I.- Le modèle libanais est la solution. Préservons-le

Le monde connaît des changements géopolitiques qui ont débuté dans les pays arabes et dont les manifestations commencent à apparaître dans les pays occidentaux mais également partout ailleurs. La question qui se pose actuellement dans toutes les sociétés orientales et occidentales est : comment des citoyens de confessions ou croyances ou cultures diverses peuvent cohabiter dans une seule société ?
Le Liban était le seul pays au monde où cohabitaient plusieurs familles spirituelles sous l'égide d'un régime qui respecte cette diversité. En effet, les Libanais ont pu inventer un mécanisme de gouvernement démocratique où sont représentées toutes les confessions et rites en vertu de textes juridiques. C'est ainsi qu'il se distingue de son environnement oriental où luttent les minorités pour obtenir leurs droits, et qu'il diffère d'États occidentaux où, malgré des régimes démocratiques, les minorités musulmanes ne jouissent pas de représentation politique satisfaisante à cause de l'adoption du système électoral majoritaire.
Reste la question essentielle : comment vivre en paix et respect en présence d'une diversité religieuse ou culturelle et comment traduire cette diversité en source de richesse au lieu d'être une source de confrontation et de guerre ?
Les chiffres et exemples ci-après mentionnés révèlent que le monde se dirige rapidement vers une plus grande diversité entre les peuples, en particulier entre chrétiens et musulmans. Le nombre des musulmans dans le monde ne dépassait pas les 120 millions il y a une centaine d'années. Aujourd'hui, ce nombre est de 1,060 milliard, soit 22 % de la population mondiale. À titre d'exemple, le nombre de citoyens turcs était de 14 millions au temps d'Atatürk, ce chiffre passant à plus de 77 millions aujourd'hui.
Tandis que les sociétés occidentales accusent une grande chute démographique, dont la raison principale est l'éloignement accru des enseignements de la religion chrétienne tant au niveau de la foi qu'au niveau de la pratique ainsi que les réticences au mariage et à l'idée de famille. Il en résulte le besoin urgent d'une main-d'œuvre étrangère, existant principalement au nord de l'Afrique et dans les pays du Moyen-Orient.
En France, par exemple, des études soulignent que le nombre de personnes qui suivent le carême selon les rites chrétiens s'élève à 200 000 seulement. Durant le règne du roi Louis XIV, la France comptait 20 millions d'habitants, tous catholiques. Aujourd'hui, et après 300 ans, le nombre s'élève à 65 millions seulement, dont sept million de musulmans. Il est à souligner que le nombre de musulmans en Europe (sans compter la Turquie ) s'élève à 43 500 000 habitants.
L'objectif de ces exemples est de confirmer que la plupart des sociétés ne sont plus homogènes sur le double plan confessionnel et culturel. On s'attend à ce que cette diversité et ce mélange augmentent continuellement avec le temps. En effet, ce qui est valable pour la France l'est aussi pour toutes les communautés occidentales.
Les chrétiens dans les sociétés islamiques sont victimes d'injustices et d'exactions (meurtres et déplacements de populations) de la part de certains groupes islamiques extrémistes. Il est à noter que les chrétiens enracinés et originaires de cette région sont exposés à la marginalisation depuis longtemps. En effet, et à titre d'exemple, dans plusieurs pays arabes, les chrétiens ne peuvent pas pratiquer leur rite religieux ni acquérir des biens ou obtenir la nationalité, soit le minimum des droits de l'homme.
Aussi est-il urgent d'établir des régimes politiques équitables qui assurent les droits de toutes les composantes de la société afin de préserver et maintenir la stabilité politique, sécuritaire et sociale.
La situation est différente dans le secteur des affaires et du commerce, plusieurs pays arabes, en particulier les pays du Golfe, ayant ouvert ces deux secteurs à tout le monde, sans aucune distinction entre une confession et une autre.
Les musulmans jouissent dans les pays occidentaux des droits de citoyenneté garantis par la Charte des droits de l'homme tandis que leurs droits politiques sont garantis, en apparence seulement, en vertu d'un système électoral fondé sur le régime majoritaire. Ce système, valide lorsque ces pays étaient monochromes sur le plan confessionnel, est devenu inéquitable et les musulmans se sentent privés de leurs droits politiques.
Peut-on imaginer les sentiments des musulmans en Hollande lorsqu'il apparaît, lors du dépouillement des bulletins de votes, qu'un parti politique remporte 30 % des voix des Hollandais uniquement parce qu'il est antimusulman ?
(À suivre)

Laurent AOUN
Membre de la Fondation maronite dans le monde