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Santé - Cinq questions à...

Greffe de cellules cardiaques : « Il faut démontrer l’innocuité et l’efficacité de cette thérapie... »

Rabih Azar, chef du service de cardiologie à l'Hôtel-Dieu, professeur à la faculté de médecine de l'Université Saint-Joseph et membre du Collège américain de cardiologie, concernant la greffe de cellules cardiaques dérivées de cellules souches embryonnaires réalisée en France sur une patiente atteinte d'insuffisance cardiaque sévère (lire par ailleurs).

Quelle est l'importance d'une telle percée ?
Ce n'est pas encore une percée. Il faut démontrer l'efficacité de la procédure. L'implantation de cellules souches dans le cœur n'est pas un concept nouveau. Plusieurs études, notamment américaines, ont déjà testé les cellules souches dans le cadre de l'insuffisance cardiaque avec des résultats plutôt décevants. La nouveauté de cette étude est l'utilisation de cellules souches embryonnaires, c'est-à-dire qui proviennent d'embryons humains, au moment où dans les études précédentes les cellules souches provenaient de la moelle ou du sang de personnes adultes. On pense que les cellules souches embryonnaires seraient meilleures, dans le sens où elles sont capables d'une meilleure différentiation (c'est le processus par lequel les cellules se spécialisent dans une fonction, NDLR) en cellules fonctionnelles dans l'organe cible. Ceci reste encore à prouver. Une étude récente utilisant les cellules souches embryonnaires sur des patients paralysés suite à un traumatisme de la colonne vertébrale s'est avérée négative, malgré les grands espoirs qu'on avait !

 

Quel est son avantage par rapport aux traitements conventionnels ?
Le traitement conventionnel consiste à faire mieux travailler la partie du cœur qui est malade ou à empêcher la détérioration de la partie qui est encore saine. Lorsque, malgré ce traitement, l'insuffisance cardiaque reste invalidante, il faut recourir à la transplantation cardiaque. Or il s'agit d'une intervention invasive qui n'est d'ailleurs possible que pour une minorité des patients, en raison de la rareté des donneurs et de l'âge avancé des patients, ce qui est une contre-indication pour la greffe. S'il réussit, le traitement nouveau apportera de nouvelles cellules au cœur. La zone « morte » ou déficiente sera ainsi remplacée par un tissu nouveau capable de fonctionner normalement. Dans le meilleur des cas, on peut espérer reproduire un cœur identique au précédent, une sorte de clonage d'organe. La guérison pourra alors être complète.

 

Cette thérapie pourrait-elle remplacer les traitements conventionnels ?
Il faudra d'abord évaluer son degré de réussite. Si cette thérapie est capable de régénérer le cœur complètement, elle remplacera le traitement conventionnel. Mais il est plus logique de penser qu'elle sera utilisée en association avec le traitement conventionnel, le rendant ainsi plus efficace.

 

Quels sont les limites et les défis qu'elle pose ?
Il faut d'abord prouver l'efficacité et l'innocuité de ce traitement. L'étude faite ne comporte qu'un seul patient et n'a encore rien démontré, à part la possibilité de greffer des cellules souches embryonnaires dans le cœur. Quel que soit le devenir de la patiente traitée, l'apport des cellules souches sera presque impossible à identifier puisque la patiente a en même temps été traitée par un pontage aorte-coronaire, qui est capable à lui seul d'améliorer son état. Le but de l'étude est donc de démontrer l'innocuité des cellules souches embryonnaires implantées dans le cœur (étude de phase I). Elle vient de commencer. Plusieurs problèmes pourraient survenir : les cellules souches pourraient ne pas se différencier en cellules musculaires fonctionnelles. Pire, elles pourraient se transformer en cancer. D'où la nécessité d'une surveillance prolongée pour détecter les effets indésirables. Une fois l'innocuité du traitement confirmée, il faudra faire des études de phase III : randomisées, en double aveugle, comportant un placebo afin de bien évaluer l'effet des cellules souches et de le différencier de celui du pontage aorte-coronaire. Cela prendra de longues années.

 

Où en sommes-nous au Liban par rapport à ces avancées ?
Ces thérapies n'existent encore même pas dans le monde occidental. Qu'en serait-il alors pour le Liban ? On est encore loin, partout dans le monde, de l'utilisation des cellules souches en cardiologie. De longues années sont encore nécessaires pour démontrer leur innocuité et leur efficacité. Les malades souffrant d'insuffisance cardiaque ne doivent pas compter sur les cellules souches, du moins dans un avenir proche, mais sur le traitement par médicaments ou par des appareils implantables ultrasophistiqués qui ont déjà fait leurs preuves et qui améliorent leur qualité de vie et leur survie de façon significative.

 

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