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Liban - Éclairage

Le troc envisagé par Daech et al-Nosra : les militaires otages contre les détenus islamistes de Roumieh

Les habitants réintègrent le village de Ersal.

Le calme est de retour à Ersal. Du moins, c'est ce que laissent croire les premiers témoignages qui sont parvenus du village, qui reste théoriquement interdit aux journalistes. Un calme cependant précaire, puisque les problèmes de fond restent en suspens pour le moment, notamment l'avenir des camps de réfugiés syriens dont certains auraient pris part aux combats mais aussi la vie des 36 otages aux mains des jihadistes.

Ce sont eux surtout qui sont pour l'instant au centre de toutes les préoccupations, d'autant que les éléments armés qui les détiennent dans le jurd sont, semble-t-il, déterminés à ne pas les relâcher sans contrepartie, ayant assuré jeudi qu'une liste de revendications sera soumise bientôt à l'État libanais.
On le devine déjà : les jihadistes qui ont depuis longtemps les yeux rivés sur Roumieh ne réclameront rien moins que la libération de leurs frères d'armes détenus, ou du moins, les plus importants d'entre eux. C'est ce qui ressort de plusieurs sources concordantes qui croient savoir que l'échange des 36 otages libanais ne se fera que s'il est fructueux pour les takfiristes. Hier, des informations ont filtré sur une liste de 20 détenus que les deux formations radicales ambitionneraient de libérer. Une revendication qui semble plausible dans la mesure où elle se recoupe avec d'autres données – préalables à l'assaut de Ersal –, qui se trouvent aux mains des services de renseignements libanais, faisant état d'une opération jihadiste contre le lieu carcéral de Roumieh. D'ailleurs, assure une source militaire, Imad Ahmad Jomaa, qui a récemment rejoint Daech, s'était infiltré au Liban dans cet objectif notamment, avant d'être arrêté au barrage de l'armée, précipitant l'affrontement entre la troupe et les takfiristes à Ersal.

 

(Lire aussi: Pour le bloc du Futur, une obsession nationale : le retour à l'État civil, l'article de Michel Hajji Georgiou)


Selon les dernières informations, une délégation d'ulémas se rendrait aujourd'hui dans le jurd pour rencontrer Abou Malek al-Souri, l'émir du Front al-Nosra, et poursuivre les pourparlers. En somme, pour prendre acte des revendications pavant la voie à l'échange.

Si l'on en croit les affirmations du président de la municipalité de Ersal, Ali Hujeiri, qui déclare à L'Orient-Le Jour avoir pris contact avec le médiateur, les éléments armés réclament entre autres la libération de Omar Atrach et de Joumana Hmayyed. Le premier est accusé d'avoir fait entrer deux voitures piégées dans la banlieue sud de Beyrouth. Hmayyed avait été arrêtée, en février dernier, à bord d'une Kia bourrée d'explosifs interceptée au rond-point entre Ersal et Laboué.

S'il est encore tôt de s'aventurer dans la bourse des noms ou des revendications, il n'en reste pas moins que le destin des otages reste le pivot central qui déterminera, dans les prochains jours, la situation à Ersal, et par-delà, sur l'ensemble du territoire libanais qui a fortement ressenti les secousses de l'épreuve. Elle mettra également l'État devant de dures décisions. Déjà certaines voix se sont élevées, mettant en garde « contre toute transaction avec les terroristes ». Le troc des otages contre les prisonniers sonnera le glas du prestige de l'armée, devait alerter un membre du CPL.

 

(Voir aussi notre diaporama : Tombés pour le Liban)


Dans le village, les habitants sont certes contents de réintégrer leurs maisons, mais l'incertitude ressort dans les discours. D'autant que l'armée, qui s'est uniquement déployée à l'ouest dans le périmètre se trouvant à l'entrée de Ersal où les combats les plus durs ont eu lieu, n'a pas poursuivi son déploiement dans le reste du village. Une circonspection qui pourrait être motivée par des raisons sécuritaires, ne sachant pas qui est avec la troupe et qui est contre elle. Mais d'autres raisons pourraient expliquer cette hésitation.
L'avertissement à peine voilé est venu de la bouche du président de la municipalité. « Les habitants ont décidé qu'ils veilleront eux-mêmes à la sécurité du village », assure Ali Hujeiri à L'Orient-Le Jour.

 

(Lire aussi: Pour les habitants de Ersal, seule l'armée pourrait redresser les injustices subies)



Ainsi, l'armée se trouve, une fois encore, prise entre le marteau et l'enclume, avec d'un côté la sécurité des habitants, de l'autre la responsabilité du sort des otages, une sorte d'épée de Damoclès.
D'ailleurs, Daech et Nosra avaient clairement posé comme condition de leur retrait d'« assurer la sécurité des habitants de Ersal et des camps de réfugiés ». Si l'on peut comprendre leurs inquiétudes pour les réfugiés syriens, on peut moins saisir leur angoisse à l'égard de la sécurité des habitants de Ersal qu'ils n'ont pas hésité à abattre à bout portant lors de leur apparition subite dans la ville aux premiers jours des accrochages avec l'armée. 

 

(Repère : Le Liban dans l'engrenage du conflit syrien)



L'explication plausible est celle que nous en donne l'un des habitants, qui, à l'instar de plusieurs autres, assure que dans Ersal « malheureusement une minorité de citoyens libanais sont de connivence avec les groupes radicaux et ont pris part à l'assaut contre la troupe ».
« Pas plus tard qu'hier, j'ai vu trois des habitants du village circuler à moto, avec leurs femmes et enfants, le fusil à l'épaule », témoigne Abdel Aziz. Selon lui, tous ceux qui ont pris part aux combats aux côtés de Daech et de Nosra sont connus. Parmi les morts et les personnes qui ont été arrêtées, 40 qui sont identifiées comme étant des habitants du village.
D'ailleurs, le franc-tireur qui a sévi hier à partir de la mosquée Abou Ismaïl avant d'être arrêté était bel et bien un habitant de la localité. Ce dernier, qui tirait sur tout ce qui bouge, était chargé de couvrir le retrait des combattants, qui s'est poursuivi hier par intermittence. Il faisait l'objet de 12 mandats d'arrêt. Il est accusé d'avoir lancé des grenades sur la gendarmerie de Ersal, blessant deux officiers.

Ce n'est pas la troupe uniquement qui se trouve prise en tenailles, avançant avec précaution dans ce village qui ne cesse de lui tendre de traîtres pièges. La majorité des habitants de Ersal se trouvent également pris, malgré eux, dans l'engrenage des considérations politico-militaires et réclament à cor et à cri le retour de l'État. Dans un communiqué qu'ils ont signé en leur propre nom, les habitants ont crié haut et fort leur allégeance à l'État, rien qu'à l'État. « Ersal est une ville libanaise par excellence et ne renoncera jamais à son identité. » Tout avait été dit dans cette proclamation qui, chose surprenante mais non moins significative, n'a pas été signée par le président de la municipalité.

 

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Le calme est de retour à Ersal. Du moins, c'est ce que laissent croire les premiers témoignages qui sont parvenus du village, qui reste théoriquement interdit aux journalistes. Un calme cependant précaire, puisque les problèmes de fond restent en suspens pour le moment, notamment l'avenir des camps de réfugiés syriens dont certains auraient pris part aux combats mais aussi la vie des 36...

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GARE AU CHANTAGE !

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 38, le 10 août 2014

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Commentaires (4)

  • GARE AU CHANTAGE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 38, le 10 août 2014

  • Pour la énième fois on est obligé de le dire : tous les énormes malheurs du Liban, et de la Syrie évidemment, depuis plus de quarante ans, viennent de cette maudite dictature baassiste de Damas. Le peuple syrien a été empêché de s'en débarrasser par des gouvernements internationaux et régionaux criminels. S'ils ne l'avaient pas fait, il n'y aurait rien de ces calamités d'al-Nosra et de Daech, soit en Syrie, soit au Liban.

    Halim Abou Chacra

    12 h 26, le 09 août 2014

  • Pourquoi ne pas proposer de remettre 1000 réfugiés syriens aux troupes de Bachar El Assad ...si nos soldats ne sont pas libre sous 48 h...?

    M.V.

    11 h 22, le 09 août 2014

  • Triste chantage ou le troc envisagé est une vraie Honte pour le pays .

    Sabbagha Antoine

    08 h 46, le 09 août 2014

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