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Politique - Focus

Derrière les appels récurrents à des législatives anticipées

Au vu de l’absence de majorité claire au sein de la Chambre, un scrutin avant terme est perçu comme un moyen de débloquer la présidentielle.

Derrière les appels récurrents à des législatives anticipées

Le Parlement libanais réuni place de l’Étoile, le 25 avril 2024. Mohammad Yassine/« L’Orient-Le Jour »

Après Élias Bou Saab et Fayçal Karamé, Achraf Rifi. À mi-mandat du Parlement issu des élections de mai 2022, les appels à la tenue de législatives anticipées se font de plus en plus fréquents. Pour certains, il s’agit d’une façon de sortir la présidentielle de l’impasse, les douze séances parlementaires tenues jusque-là pour l’élection d’un chef de l’État n’ayant pas abouti sur fond de majorité étriquée au sein de la Chambre actuelle. Pour d’autres, l’organisation d’un scrutin anticipé devrait avoir lieu après la présidentielle pour que le Liban puisse se doter d’un nouveau Parlement qui accompagnerait le futur président et le premier gouvernement de son mandat à l’heure où se dessine l’avenir de la région dans son ensemble. Mais cette « solution » est-elle réalisable à l’heure où les députés de la nation viennent de reporter, et pour la troisième année consécutive, les élections municipales jusqu’en 2025 pour éviter un test de popularité jugé inopportun ? Ensuite, les conditions constitutionnelles et légales d’un tel scrutin sont-elles réunies ou s’agit-il d’une tentative de distraction  ? 

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En général, la décision d’organiser des législatives anticipées est comprise comme un moyen de mettre fin à une impasse politique. Elle peut également résulter d’une dissolution de la Chambre. Concrètement, le premier pas vers un scrutin anticipé réside dans un amendement réduisant la législature. « Je vois très mal la Chambre actuelle prendre une telle décision », souligne à L’Orient-Le Jour Ziyad Baroud, ancien ministre de l’Intérieur. Il estime que, dans le contexte actuel, l’appel à des législatives anticipées n’est qu’« une façon de remplir le temps mort en attendant que sonne l’heure de l’élection du futur chef de l’État après la fin de la guerre à Gaza ». Une impression d’autant plus réaliste que le Hezbollah, véritable maître du jeu présidentiel, continue de lier, dans la pratique, le dossier de l’élection à celui de la guerre au Sud.

« Le Hezbollah n’a rien à perdre »
Sur le plan strictement local, le même Hezbollah et son camp bloquent la tenue de l’échéance en provoquant le défaut de quorum à l’issue de chaque premier tour de vote dans l’espoir d’assurer l’élection d’un président qui bénéficierait de leur approbation. Ironiquement, ce sont essentiellement des figures gravitant dans l’orbite du tandem chiite qui se montrent impatientes et pressent pour un scrutin anticipé qui pourrait, selon eux, déboucher sur une Chambre dont la majorité serait claire et pouvant mener à Baabda un successeur à Michel Aoun. Tel est le cas du vice-président de la Chambre Élias Bou Saab, qui, depuis la tribune de Aïn el-Tiné, a multiplié, dans la foulée des séances parlementaires dédiées à la présidentielle, ses appels à des législatives anticipées. Plus récemment, Fayçal Karamé, député de Tripoli proche du Hezbollah,  a proposé, lors d’une réunion avec les ambassadeurs accrédités à Beyrouth des pays membres du quintette impliqué dans le dossier libanais (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte, Qatar), des législatives anticipées avec des modifications de la loi électorale. Le parlementaire propose ainsi l’élargissement de certaines circonscriptions, notamment dans son fief du Nord. Ainsi, le Liban Nord II (Tripoli et Minié-Denniyé, à grande majorité sunnite) fusionnerait avec le Liban Nord III (Zghorta, Bcharré, Koura et Batroun à écrasante majorité chrétienne). Il propose aussi deux votes préférentiels (au lieu d’un seul) appliqués au niveau de la circonscription dans son ensemble. « Nous voulons modifier la loi électorale pour avoir des résultats différents, conserver l’intérêt de la démarche et pouvoir sortir le dossier de la présidentielle de l’impasse actuelle », commente un proche de M. Karamé.

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Sauf que, contrairement aux attentes de ce dernier, les chrétiens rejettent, pour le moment, tout amendement de la législation actuelle, comme le rappelle le porte-parole des Forces libanaises Charles Jabbour. « Ils n’accepteront pas une loi prévoyant deux votes préférentiels », estime, de son côté, M. Baroud. Cette attitude s’expliquerait par le fait que le passage à deux votes préférentiels, surtout dans des circonscriptions mixtes, donnerait aux communautés majoritaires le dernier mot dans le choix des élus, aux dépens de plusieurs groupes moins nombreux, dont les chrétiens. De quoi compliquer la tâche à M. Karamé. Mais pourquoi les satellites du Hezbollah s’aventurent-ils sur cette voie au risque de se mettre à dos les chrétiens ? « Aujourd’hui, le Hezbollah n’a rien à perdre. Et il veut tenter de regagner la majorité. D’autant plus que le camp de l’opposition a commis plusieurs erreurs ces deux dernières années », analyse Karim Mufti, politologue. « Au vu de l’incapacité de la Chambre à élire un président, le Hezbollah pourrait voir dans l’option des législatives anticipées une façon de renvoyer la balle du blocage dans le camp de ses détracteurs. Le parti pourrait bien accuser ces derniers de rejeter toute possibilité de solution, y compris les élections anticipées », ajoute-t-il.

La surprise Rifi
Comment alors interpréter la position surprenante d’Achraf Rifi, étant le tout premier député de l’opposition à lancer, lors d’une interview télévisée samedi dernier, le même appel à un scrutin anticipé, mais qui devrait, pour lui, être tenu après l’élection d’un président ? « À l’heure où la région est traversée par de grands changements, il faut qu’une nouvelle Chambre accompagne la nouvelle phase », dit-il, affirmant que sa position n’a pas été coordonnée au préalable avec le reste des composantes de l’opposition. Selon M. Rifi, les changements régionaux se feront aux dépens de la moumana’a. « Il n’est donc pas normal que la représentation parlementaire chiite demeure monopolisée par le duo Amal-Hezbollah », souligne-t-il.

De toutes les manières, on est loin de voir ses appels se concrétiser. « D’ici à ce qu’un scrutin anticipé soit organisé, les législatives générales prévues en 2026 seraient déjà proches », remarque Karim Mufti. 

Après Élias Bou Saab et Fayçal Karamé, Achraf Rifi. À mi-mandat du Parlement issu des élections de mai 2022, les appels à la tenue de législatives anticipées se font de plus en plus fréquents. Pour certains, il s’agit d’une façon de sortir la présidentielle de l’impasse, les douze séances parlementaires tenues jusque-là pour l’élection d’un chef de l’État n’ayant...
commentaires (1)

Sans doute, une législative anticipée serait ne bonne chose. Elle aurait probablemen, le mérite d'enfin éjecter Berry du perchoir où il trône depuis plus de 30 ans.. Mais ile st peu probable que cette idée puisse aboutir. Pourquoi ne pas, tout simplement, exiger l'application de la Constitution? nous aurions un président en 24h.

Yves Prevost

07 h 46, le 23 mai 2024

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Commentaires (1)

  • Sans doute, une législative anticipée serait ne bonne chose. Elle aurait probablemen, le mérite d'enfin éjecter Berry du perchoir où il trône depuis plus de 30 ans.. Mais ile st peu probable que cette idée puisse aboutir. Pourquoi ne pas, tout simplement, exiger l'application de la Constitution? nous aurions un président en 24h.

    Yves Prevost

    07 h 46, le 23 mai 2024

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