C'est un understatement : depuis son retour à Beyrouth, Saad Hariri est au cœur de presque chaque mouvement enregistré sur l'échiquier politique local. Parce que non seulement sa présence physique à Beyrouth constitue, depuis son éviction du Sérail, un événement en soi, par sa rareté, mais aussi et surtout parce que le courant du Futur est au cœur de deux problématiques, naturellement liées : la vacance présidentielle et le dialogue sunnito-chiite.
Le dîner mercredi soir à la Maison du Centre en l'honneur de Michel Aoun et de son gendre, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, a évidemment contribué, fût-ce ponctuellement, à briser la glace. Mais il a permis de dégager quelques avancées, aussi minimes soient-elles ; de comprendre un peu plus. Deux sujets majeurs se sont taillé la part du lion : le mécanisme suivi jusque-là en Conseil des ministres et la décision du ministre de la Défense, Samir Mokbel, concernant certains officiers censés partir à la retraite.
Une fois le dîner terminé et chacun retourné dans ses fiefs, le sentiment des haririens était le suivant : si le chef du CPL pourrait, à certaines conditions, lâcher du lest concernant le report du départ à la retraite du général Mohammad Kheir (et d'autres, même si, en réalité, c'est surtout le spectre d'une prorogation du mandat du commandant en chef de l'armée, Jean Kahwagi, qui le hante) et baisser le ton par rapport à Samir Mokbel, il reste en revanche intraitable concernant le mécanisme de gouvernement. C'est-à-dire qu'il insiste pour que l'unanimité interministérielle, ce que M. Bassil appelle un « consensus », perdure, s'opposant par là directement au Premier ministre, Tammam Salam, qui avait exprimé la semaine dernière au grand jour son très vif mécontentement, refusant la tenue d'un Conseil des ministres cette semaine.
Quant aux milieux aounistes, ils essaient d'expliquer la position de Michel Aoun en répétant à qui veut bien les entendre que le député du Kesrouan refuse catégoriquement que quiconque s'habitue à la vacance présidentielle. Mais ils insistent sur un point : l'envergure d'homme d'État de leur champion, à l'instar de l'ancien ministre Mario Aoun : « Ce dîner a montré la capacité de Michel Aoun à discuter avec ses adversaires. Les différents dialogues sont une occasion pour libaniser l'échéance au maximum », a-t-il indiqué.
(Sur le net : "Si Aoun et Geagea se mettent d'accord"...)
Quatre acquis
Au four et au moulin, Saad Hariri, depuis ce fameux discours du Biel le 14 février.
Concernant le dialogue Futur-Hezbollah, les milieux proches de l'ancien Premier ministre résument clairement la situation. Saad Hariri juge effectivement ces discussions « très utiles », même s'il rappelle que son parti « n'a pratiquement rien à donner » au parti chiite. « Par contre, tout ce que le Hezbollah nous donne, on le prend, et nous disposons déjà de quatre acquis », se réjouissent les haririens.
Un : le plan de sécurité à Tripoli, avec notamment l'éloignement du patron des SR de l'armée dans la capitale du Liban-Nord.
Deux : le plan de sécurité dans la Békaa et les progrès enregistrés jusque-là dans différentes zones, surtout Brital et Nabi Chit.
Trois : l'assurance, du moins orale, que la troisième étape de ce plan, la plus importante, englobera Beyrouth et la banlieue sud. « Mais là, il faut des actes », insiste une source proche de Saad Hariri.
Quatre : le silence du Hezbollah concernant une requête du Futur et que ce dernier a pris pour un acquiescement. Le courant du Futur a établi une liste de membres des Brigades de la résistance dans certaines régions et il souhaiterait que le Hezb s'en désolidarise. Ce à quoi le parti chiite n'a répondu ni par oui ni par non.
En contrepartie de tout cela, le Hezbollah, qui jure ses grands dieux qu'il est favorable à l'assise et au renforcement de l'État, demande une stratégie de défense unifiée contre le terrorisme (takfiriste). Une exigence à laquelle le Futur ne semble pas dire non. « Nous sommes concernés par la lutte contre le terrorisme à l'intérieur du Liban, pas de l'autre côté de nos frontières. La stratégie, c'est l'État qui la pose et ses institutions qui l'exécutent. Tout cela, d'ailleurs, ne peut se faire en l'absence d'un président de la République », a affirmé le député Samir Jisr interrogé par l'agence al-Markaziya.
Indubitablement, le chemin va être long. Très, très long.
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Aoun est plus que jamais l'homme de la situation et le hezb resistant le maître du jeu. On ne change pas une equipe qui gagne. ZM est ce pour Ziad Makhoul ? Étonnant de modération et de simplicité. On saura bien pourquoi un jour.
22 h 56, le 20 février 2015