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Nos Lecteurs ont la Parole - Paul MÉGARBANÉ

Questions pour un champion, Julien Lepers

Monsieur Julien Lepers,
Je vous écris en français, une langue qui n'est pas ma langue maternelle mais que je pourrais facilement qualifier de langue d'adoption. En effet, j'ai eu la chance, comme des dizaines de milliers de Syriens, de fréquenter des écoles privées qui accordaient autant d'intérêt à l'enseignement de notre belle langue arabe qu'à l'enseignement de la langue française.
Au cours de mes années d'études, du primaire au secondaire, et plus tard durant mes études universitaires, j'ai eu l'occasion de découvrir la France, sa civilisation, sa culture, son sens de la justice, son respect de l'autre, sa conception de la liberté, sa déclaration des Droits de l'homme devenue universelle et surtout, en ce qui nous concerne, l'importance qu'elle accorde à la francophonie.
À propos de francophonie, j'aimerais vous rappeler que, lorsqu'en 1998, vous avez organisé le grand concours de la langue française dans le cadre de votre émission « Questions pour un champion », la Syrie était présente parmi les dix pays participants et beaucoup de mes compatriotes ont pris part aux éliminatoires qui se sont déroulées dans les principales villes du pays. Quatre finalistes ont fait le voyage à Paris pour la finale qui s'est conclue par la qualification du Dr Amine Antaki.
C'était il y a plus de seize ans, mais un petit effort de votre part vous rafraîchira certainement la mémoire et vous rappellera «notre champion à nous», le Dr Amine Antaki, apprécié autant pour ses compétences professionnelles que pour ses qualités humaines.
Si je m'adresse à vous c'est pour vous rappeler, avec peine et regret, sa mort tragique il y a exactement un an, le 10 août 2013, alors qu'il revenait avec son épouse vers Alep à bord d'un autobus qui a été pris pour cible par des mercenaires fanatiques, étrangers, rentrés illégalement en Syrie. Un acte criminel parmi tant d'autres perpétrés contre mon pays depuis trois ans et demi, dont j'estime la France en partie responsable.
En faisant fi du principe de non-ingérence dans les affaires d'un autre pays, la France, gouvernée par la droite ou par la gauche, a pris une attitude a priori louable ; celle de participer à l'instauration d'une «démocratie» dans certains pays arabes, choisis par d'autres pays arabes réputés pour leur sainte horreur de tout ce qui se rapporte à la notion même de démocratie... Tout cela sous l'appellation très romancée de printemps arabe! Un concept teinté de beauté et de bonté, telle une promesse de lendemains qui chantent.
Mais les événements ne se seraient pas déroulés comme l'auraient prévu les grands sorciers/stratèges. Il n'empêche que trois ans et demi plus tard, mon pays se trouve plongé dans une situation indescriptible. Plus de 150000 personnes tuées et plus d'un million de blessés parmi les civils, dont un grand nombre restera à jamais handicapé. Sans oublier les séquelles psychologiques d'une réalité inimaginable et dure à affronter, ainsi que les millions de personnes déplacées dans le pays et dans les pays voisins. Sans oublier les dizaines de milliers de personnes disparues.
Monsieur Lepers,
Les assassins du Dr Amine Antaki comptent dans leurs rangs un ou plusieurs détenteurs de passeports français. Ils arrivent dans mon pays grâce à une filière tolérée, encouragée et facilitée par la France, par certains pays d'Europe et d'autres pays aspirant à en faire partie. Tout cela au nom, entre autres alibis, de la liberté dont ces assassins seraient les pourvoyeurs «à l'aller», pour n'être considérés comme des terroristes qu'à «leur retour» chez l'expéditeur. Y a-t-il comportement plus hypocrite? Ne serait-il pas plus équitable de mener une enquête impartiale visant à traduire devant la justice internationale les vrais responsables de ce qui se passe au Moyen-Orient, même si cela pourrait prendre des années et, éventuellement, ne pas aboutir?
Monsieur Lepers,
Depuis que votre émission existe, je la suis avec intérêt. Avec vous on apprend. Merci de votre contribution à la culture de vos téléspectateurs. Je dois vous avouer ne pas avoir été aussi assidu que je l'aurais voulu ces derniers temps, pour la simple raison qu'à Alep nous en sommes réduits à quelques heures d'électricité par jour. Cela dit, si je me souviens bien, vous vous êtes toujours efforcé d'ouvrir votre plateau au plus grand nombre en procédant par catégories et affinités : les grandes écoles, les corps de métiers, les facultés, les clubs, etc. Néanmoins, une catégorie semble vous avoir échappé, celle de la classe politique !
Puis-je me permettre de vous suggérer de recevoir les ténors va-t-en guerre de la classe politique française? Pour animer l'émission, peut-être pourriez-vous nous laisser, à nous francophones des pays qui subissent «leur» printemps, le soin de rédiger les questions. Questions qui concerneraient votre taux de chômage, votre marasme économique en sourdine, votre patrimoine culturel qui commence à sentir le pétrole, les commissions et rétro-commissions dans diverses «affaires», etc., sans jamais aborder la vie privée de vos élus, évidemment.
Monsieur Lepers,
Cette lettre vous est adressée par un patriote qui souffre en silence et qui espère que vous pourrez faire quelque chose pour les Syriens et tous les citoyens des pays de la région qui ont assez souffert de cette situation qui perdure. J'ai lu un jour ces paroles d'Albert Einstein: «Le monde est dangereux à vivre non pas à cause de ceux qui font le mal, mais plutôt à cause de ceux qui les regardent et les laissent faire.»
Je termine en vous redisant toute mon admiration, à vous personnellement, pour une émission que j'aimerais de nouveau suivre régulièrement aussitôt l'électricité rétablie.

Paul MÉGARBANÉ
Alep – Syrie

Monsieur Julien Lepers,Je vous écris en français, une langue qui n'est pas ma langue maternelle mais que je pourrais facilement qualifier de langue d'adoption. En effet, j'ai eu la chance, comme des dizaines de milliers de Syriens, de fréquenter des écoles privées qui accordaient autant d'intérêt à l'enseignement de notre belle langue arabe qu'à l'enseignement de la langue française.Au...
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