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Liban - Artisans du Liban

Khawabi Abboud : du pressoir à huile à la savonnerie artisanale...

Dans une ruelle de Saïda, la fabrication du savon en mode passion.

Des savons traditionnels et des savons « avec un twist ».

Au seuil du « pressoir Abboud », caché dans une ruelle de Saïda, l'odeur du savon emplit l'air. Avant d'être une savonnerie, ce lieu fait d'arcades et de vieilles pierres était un pressoir à huile. « C'est mon grand-père qui a créé cet endroit en 1930, explique Zahia Abboud, la propriétaire des lieux. Les habitants de la région avaient l'habitude d'apporter leurs olives que nous transformions en huile. » Mme Abboud, la quarantaine, reste discrète sur le moment et les raisons de la fermeture du pressoir, se contentant d'évoquer le fait qu' « on ne peut pas en vivre comme il se doit », ou que toute sa famille « n'est plus là ».
« Mon grand-père avait aussi l'habitude de faire du savon pour la famille, poursuit-elle. Et en 2002, Lina Audi, qui admirait son savon, m'a proposé d'en produire pour le musée du savon », situé à l'intérieur de l'ancienne savonnerie de la famille Audi. Une bonne alternative pour éviter que le « pressoir Abboud » ne ferme définitivement ses portes.

Son savon, Zahia Abboud en est fière. « C'est un savon traditionnel, produit de manière artisanale ! » affirme-t-elle, tout en soulignant que sa production s'inscrit dans une histoire bien longue. « Les Phéniciens produisaient déjà du savon. D'ici jusqu'à Alep, ils ont été les premiers à en faire », assure-t-elle, soulignant sa fierté de s'inscrire dans cette lignée-là. L'histoire dit que le savon d'Alep, premier « savon dur », est né dans la deuxième ville syrienne il y a approximativement 4 000 ans. Ce n'est que plus tard, aux XIe siècle selon certaines sources, qu'il s'exporte en Europe pour notamment arriver à Marseille, d'où le fameux savon de Marseille.

 



Pour fabriquer ses savons, Zahia Abboud « utilise une huile de bonne qualité, âgée de deux ans, sachant que celle que l'on consomme a un an ». C'est grâce à cela, note-t-elle, qu'elle obtient une meilleure qualité de savon, sans pour autant en augmenter le prix, le kilo étant vendu à 10 000 LL.


Dans l'atelier de production, on ne trouve qu'« un ouvrier et des outils traditionnels ». Aata, palestinien, est le « protégé » de Zahia Abboud. Il a tout appris d'elle, dit-il. Aujourd'hui, ses mains sont habituées à la chaleur et à la soude caustique. Il ne consent à porter des gants que quand la patronne les lui tend...
Aata s'est fait happer par la passion du savon. Aujourd'hui, à ses heures perdues, il confectionne des maquettes, des chapelets ou encore des porte-crayons à partir de petits morceaux de savons de différentes formes et couleurs qu'il sculpte et polit lui-même.
La majeure partie de la journée, le jeune homme la passe toutefois devant un container métallique où il dose soigneusement l'huile, l'eau et la soude caustique. Quand le mélange a bouilli pendant plus de six heures, l'eau se sépare du savon et se dépose au fond du container où se trouve un robinet qui permet de l'évacuer.
« Parfois, j'introduis un petit "twist" dans mes savons », dit Mme Abboud. Un twist aux doux parfums de fleur d'oranger, de jasmin ou de lavande... La patronne pointe du doigt un bocal posé sur une étagère de l'atelier. « C'est du beurre de karité, je vais essayer d'en faire du savon », confie-t-elle.


Zahia Abboud n'est pas mariée et n'a pas d'enfants. Elle a des neveux, mais ils sont à Beyrouth ou aux États-Unis. « C'est dommage, c'est une perte, ce métier va finir par disparaître » murmure-t-elle. Un métier qui, pour elle, tient plus du hobby. « Quand on fait les choses avec bonheur, on peut faire un excellent travail » dit-elle.


Derrière elle, Aata extrait un peu de savon du container et l'étale sur une plaque en métal. « Si le savon s'effrite, c'est qu'il est prêt » explique-t-il. Il déverse ensuite la pâte jaune dans un grand moule métallique, lisse la surface et laisse sécher. Plus tard, il détaillera la plaque en cubes de savon. Les blocs seront alors de nouveau mis à sécher. Trois mois après le découpage, une fine couche de soude caustique peut se former à la surface des blocs. Aata polit alors chaque pièce sur laquelle il assènera un coup sec d'un grand tampon en bois marqué « Abboud ». Le savon sera enfin emballé dans un papier portant le logo « Khawabi (cuves) Abboud », en référence aux jarres que le grand-père de Zahia utilisait pour conserver l'huile. Des jarres qui ont toujours leur place dans la savonnerie, en souvenir des ancêtres.

 

La semaine prochaine : Le potier de Beit-Chabab

 

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Au seuil du « pressoir Abboud », caché dans une ruelle de Saïda, l'odeur du savon emplit l'air. Avant d'être une savonnerie, ce lieu fait d'arcades et de vieilles pierres était un pressoir à huile. « C'est mon grand-père qui a créé cet endroit en 1930, explique Zahia Abboud, la propriétaire des lieux. Les habitants de la région avaient l'habitude d'apporter leurs olives que nous...
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