Israël a laissé exploser sa colère mercredi après la décision de trois pays européens de reconnaître l'Etat de Palestine, en pleine guerre entre son armée et le Hamas palestinien dans la bande de Gaza assiégée et dévastée.
La création d'un Etat palestinien viable apparaît comme une perspective très incertaine en raison du refus d'Israël d'en entendre parler et de la colonisation juive qui morcelle les territoires sur lesquels les Palestiniens ambitionnent de l'établir. Mais cette reconnaissance annoncée par l'Espagne, l'Irlande et la Norvège, est considérée comme une importante victoire diplomatique pour les dirigeants palestiniens dans leur quête de mettre fin à 57 ans d'occupation israélienne.
Et elle constitue un nouveau revers pour Israël après que le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan a demandé des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pour des « crimes contre l'humanité » présumés, en même temps que contre les dirigeants du Hamas, dans le contexte de la guerre.
« Israël ne restera pas silencieux sur cette question » de reconnaissance, a tonné le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz, en annonçant la convocation des ambassadeurs d'Espagne, d'Irlande et de Norvège, et le rappel pour consultations de ses ambassadeurs dans ces trois pays.
« Récompense pour le terrorisme »
La reconnaissance de l'Etat de Palestine est « une récompense pour le terrorisme », a lancé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, un farouche opposant à l'idée d'un tel Etat vivant au côté d'Israël. « A ce Mal, on ne peut pas donner un Etat », a-t-il dit.
Les trois Etats européens ont annoncé leur décision alors que la guerre fait rage entre Israël et le Hamas depuis une attaque sans précédent lancée le 7 octobre 2023 par des commandos du mouvement islamiste palestinien infiltrés de la bande de Gaza voisine dans le sud d'Israël.
L'attaque a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes. Sur les 252 personnes alors emmenées comme otages le 7 octobre, 124 sont toujours retenues à Gaza, dont 37 mortes, selon l'armée.
En riposte, M. Netanyahu a juré d'anéantir le Hamas, son armée lançant une offensive dévastatrice dans la bande de Gaza, où le Hamas, considéré comme une organisation terroriste par Israël, l'Union européenne et les Etats-Unis, a pris le pouvoir en 2007.
Au moins 35.709 Palestiniens, en majorité des civils, ont péri dans cette offensive, dont 62 ces dernières 24 heures, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du territoire palestinien dirigé par le Hamas publiées mercredi.
Les familles de cinq soldates israéliennes otages à Gaza ont autorisé mercredi la diffusion d'images montrant le moment de leur capture pendant l'attaque du 7 octobre. On peut voir ces jeunes femmes, certaines le visage en sang, assises à terre en pyjama, les mains attachées dans le dos.
« Coquilles vides »
« Après que l'organisation terroriste Hamas a perpétré le plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah, après avoir commis les crimes sexuels les plus horribles que le monde ait connus, ces pays ont choisi de récompenser le Hamas (...) et de reconnaître un Etat palestinien », a encore dit M. Katz.
Dans le camp adverse, le Hamas a salué l'annonce des trois pays européens comme une « étape importante », et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a parlé de « moments historiques ».
Les pays arabes ont salué cette reconnaissance, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, appelant tous les Etats à « suivre l'exemple des trois pays dans leur démarche courageuse ».
Mais à Rafah, ville du sud de la bande de Gaza soumise à des bombardements quotidiens israéliens, Ahmed Ziad, 35 ans, dénonce des « coquilles vides si l'Amérique et les autres pays européens (...) ne soutiennent pas » une telle reconnaissance.
Principal soutien d'Israël, le président américain Joe Biden, qui soutient la solution à deux Etats pour le conflit israélo-palestinien, a néanmoins dit qu'un « Etat palestinien doit voir le jour au travers de négociations directes entre les parties, non par la reconnaissance unilatérale ».
Selon un décompte de l'Autorité palestinienne, l'Etat de Palestine est reconnu par 142 des 193 Etats membres de l'ONU.
Raids à Jabalia et Rafah
Dans la bande de Gaza, bombardements israéliens et combats entre soldats et groupes armés palestiniens n'ont pas cessé.
Mercredi, les frappes aériennes ont ciblé Rafah ainsi que les secteurs de Jabalia, Zeitoun et Gaza-ville dans le nord du territoire, selon des témoins.
L'armée a fait état dans un communiqué de « raids ciblés contre des sites militaires du Hamas à Jabalia », et détruit ou saisi de nombreuses armes dont des « roquettes, ceintures explosives, grenades et munitions ».
Les forces israéliennes poursuivent en outre leurs opérations au sol dans des secteurs de Rafah, où l'armée a dit vouloir détruire les derniers bataillons du Hamas, son réseau de tunnels, et sauver les otages.
« Niveaux de faim catastrophiques »
Avant l'entrée de ses chars dans l'est de Rafah le 7 mai et la prise du côté palestinien du poste-frontière avec l'Egypte, l'armée avait ordonné des évacuations massives de secteurs de la ville où s'abritaient des centaines de milliers de déplacés.
Depuis la fermeture du passage de Rafah, principale entrée pour les aides humanitaires, l'acheminement de ces aides est quasiment à l'arrêt, surtout le carburant, indispensable aux hôpitaux et à la logistique humanitaire.
Selon l'ONU, 1,1 million de Palestiniens à Gaza font face à des « niveaux de faim catastrophiques ».
L'agence onusienne chargée des réfugiés palestiniens, l'Unrwa, a suspendu ses distributions de nourriture à Rafah « en raison du manque de fournitures et de l'insécurité ».
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