ne s'encombre en aucune façon des spécificités et des intérêts supérieurs du pays du Cèdre.
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17 h 51, le 16 mars 2015