Trois jours après que le président Recep Tayyip Erdogan a critiqué la participation du Premier ministre israélien à la marche parisienne de dimanche conte le terrorisme, le chef du gouvernement turc a enfoncé le clou jeudi. Ahmet Davutoglu a en effet comparé Benjamin Netanyahu aux terroristes islamistes qui ont tué 17 personnes la semaine dernière à Paris.
"Tout comme le massacre qui a été commis à Paris par des terroristes est un crime contre l'humanité, Netanyahu, en tant que chef d'un gouvernement qui tue des enfants en train de jouer sur une plage à Gaza, qui détruit des milliers de maisons (...) et qui a massacré nos compatriotes à bord d'un navire d'aide dans les eaux internationales, a commis des crimes contre l'humanité", a déclaré Ahmet Davutoglu lors d'une conférence de presse. Il faisait référence à l'opération "Bordure protectrice" menée cet été à Gaza par l'armée israélienne et qui a coûté la vie à plus de 2 100 Palestiniens, dont environ 500 enfants, selon l'Unicef.
(Lire aussi : Marche contre le terrorisme à Paris : Netanyahu en a-t-il fait trop ?)
En 2010, l'armée israélienne avait donné l'assaut au navire turc Mavi Marmara, qui faisait partie d'une "flottille pour Gaza" voulant briser le blocus naval israélien autour de l'enclave palestinienne. Neuf Turcs avaient péri dans cette opération. Les relations entre Israël et la Turquie n'ont cessé de se dégrader depuis lors.
Lundi, le président Erdogan s'en était déjà pris à Benjamin Netanyahu qui a participé à la marche organisée dimanche dernier à Paris pour condamner les attentats. "Comment un homme qui a tué 2 500 personnes à Gaza en recourant au terrorisme d'Etat peut-il aller agiter la main à Paris (...) ? Comment ose-t-il faire une chose pareille ?", a-t-il dit. "Vous devriez commencer par annoncer combien de femmes et d'enfants vous avez tués", s'est indigné Erdogan à l'adresse du Premier ministre israélien. Le président turc n'a pas défilé dimanche à Paris, où il avait dépêché Ahmet Davutoglu.
(Pour mémoire : Charlie Hebdo : Le crime est inacceptable, le blasphème aussi, assurent des dignitaires sunnites libanais)
"Petit caïd antisémite"
Mercredi, le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Liebermann, a traité M. Erdogan de "petit caïd antisémite", lors d'une réunion avec les ambassadeurs de l'Etat hébreu en Europe et en Asie. "Le silence poli, politiquement correct de l'Europe à propos d'un petit caïd de quartier antisémite comme Erdogan, lui et sa bande, tout cela nous ramène aux années 1930", a dit le chef du parti d'extrême droite Yisrael Beitenu. "Si l'Etat Israël cherche un petit caïd, il n'a qu'à se regarder dans un miroir", a répliqué jeudi Ahmet Davutoglu.
Le Premier ministre turc a par ailleurs critiqué la publication par le journal de l'opposition laïque Cumhuriyet d'extraits du dernier numéro de Charlie Hebdo, l'hebdomadaire satirique attaqué il y a huit jours par les islamistes.
Adversaire déterminé du régime islamo-conservateur d'Erdogan, Cumhuriyet a été le seul quotidien d'un pays musulman à oser publier dans son édition papier de mercredi la caricature polémique. Sa direction a longtemps hésité avant de défier l'interdit. Le journal devait initialement publier l'intégralité du nouveau numéro mais s'est finalement contenté, après un vif débat interne, d'un encart de quatre pages.
Pour M. Davutoglu, la liberté de la presse ne signifie pas qu'on peut impunément insulter la religion, ce qui est d'ailleurs passible de prison en Turquie. "La liberté de la presse, cela ne veut pas dire pouvoir insulter le prophète", a martelé le Premier ministre. "Si les gens peuvent admettre qu'on insulte un individu, ils réagiront évidemment à un autre degré s'il s'agit du prophète. Puisque la Turquie a une telle sensibilité, publier un dessin qui vise à insulter le prophète, c'est de la provocation."
Mercredi, quelques heures après la sortie dans les kiosques de l'hebdomadaire dont la rédaction a été décimée le 7 janvier par un attentat jihadiste, un tribunal de Diyarbakir (sud-est) a ordonné le blocage en turquie de toutes les pages web qui reproduisent sa "Une", jugée outrageante dans le monde islamique.
Sur ce dessin de Luz, un Mahomet la larme à l'oeil tient une pancarte "Je suis Charlie", le slogan des millions des manifestants qui ont défilé en France et à l'étranger pour condamner les attaques jihadistes qui ont fait 17 morts en trois jours à Paris.
"La liberté d'expression n'autorise personne à dire tout ce qu'il veut", a argumenté le tribunal turc, "les mots, écrits, dessins et publications qui dénigrent les valeurs religieuses et le prophète constituent une insulte pour les croyants".
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09 h 07, le 16 janvier 2015