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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Minsk 2 tiendra-t-il ses promesses ?

Anne de Tinguy, spécialiste de la Russie et de l'Ukraine, analyse pour « L'Orient-Le Jour » l'accord entre les rebelles prorusses et les émissaires de Kiev.

Angela Merkel et François Hollande, lors d’une conférence de presse suivant le sommet de Minsk. Grigory Dukor/ Reuters

Les violences ne connaissaient pas de répit dans l'Est séparatiste prorusse de l'Ukraine hier, avec au moins quinze militaires et civils tués dans les dernières 24 heures, ce qui alimente la méfiance des Occidentaux envers les nouveaux accords de paix signés la veille à Minsk.
La trêve est certes censée entrer en vigueur à partir de dimanche minuit, mais le texte, dit Minsk 2, arraché au terme de seize heures de négociations entre les dirigeants russe, ukrainien, français et allemand, a fait naître « une lueur d'espoir » pour l'arrêt des violences qui ont atteint des niveaux critiques ces dernières semaines, portant le bilan des morts à près de 5 500 en 10 mois. Angela Merkel et François Hollande, qui ont participé au sommet de Minsk, ont dès jeudi laissé entendre qu'il y aurait des difficultés dans la mise en œuvre de Minsk 2 et ont mis en garde la Russie en menaçant de lui imposer de nouvelles sanctions si la trêve échoue.
En outre, le document en 13 points reprend en grande partie ceux du « protocole » de cessez-le-feu, signé le 5 septembre à Minsk et développé par un mémorandum le 19 septembre, mais qui n'avaient pas abouti à une paix durable. Le nouveau texte élargit cependant la zone tampon d'où les armes lourdes doivent être retirées, et insiste sur un contrôle de la frontière par les forces de Kiev et sur une révision de la Constitution ukrainienne.

En septembre dernier, un « protocole » de cessez-le-feu avait déjà été signé à Minsk, qui n'avait pas été appliqué. En quoi Minsk 2 pourrait-il être respecté et apporter une solution au conflit ?
Cet accord n'est pas vraiment une copie de l'accord signé en septembre. Il y a une grande différence parce que l'accord signé jeudi a été rédigé et conclu avec le soutien de la France et de l'Allemagne, ce qui est très important. De plus, la Russie, l'Ukraine, la France et l'Allemagne s'engagent à s'impliquer dans sa mise en œuvre.
Cependant, beaucoup d'inconnues demeurent, notamment sur les questions du contrôle des frontières et des réformes constitutionnelles qui octroieraient un statut spécial aux régions de l'est de l'Ukraine. Enfin, la résolution du problème de la présence de forces étrangères dans l'est de l'Ukraine demeure très floue. Le retrait de ces forces doit se faire sous la supervision de l'OSCE. Mais comment pourra-t-il se faire ? L'OSCE est déjà présente à deux points de passage sur la frontière, mais il y en a huit et 400 km de frontière, ses moyens sont donc trop faibles.

Comment expliquez-vous le décalage, après la signature de l'accord, entre les réactions des Occidentaux, et celles de la Russie et des séparatistes prorusses ?
Cet accord reste très flou. Il n'y pas de cessez-le-feu immédiat alors que des gens meurent tous les jours. Pour les séparatistes prorusses, c'est un point positif, ils sont en meilleure position sur le terrain, donc repousser le cessez-le-feu va dans leur sens. Et tant que Vladimir Poutine continue à nier son implication militaire et humaine dans le Donbass, alors que celle-ci est avérée, on ne pourra pas mettre fin au conflit.
François Hollande et Angela Merkel sont restés dans la retenue après la signature de l'accord. Ils souhaitaient un règlement global du conflit alors que l'accord n'en garantit aucun. Les deux dirigeants espèrent simplement avoir enclenché un processus de paix dans le cadre duquel ils arriveront à peser sur la Russie. François Hollande a parlé d'un « accord fragile », et le mettre en œuvre va sûrement demander beaucoup d'efforts. La Russie est la clé pour mettre fin aux combats, de très nombreux experts s'accordant pour dire que sans le soutien de la Russie, le mouvement séparatiste s'effondrerait.

Comment analysez-vous le fait qu'au moment même de la signature des accords, des chars russes franchissaient la frontière ukrainienne ?
Cela prouve l'ambiguïté et l'ambivalence de la stratégie de Vladimir Poutine. Il veut apparaître comme un médiateur alors qu'il arme les séparatistes et que de nombreux Russes, probablement plusieurs milliers, combattent. C'est ce qu'on appelle un double jeu. Poutine a élaboré une mise en scène et sa position semble ferme pour le moment.

Les violences ne connaissaient pas de répit dans l'Est séparatiste prorusse de l'Ukraine hier, avec au moins quinze militaires et civils tués dans les dernières 24 heures, ce qui alimente la méfiance des Occidentaux envers les nouveaux accords de paix signés la veille à Minsk.La trêve est certes censée entrer en vigueur à partir de dimanche minuit, mais le texte, dit Minsk 2, arraché...

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