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Liban - Environnement

Exploitation pétrolière et écologie font-elles bon ménage ?

Une nouvelle étude sur les potentielles conséquences écologiques du forage pour le pétrole et le gaz a le mérite de lancer le débat sur cette question.

La découverte d'importants gisements de pétrole et de gaz en Méditerranée, dont quelques-uns au large du Liban, a le plus souvent suscité de l'enthousiasme quant aux perspectives de développement économique que leur exploitation peut ouvrir. Toutefois, un pays comme le Liban est-il préparé à l'éventualité d'une possible catastrophe pétrolière? A-t-il mesuré le risque écologique que pourraient représenter les opérations de forage et a-t-il prévu les législations qui le protègent? La décision stratégique de recourir au forage vaut-elle la peine face aux risques encourus ? Ces questions et d'autres ont fait l'objet d'une étude intitulée « L'impact environnemental et économique du forage de pétrole et de gaz », réalisée par le journaliste Habib Maalouf, président de l'Association libanaise pour l'environnement et le développement, en collaboration avec la Fondation Friedrich Ebert. Un débat autour de cette étude a été organisé hier au ministère de l'Environnement, en présence du ministre Mohammad Machnouk, du représentant de Friedrich Ebert à Beyrouth, Achim Vogt, et de l'auteur.
Parmi les idées qui ont été lancées au débat, celle indiquant que les institutions étatiques manquent de moyens pour réaliser une étude d'impact environnemental stratégique suffisante. « Il faut des mesures préventives et des études pour être prêt en cas de catastrophe écologique en mer, a déclaré M. Maalouf. Ce travail n'a pas été fait et je ne crois pas qu'il y a une capacité à le faire. »
L'auteur ne cache pas son approche critique de la décision libanaise stratégique en faveur du forage. Dans son étude, il juge l'enthousiasme pour les ressources pétrolières et gazières, toujours incertaines tant que le forage n'a pas commencé, d'« irréaliste ». « A-t-on mesuré toutes les conséquences de cette grave décision ? a-t-il dit. A-t-on étudié tout ce que la nature libanaise peut offrir comme ressources avant de recourir à l'extraction d'énergies fossiles ? Dans certains pays, ce qui était perçu comme une bénédiction a fini en malédiction du fait des conflits qui en ont résulté. » Il a rappelé que dans les efforts actuels de contrer les impacts du changement climatique, la plupart des nations vont dans une direction opposée à celle qui est envisagée par les Libanais aujourd'hui, exprimant sa crainte que le forage n'ait une incidence sur l'intérêt manifesté pour les énergies renouvelables.
Sur un autre plan, M. Maalouf a fait état d'un manque de lois qui protégeraient le Liban en cas de catastrophe pétrolière. Il a évoqué des cas d'autres pays en développement qui, dès l'occurrence d'une fuite importante dans une plate-forme, n'ont eu d'autre choix que de compter sur les informations fournies par la compagnie responsable du problème. Il a également rappelé le désordre qui a marqué la gestion de la catastrophe pétrolière la plus récente au Liban, celle causée par un bombardement israélien en 2006. Quant au concept d'indemnités, l'auteur s'est demandé comment le calculer quand c'est toute une mer que l'on pollue, notamment la mer Méditerranée qui est presque fermée.
La corruption qui sévit dans les institutions étatiques et le partage du gâteau qui a caractérisé si souvent l'approche des responsables libanais aux divers dossiers ont été plus d'une fois soulevés lors du débat qui a suivi. L'importance de la transparence a été mise en avant par plus d'un intervenant.
Malgré sa nette opposition à l'idée du forage, Habib Maalouf a reconnu que le rôle le plus constructif pour la société civile dans la conjoncture actuelle serait de proposer des recommandations pour que les opérations de forage aient un impact minimal sur le milieu naturel. Parmi ces recommandations : effectuer des études urgentes sur la biodiversité marine afin d'avoir une base de données suffisante pour la suite, la création d'un service spécial au ministère pour suivre le dossier du pétrole, la mise en place d'une infrastructure complète pour une intervention rapide en cas de fuites importantes, une étude d'impact environnemental globale sur la morphologie de la côte (le ministre tout comme une représentante de l'Autorité nationale du pétrole ont assuré que des études sont en cours), l'élaboration de textes de lois sur la pollution pétrolière, la mise en place d'une liste de règles et de conditions qui doivent être imposées aux compagnies ainsi qu'un protocole contraignant qu'elles doivent respecter, la création de spécialisations dans les universités (ce dernier point commence à être réalisé, selon un intervenant).
Beaucoup de commentaires au cours du débat ont abondé dans le sens des remarques de l'auteur, mais certains sont revenus sur l'intérêt économique du forage, notamment la création d'emplois, les ressources économiques inespérées, l'autosuffisance énergétique ou encore l'intérêt du Liban à ne pas être le seul pays de la région qui refuse l'exploitation du pétrole et du gaz, sachant qu'il sera affecté quand même par une catastrophe qui aurait lieu ailleurs. Ce à quoi d'autres participants ont mis en doute la création d'emplois dans ce cadre, les équipes de forage envoyées par les compagnies étant généralement assez complètes. D'autres encore se sont interrogés sur l'investissement futur des bénéfices d'une telle exploitation sur le développement. Pour ce qui est des répercussions économiques, M. Maalouf a souligné l'impact désastreux, ne fût-ce que d'une seule catastrophe, sur le tourisme maritime au Liban.

S. B.

La découverte d'importants gisements de pétrole et de gaz en Méditerranée, dont quelques-uns au large du Liban, a le plus souvent suscité de l'enthousiasme quant aux perspectives de développement économique que leur exploitation peut ouvrir. Toutefois, un pays comme le Liban est-il préparé à l'éventualité d'une possible catastrophe pétrolière? A-t-il mesuré le risque écologique...
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