Le ministre de la Santé, Waël Bou Faour, a fait éclater sa bombe mardi dernier. Depuis, la liste (ici et ici) des établissements incriminés s'allonge englobant des enseignes ayant pignon sur rue et jouissant d'une notoriété certaine au Liban et même au-delà des frontières où elles sont franchisées.
Plusieurs scandales liés à la sécurité alimentaire ont récemment éclaté, notamment un scandale de viande avariée ou encore des cas d'intoxication dans les restaurants, mais le dernier en date prend une tout autre ampleur, les noms des établissements ayant été rendus publics, suscitant l'ire des professionnels du secteur, et le ministère de la Santé ayant apparemment la ferme intention d'aller au bout de son entreprise.
« L'industrie dans son ensemble est déjà en difficulté, nous espérons que cela ne l'affectera pas davantage », affirme à L'Orient-Le Jour Maya Noun, membre du syndicat des propriétaires de restaurant. « Nous voudrions rappeler qu'un restaurant est aussi un consommateur, comme n'importe quel autre ménage libanais. Le restaurant achète les aliments des distributeurs et la viande des bouchers », a ajouté Mme Noun, soulignant que « la sécurité alimentaire et l'unification des standards constituent la priorité du nouveau syndicat des propriétaires de restaurant ».
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Le secteur touristique, dominé par l'hôtellerie et la restauration, ne représente plus en 2014 que 8 % du PIB, soit 3 milliards de dollars, alors qu'il représentait 20 % du PIB en 2010 (8 milliards de dollars). Certains experts tirent la sonnette d'alarme d'un « secteur en détresse ».
« Ce qui se passe est terrible pour le secteur de la restauration », souligne de son côté à L'Orient-Le Jour Nagi Morkos, PDG du cabinet de conseil en tourisme et hôtellerie Hodema. « Les investissements vont encore baisser dans un secteur déjà à la traîne », poursuit-il.
Les chiffres de 2014 fournis par Hodema reflètent en effet un net ralentissement du secteur de la restauration. Ainsi, le cabinet de conseil a recensé 808 établissements de restauration à Beyrouth pour l'année en cours, contre 787 en 2013, sachant qu'il y a eu 163 ouvertures et 142 fermetures. Une hausse de 21 établissements qui représente une timide croissance de 2,5 %, nettement inférieure à celle des années précédentes.
De même, la capacité en nombre de places assises n'a cessé de baisser ces trois dernières années. Début 2014, elle s'élevait à 57 117 places en baisse de 1,3 % par rapport à 2013, toujours selon les chiffres d'Hodema. Cette baisse s'explique par la fermeture de certaines enseignes et leur remplacement par d'autres de taille plus restreinte liées à des investissements moins importants.
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Le secteur se transforme aussi, délaissant les établissements haut de gamme comme les tables gastronomiques et les night-clubs en faveur des bars et cafés-restaurants d'entrée et de moyenne gamme. « Cette tendance s'explique par la dégradation du pouvoir d'achat des Libanais et de l'incertitude politique qui détourne la clientèle des loisirs les plus onéreux », souligne M. Morkos.
Tout en saluant l'initiative du ministre de la Santé, le président de la Lebanese Franchise Association (LFA), Charles Arbid, aurait souhaité quant à lui une tout autre approche du dossier. « Nous soutenons sans sourciller l'application des réformes et des standards, nous soutenons aussi l'action du ministère, mais nous aurions préféré une autre approche », insiste-t-il.
« Cette approche pourrait nuire au fonds de commerce des établissements et à leur réputation ainsi qu'aux franchises à l'étranger, affirme M. Arbid, les enseignes libanaises constituent une importante marque d'exportation du Liban. La concurrence non libanaise à l'étranger pourrait aussi exploiter cette médiatisation à outrance. »
Le président de la LFA, qui appelle à l'application de normes strictes, a rappelé que les franchises libanaises n'ont jamais eu de problèmes d'hygiène à l'étranger.
Il est encore prématuré d'évaluer l'impact du dernier scandale sur le secteur de la restauration. Mais tous les experts s'accordent à dire qu'il aura un effet certain à l'approche de la saison des fêtes, censée donner un nouveau souffle aux professionnels.
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commentaires (6)
C'est peut être l'absence de contrôles regumiers et serieux de l'état qui nous amènent dans cette situation ... Concernant les touristes mais on s'en fiche, moins ils sont nombreux mieux ça circule... A quoi bon les accueillir pour les dégoûter .... Il reste beaucoup de produits à controler: les fermes d'élevage d'animaux... Les pesticides sur les fruits et légumes ...
CBG
14 h 22, le 15 novembre 2014