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Campus

Le Choix de l’Orient, une expérience édifiante pour les étudiants de la région

Sous la direction de Najwa Barakat, romancière et journaliste, le jury étudiant a attribué, le 2 novembre, le Prix Goncourt/Choix de L'Orient à Kamel Daoud pour son « Meursault, contre enquête ». Campus a recueilli les points de vue des jeunes jurés, issus de 25 universités et de 9 pays du Moyen-Orient, qui ont raconté avec des mots simples et directs leur exceptionnelle expérience.

Proclamation du résultat par Fadwa Qamsiya, de l’Université de Bir Zeit (Palestine).

«Pour nous, à Mansoura, ce fut une expérience formidable qui nous a donné l'opportunité de découvrir l'actualité littéraire française et francophone, d'en discuter avec nos professeurs et de faire un véritable exercice de critique littéraire», confie May Tarek Ibrahim de l'Université de Mansoura, au Caire, qui a tenu à souligner qu'en choisissant le livre de Kamel Daoud, «les étudiants n'avaient pas uniquement à l'esprit le meurtre de l'Arabe dans l'œuvre de Camus, mais toutes les victimes anonymes qui tombent de nos jours dans les rues du monde arabe».


Affaf Moghrabi, de l'Université arabe de Beyrouth, estime, elle, avoir vécu une «expérience des plus enrichissantes autant sur le plan personnel, qu'académique». «Les thèmes abordés dans les ouvrages que nous avons lus, comme l'amour, la guerre et surtout la délimitation des frontières, sont d'une brûlante actualité dans le monde arabe», indique-t-elle. Nagham el-Attrah, de l'Université libanaise, campus de Tripoli, approuve, avant de préciser que «cette expérience était particulièrement importante pour nous qui sommes isolés au nord du pays et qui avons travaillé dans des conditions très difficiles».
Younès Moharram Saïd est étudiant à l'Université de Sanaa, au Yémen. Il exprime sa joie d'être à Beyrouth pour participer à cet événement qui, dit-il, «nous a ouvert de nouvelles perspectives sur la littérature contemporaine». «D'autant plus qu'au Yémen, on nous apprend davantage la littérature française classique et ancienne», précise-t-il en insistant sur la nécessité de renforcer la langue française au Yémen «qui en a grand besoin». Avec son collègue de l'Université de Taëz, ils étaient les deux seuls éléments masculins du grand jury.


En ce qui concerne le choix des étudiants, Wafa Mansour, de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, souligne que «lors du vote préliminaire dans notre faculté, mes camarades et moi avons cru en ce livre, nous l'avons défendu pour plusieurs raisons et nous sommes ravis de le voir primé». Paula Nassif, également de l'USJ, campus de Saïda, explique: «L'Étranger de Camus est revisité par Kamel Daoud avec, comme point de départ, faire parler un personnage fictif, l'Arabe victime de l'absurde chez Camus. Le style est percutant, fluide comme devrait l'être un plaidoyer qui donnerait la parole à une victime oubliée. L'Arabe tué par Meursault a enfin un prénom et un nom.» Wafa conclut: «Il y a dans Meursault, une histoire individuelle qui se greffe sur un fond collectif, une quête d'identité, une réclamation par rapport à la colonisation française. Cette réhabilitation vise à nous donner le temps dont nous avons besoin pour mieux comprendre notre histoire et mieux vivre avec. C'est une œuvre phare très courageuse.» Une œuvre dont «le véritable message », selon Angela Lotti, de l'UL, «au-delà de la révolution algérienne et malgré les meurtres», est «une invitation à l'amour». Sandra Hélou, également étudiante à l'UL, insiste sur «la richesse et l'intérêt» de sa participation au Prix Goncourt/Choix de L'Orient et évoque «la technique théâtrale du livre de Daoud, qui fait participer le lecteur à l'enquête. Une invitation à l'écriture à travers son style percutant qui échappe à la monotonie».

 

D'autres voix
Au fil des entretiens, on relève que les étudiants n'ont pas tous accordé leur voix à Daoud et que le choix de certains est allé à des ouvrages qui les touchent et qui traitent de sujets qui les préoccupent. Fadwa Qamsiya, de l'Université de Bir Zeit, dans les territoires palestiniens, confie ne pas avoir voté pour le livre de Kamel Daoud, sa préférence allant à un autre ouvrage, L'Amour et les forêts d'Éric Reinhardt, qui évoque la condition d'une femme maltraitée par son mari. «Ce livre montre toute la difficulté de la femme à se libérer des contraintes personnelles et de la société.» Farah Affaf, de l'Université Jinan, à Tripoli, a pour sa part préféré le livre Charlotte de l'écrivain français David Foenkinos, lauréat du Renaudot 2014. «Le livre aborde le fanatisme et l'art. Au fil de ma lecture, j'ai détesté le fanatisme et j'ai aimé, de plus en plus, l'art», dit-elle.
Les étudiants ont unanimement évoqué l'importance de cette compétition qui les a mobilisés pendant plus d'un mois, les amenant à lire plusieurs ouvrages de la sélection de l'Académie Goncourt, à les décortiquer et à en discuter avec leurs professeurs. Un véritable exercice formateur. D'ailleurs leur choix était des plus judicieux puisque, à une voix près, l'œuvre de Kamel Daoud aurait pu obtenir le Goncourt 2014.

 

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