
Catherine Deneuve lors de la conférence de presse du film "Marcello Mio", au 77ème festival de Cannes. Photo Téa Ziadé/L'Orient-Le Jour
Il est presque 13h en ce mercredi 22 mai, quand pénètrent, sous les applaudissements et crépitements des flashs, Catherine Deneuve et la distribution du dernier film de Christophe Honoré, Marcello Mio. Parmi les rares journalistes à avoir pu poser une question à l'icône du cinéma français, L’Orient-Le Jour s’est faufilé.
Pour rappel, l’actrice avait tourné Je veux voir, un documentaire pensé et réalisé par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige au Liban-Sud au printemps 2007, quelques mois seulement après la fin de la guerre de l’été 2006 ayant opposé le Hezbollah à Israël. Quels souvenirs en garde-t-elle ? Quels sont ses mots pour le Liban ? Voici sa réponse à L'OLJ :
« L’idée de ce film était écrite par les artistes libanais. Il n’y avait qu’une idée. Pas de texte, rien. Ce sont deux artistes originaux et talentueux et ça m'a attiré. Encore une fois, c’était un documentaire, on n'était pas du tout partis pour faire un long-métrage. J’ai rencontré l’acteur avec qui je devais jouer (Rabih Mroué, NDLR) le premier jour du tournage et puis tout a été improvisé. Ça a été un tournage très émouvant pour moi, très prenant. Ça m'a beaucoup impressionnée. Je connaissais peu le Liban et c’est vrai que traverser tous les villages jusqu'à la frontière avec Israël a été très fort, un souvenir très fort. »
« J’aime beaucoup le Liban, a ajouté l'actrice. J’aimerais qu’il ne soit pas toujours situé, le pauvre, entre deux pays où c’est toujours très délicat, mais les Libanais gardent le moral. Je suis sidérée par la force qu’ils ont de continuer, de reprendre, de reconstruire, de vivre, de sortir. C’est vraiment inouï. C’est un grand souvenir pour moi », a conclu Catherine Deneuve qui avait monté les marches le jour précédent sur le tapis rouge. Retour donc sur le 8e jour de Cannes...
Serpillère en main, bonnet sur le crâne, Afaf est aux aguets. Les traits tirés, c’est devant les toilettes principales d’un grand hôtel cinq étoiles que la femme de ménage passe ses journées à nettoyer.
De midi à minuit, elle accumule les heures supplémentaires, exceptionnellement accordées par la direction de l’établissement à ses employés en période de festival. « Je dois profiter de ces deux semaines pour mettre de l’argent de côté. Ça ne pourra que m’aider à passer l’été », explique la Marocaine de 48 ans, toujours pas naturalisée après « onze ans à travailler en France ».
Dans les couloirs des cinq étoiles, stars, anonymes et wannabes se côtoient. Photo Téa Ziadé/L’Orient-Le Jour
À quelques mètres, Francis veille à ce que les clients ne manquent de rien. Majordome depuis plus de quatre décennies, ce Niçois qui refuse catégoriquement d’évoquer une retraite dont il ne veut pas, enchaîne les allers-retours vers des suites bouclées aux mini-bars stockés. « C’est un métier physique ! », glisse le sexagénaire en costume-cravate. « Pour beaucoup, nous n’existons pas, nous n’avons que rarement droit à des politesses », ajoute le fringant monsieur aux cheveux blancs assortis à une moustache poivre et sel.
Dans les couloirs, Iris Knobloch, la nouvelle présidente - nommée peu avant la 76e édition l’an dernier - se presse pour assister à une conférence au dernier étage et ne remarque même pas Xavier Dolan, maître de la sélection « Un certain regard », au téléphone et l’air inquiet.
Dix mois après avoir annoncé son intention d'arrêter le cinéma, sur fond de rumeurs de burn-out et de ras-le-bol, le réalisateur de Mommy semble être revenu - en coulisses - sur ses propos. Ouf !
Le lobby d’un célèbre grand hôtel cannois. Photo Téa Ziadé/L’Orient-Le Jour
Entre les crises d’angoisse des uns et les exigences loufoques des autres, Afaf se montre sereine, presque amusée. « Ça se voit que ces gens-là n'ont jamais connu la misère. Quand on pique une crise pour un faux-cil ou un talon cassé, on doit forcément être assez seul et malheureux », estime celle qui prend quotidiennement un train et deux bus à l'orée du jour pour arriver à temps. Cannes ou quand deux mondes s’entrechoquent et se cognent. Jugements compris.
Trompette trumpiste
Dans l’enceinte du palais, les douze coups de midi ont à peine sonné que plusieurs conférences de presse se sont déjà clôturées. Loin de la fièvre hollywoodienne des premiers jours, l’engouement autour des journalistes-paillettes retombe pour laisser place aux critiques cinéma à l’approche de la remise de la Palme d’or samedi soir.
Mais si les regards commencent à se tourner vers le palmarès et que les pronostics vont bon train dans les files d’attente, les polémiques n’en demeurent pas moins présentes.
En cette huitième matinée de compétition - en effet, ça commence à faire long -, c’est au tour de Donald Trump de s’inviter dans les débats et discussions. Au lendemain de la présentation de The Apprentice, biopic retraçant le parcours cabossé de l’ex-président au début des années 1970, l’équipe de campagne de l’homme d’affaires menace aujourd’hui de porter plainte pour diffamation contre le réalisateur Ali Abbasi et son équipe.
À quelques mois de l’échéance présidentielle aux États plus que jamais désunis, l’homme à l'égo à faire pâlir celui de Kanye West et de JLo réunis « craint pour son image ». Et ça, depuis le début de sa médiatisation. Il ne veut pas qu’on divulgue ses échecs et ses tourments. Ce film raconte, dans les détails croustillants, un personnage trouble et tourmenté et il doit être furax ! », expose Alessandra, une chroniqueuse et militante féministe aux baskets roses et aux paupières vertes. « Un pur produit du Queens new-yorkais ! », s’amuse-t-elle à répéter. Des goûts et des couleurs...
Tout feu tout flamme
En fin d'après-midi, c’est au cœur d’une montée des marches perturbée par des sportifs et professionnels des médias - le public et les photographes les confondent avec d'ennuyeux invités anonymes - que débarque la flamme olympique sur le tapis rouge, à neuf dimanches de l’ouverture des Jeux à Paris.
« Non mais qui s’en fout ? Pourquoi faire ça ici ? Elle est arrivée Deneuve ? », questionne crûment une attachée de presse au téléphone, plus préoccupée par le bien-être de l’éternelle demoiselle de Rochefort que par la présence de Tony Estanguet, le président crispé et visiblement épuisé du comité d’organisation des JO 2024. Ça doit faire cet effet de travailler avec Anne Hidalgo et Valérie Pécresse.
La flamme olympique arrive sur le tapis rouge. Photo Téa Ziadé/L’Orient-Le Jour
Face aux applaudissements et aux crépitements des flashs faisant la part belle aux mannequins et autres influenceuses américaines, Marina Foïs, habillée telle la statuette nettoyée des Césars, tente quelques selfies avec des fans du troisième âge n’arrivant pas à manipuler leurs smartphones. Valeria Golino, que peu reconnaissent, trace, elle, son chemin. Elle n’est finalement là que par solidarité transalpine.
Sélectionné en compétition officielle et présenté en avant-première ce mardi, Marcello Mio, dernière création audacieuse de Christophe Honoré, propose au public une plongée au sein du mythe de Marcello Mastroianni. Le tout à travers le regard de sa fille Chiara, qui incarne son propre rôle. À la Dix pour cent !
Catherine Deneuve, Chiara Mastroianni et Fabrice Luchini sur le tapis rouge, le 21 mai 2024. Photo CHRISTOPHE SIMON/AFP
Au casting, Catherine Deneuve, 80 ans et plus d’une cinquantaine d’apparitions au festival au compteur, continue de faire sautiller les cinéphiles devant leurs écrans et escabeaux. « Elle est encore belle à son âge ! Et encore plus hautaine ! C’est son petit côté star arabe, en plus elle est habillée comme au bled là ! », s'amuse Fathia, une festivalière frustrée de n’avoir pas vu la plus célèbre des blondes françaises s’approcher d’elle. « J’aurais aimé lui parler à la dame ! », renchérit l’admiratrice. Imaginez la conversation.
Parfois contestée, souvent critiquée, les erreurs et faux-pas ne gâchent en rien la stature de la muse de Buñuel, Bercot et Truffaut. Du moins sur la Croisette. Au royaume cannois, Catherine restera toujours reine.