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Ces grands yeux clairs

Ainsi, ils l'ont brûlé vif. Ça commençait à devenir ordinaire, ces décapitations répétitives. La première fois ça avait choqué. La deuxième fois, il a fallu élaborer la mise en scène. Mais dès la troisième fois, le cœur n'y était plus. L'Occident avait beau se dire horrifié, une routine lassante commençait à s'installer. À trop répéter les mêmes gestes, le groupe EI commençait à se faire du souci pour son image. Tueur en série, c'est bien. Maniaque, c'est moins glorieux. En revoyant minutieusement leur Coran très personnel, les jihadistes ont donc trouvé une idée plus originale. Temps de réalisation : 22 minutes. Ingrédients : un bidon de gasoil, quelques barres de fer, quelques bottes de foin, une tunique orange Guantanamo, une torche. Construire une cage à fauve à barreaux noirs de tant par tant, orientée vers le ponant. La remplir de paille arrosée de pétrole. Y introduire l'otage sommairement enveloppé de la tunique orange. Mettre le feu à l'ensemble au moyen d'une torche. Saisir l'homme vivant, laisser carboniser. Ne pas oublier de filmer. Lancer des « takbir » à discrétion. Ça donne un parfum divin à l'opération.
Au risque de décevoir les membres zélés du groupe EI, autant leur dire tout de suite qu'ils n'ont rien inventé. Quoi qu'ils fassent, d'autres suprématistes l'ont fait avant eux. De l'Inquisition au Ku Klux Klan, en passant par le nazisme, le stalinisme, le maoïsme et les Khmers rouges, toutes les délicatesses en matière de torture et d'exécutions ont été écumées et tout aussi bien documentées. À la fin, la mort est la mort. Le tueur redevient un animal triste et sans nom, et la victime se transforme en symbole. Moaz al-Kassasbeh est devenu un symbole. Le pilote jordanien, qui aurait dû mourir dans le crash de son F-16 en Syrie dans le cadre d'une mission de la coalition internationale antijihadiste, a eu la malchance de tomber dans les filets de cette civilisation à part. Un Arabe! Quelle aubaine pour ces collectionneurs que les Anglais, les Américains, les Français et les Japonais n'amusaient plus. On pouvait se douter, depuis cette veille de Noël où il était de service – sans doute parce que ses camarades étaient en vacances – que son sort serait exceptionnel. Intéressantes furent d'ailleurs les réactions du monde arabe à l'annonce de cette exécution sadique. Les EAU ont « suspendu leur participation aux raids aériens » (sans toutefois se proposer pour une intervention au sol). Al-Azhar a appelé à « tuer et crucifier, et amputer les mains et les pieds des terroristes de l'EI ». Tuer d'abord, crucifier ensuite, amputer enfin. Dans cet ordre-là, le châtiment est exemplaire. Damas s'est félicité de la « punition » infligée à Moaz. Ça lui apprendra à « soutenir des combattants contre le régime ». La Jordanie a annoncé l'exécution de deux prisonniers jihadistes dont Moaz était la monnaie d'échange. Le Liban a présenté ses condoléances à Abdallah II. Chacun réagit avec ce qu'il a ou ce qu'il est. Rien n'est plus banal que la violence quand elle appelle la violence.
Malgré cette mort indigne, Moaz est mort en soldat, au champ d'honneur comme on dit. Et ses grands yeux clairs nous rappellent que les milliards investis dans l'industrie militaire resteront vains tant qu'au moins l'équivalent ne sera pas fait contre le fanatisme et la pauvreté, principaux carburants du terrorisme.

Ainsi, ils l'ont brûlé vif. Ça commençait à devenir ordinaire, ces décapitations répétitives. La première fois ça avait choqué. La deuxième fois, il a fallu élaborer la mise en scène. Mais dès la troisième fois, le cœur n'y était plus. L'Occident avait beau se dire horrifié, une routine lassante commençait à s'installer. À trop répéter les mêmes gestes, le...

commentaires (8)

Merci Fifi pour votre derniere phrase qui sonne si juste. Cette pauvrete qui n'est autre que le ferment et la justification du fanatisme, d óu provient-elle dans notre pays autre que des detournements de nos ressources nationales aux fins d enrichir superbement une poignee de proprietaires fonciers, de speculateurs et d'une cohorte de politiciens mis a leurs services? Pendant ce temps les pauvres (Libanais et Syriens confondus) sont obliges de grelotter dans des logis de toile ou meme a ciel ouvert, certains meme perissant de froid tel que reporte dans la presse.Dans de telles conditions pourquoi s'etonner de la montee en puissance du jihadisme et des crimes monstrueux qui l'accompagnent?

George Sabat

23 h 06, le 05 février 2015

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Merci Fifi pour votre derniere phrase qui sonne si juste. Cette pauvrete qui n'est autre que le ferment et la justification du fanatisme, d óu provient-elle dans notre pays autre que des detournements de nos ressources nationales aux fins d enrichir superbement une poignee de proprietaires fonciers, de speculateurs et d'une cohorte de politiciens mis a leurs services? Pendant ce temps les pauvres (Libanais et Syriens confondus) sont obliges de grelotter dans des logis de toile ou meme a ciel ouvert, certains meme perissant de froid tel que reporte dans la presse.Dans de telles conditions pourquoi s'etonner de la montee en puissance du jihadisme et des crimes monstrueux qui l'accompagnent?

    George Sabat

    23 h 06, le 05 février 2015

  • Les musulmans devraient se reveiller et constater leur totale et complete defaillance morale et intellectuelle. Qu'ont - ils contribue ces dernieres 50 annees a l'evolution du monde moderne, sinon meurtres, assassinats et fatwas des plus farfelus. Cela suffit...

    IMB a SPO

    14 h 23, le 05 février 2015

  • Pour ne rien enlever a cet article qui reste tres interessant j'ajouterai une citation : " la ou il n'y a le choix qu'entre lachete et violence , je conseillerai la violence " . La force de cette citation est qu'elle emane du plus grand humaniste non violent de tous les temps , Ghandi . Comme quoi meme pour ce grand homme , il y a une limite a la lachete . Je ne vise personne , mais ceux qui voudront se battre contre la violence ne doivent pas etre des laches . J'aurai tout autant cite ce fait dans l'article de Merville , tout aussi releve que celui de Fifi .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 58, le 05 février 2015

  • Mais c'est joliment dit tout ca ! meme le ton transperce l'ecran , bravo Fifi . "la victoire obtenue par la violence est une defaite , car elle est momentanee " dixit Ghandi . Cependant vous commencez par l'inquistion pour point de depart de la violence , a tort, elle remonte encore plus loin que les "croisades vu par les arabes" de Amine Maalouf . Quant aux EAU , des rigolos sur lesquels pourtant l'occicon comptait !!! comme il compte toujours sur des nazes pareils pour eradiquer l'innommable .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 55, le 05 février 2015

  • Je voudrais préciser : جهاد على مين في القرن الواحد والعشرين ؟؟ - "jihad" contre qui au 21e siécle ?? Le "jihad" dans l'islam doit être aboli d'urgence pour couper court et une fois pour toutes tous les chemins pour des DAECH qui causent le plus grand tort de l'histoire à l'islam. Basta ! Khalas !

    Halim Abou Chacra

    10 h 53, le 05 février 2015

  • Pire que l'EI, Al-Azhar plus sadique pour punir et tuer au nom de ces yeux clairs comme si la religion est devenue vengeance .

    Sabbagha Antoine

    10 h 36, le 05 février 2015

  • "Ku Klux Klan, nazisme, stalinisme, maoisme, khmers rouge et même inquisition", aucune de ces idéologies et ces pratiques assassines n'avait un "parfum divin". Tandis que de la barbarie de Daech, qui "oriente la cage"(-bûcher) et le sabre à égorger "vers le ponant", c'est à dire vers la Mecque, puis lance les "takbirs" les plus hystériques; cette barbarie, elle, exhale un "parfum divin" criminel et monstrueux à vous évanouir. Al-Azhar ferait mieux de se pencher sur le "jihad sacré" et ces pratiques "divines" qu'il entraîne, pour les abolir fermement plutôt que d'appeler à "crucifier et couper les pieds et les mains" des barbares. Cela serait mieux pour l'islam et pour l'humanité.

    Halim Abou Chacra

    05 h 24, le 05 février 2015

  • Tandis que chez les peuples modernes, le problème se pose déjà sous la forme progrès civique ou pouvoir de la société sur le sectarisme ; il se pose encore ici sous la forme étriquée arriération conFessionnelle ou pouvoir du sectarisme sur la pensée ! Il s'agit donc, chez ces développés, d'abolir le conFessionnalisme qui a été poussé jusqu'à ses last conséquences ; et il s'agit par contre dans ce "croissant fertile", d'aller jusqu'aux dernières conséquences du conFessionnalisme. Là, il s'agit de la solution, ici il ne s'agit encore que de collision. On voit ainsi sous quelle forme pathétique ces problèmes moûdérnes se posent encore au Monde Arabe ; et ceci montre bien que cette histoire arabe chrétienne ou musulmane, semblable à 1 jeune recrue paumée, n'a eu jusqu'ici que la tâche de ressasser des typiques histoires arabes parfaitement nomades, tout à fait arriérées et banales. Si tout le développement Civique arabe ne dépassait donc pas le développement Politique arabe, 1 Arabe pourrait intervenir dans les problèmes du temps présent tout au + comme un Inuit y interviendrait. Mais si l’Arabe n'est pas lié par les limites de ces kottors-contrées, le monde arabe tout entier est encore bien moins affranchi par l'affranchissement d'Un Seul Arabe particulier : les "Barbares" n'ont pas progressé d'1 seul pas vers la Culture arabe, du fait que Damas ou Bagdad auraient pu compter 1 "Barbare" au nombre de leurs hommes d’esprit. Par bonheur, ces Arabes ne seraient pas des "Barbares" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 46, le 05 février 2015

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