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Liban

Pour le bloc du Futur, une obsession nationale : le retour à l’État civil

Avec les incidents graves et douloureux de Ersal, le Liban a, une fois de plus, frôlé la catastrophe. La commotion est grande au niveau du tissu social libanais, la plaie très vive. Mais « il ne faut pas perdre la boussole » dans le cadre du déchaînement actuel des passions identitaires ; plutôt voir comment, après le drame, quelles leçons tirer.
« Ne pas perdre la boussole. » La formule revient comme un leitmotiv chez les sources proches du chef du bloc du Futur, l'ancien Premier ministre Fouad Siniora. L'effort est manifeste pour rationaliser le problème et tenter d'y trouver des solutions, loin des dérives passionnelles.

Le fiasco du Hezbollah
Dans les milieux de l'ancien Premier ministre, l'on se félicite que le village ait été libéré dans sa totalité, que l'armée ait tenu bon face aux terroristes et que les habitants, qui étaient devenus les otages des ravisseurs, ne soient plus pris en tenaille dans le conflit. Il reste encore à obtenir la libération de « nos fils », soldats de l'armée et FSI, prisonniers des miliciens. « Nous étions en faveur d'un règlement par ordre de priorités : libérer le village, où quelque 30 000 habitants étaient bloqués entre deux feux, pousser les miliciens à se retirer et obtenir la libération des soldats enlevés », affirment ces milieux. « Nous voulions surtout éviter la détérioration et préserver le pays des dangers dans lesquels certains veulent l'entraîner. Cela fait trois ans que l'armée syrienne et le Hezbollah, soutenus par l'aviation, se battent au Qalamoun, sans venir à bout de ces milices. Nous avons mis trois mois pour venir à bout des terroristes de Nahr el-Bared, avec des sacrifices énormes consentis par l'armée. Or nous voulons préserver à la fois l'armée, la population et le pays », soulignent-ils.
Pour les sources proches de Fouad Siniora, la première conclusion à tirer du drame de Ersal, c'est « l'échec des grandes théories sur la sécurité préventive et itinérante en Syrie et en Irak », dans une allusion manifeste à l'équipée du Hezbollah dans ces deux pays au nom de « la lutte contre l'extrémisme sunnite », mais au service d'un projet extérieur. « Les faits prouvent que nul ne peut se substituer à l'État, et que seul ce dernier peut rectifier le cours des choses. Sans État, la dérive milicienne conduit les citoyens à douter de leur avenir », indiquent ces sources.
Pour elles, « en l'absence d'un État civil qui respecte les droits de l'homme, les libertés et la citoyenneté, toutes les composantes de la société sentent qu'elles ne sont pas en sûreté », ce qui les incitera à déraper progressivement. « Si un État civil juste et équitable existait en Syrie et en Irak, tout ce dont nous avons été témoins se serait-il produit ? » s'interrogent-elles, en allusion aux convulsions des deux pays, plongés dans la violence sectaire. « Si l'État au Liban respectait les droits de l'homme, l'égalité, la réciprocité, toutes les répercussions que nous subissons auraient-elles trouvé un espace pour s'exprimer ? » ajoutent-elles.

Défendre les chrétiens d'Orient
Pour les milieux proches du chef du bloc du Futur, il n'y a aucun doute que c'est le Hezbollah qui assume la responsabilité majeure du délitement de l'État libanais, avec sa « prétendue guerre préventive en Syrie ». « Nous voilà maintenant avec un nombre impressionnant de déplacés que son intervention dans les combats en Syrie a contribué à amener au Liban. Avec cela, il n'a même pas protégé les lieux saints ou le périmètre national du pays, comme il le prétendait, mais a conduit à déplacer des centaines de milliers de personnes vers l'hinterland libanais, dont les miliciens terroristes auxquels nous avons eu affaire. Du point de vue des arguments présentés à la base, il s'agit d'un fiasco total », soulignent ces sources.
« Le Hezbollah fait fi de la logique de l'État, et nous courons droit vers la catastrophe. Mais quitter la logique de l'État, par effet mimétique, en guise de réponse, de réaction, n'est pas la solution. C'est pourquoi nous n'avons qu'une seule option : restaurer l'État civil et promouvoir la formule du vivre-ensemble, qui caractérise le Liban », notent-elles. Il s'agit là du « meilleur moyen pour défendre la cause des chrétiens d'Orient », à titre d'exemple, loin des surenchères sectaires exploitées par certaines parties locales à foison à des fins politiciennes. « Nous avons toujours porté cette cause à bout de bras au courant du Futur. Qui plus est, nous voulons assumer cette responsabilité. Mais la solution aux angoisses liées à l'avenir de chaque composante ne saurait être partielle, fragmentée, mais au contraire globale. Elle passe par le projet de l'État civil. Sinon, dans un pays où toutes les communautés sont des minorités, comment faut-il que chacune de ces minorités se défende ? Faut-il que chacune constitue sa propre milice ? Il s'agit d'un appel à des combats sans fin. Notre seule protection, c'est de retourner à l'État », soulignent les sources proches de l'ancien Premier ministre.
Elles ne cachent pas qu'il existe un sentiment réel de colère au sein de la communauté sunnite, mais qu'il est essentiellement dû à un sentiment croissant d'injustice aux deux plans local et régional. « La majorité écrasante est en faveur de la sécurité et rejette les phénomènes terroristes qui sont apparus à Ersal et qui sévissent dans la région. Mais tout ce qu'ils demandent, c'est que tous les phénomènes miliciens soient mis au pas, et que l'État soit juste et équitable vis-à-vis de tous », soulignent-elles.
« Le Hezbollah affirme qu'il a été se battre en Syrie contre les takfiristes. Ils ne sont venus que plus nombreux au Liban ! Est-ce de cette manière qu'on leur a fait barrage ? Non, l'État a besoin de son prestige et de ses griffes. Il a besoin d'une consolidation de son armée et de ses forces de sécurité. Il a également besoin que ses institutions étatiques soient toutes fonctionnelles, et que le blocage de l'élection présidentielle prenne fin », poursuivent les sources proches de Fouad Siniora.
Mais qui donc la bloque? « C'est Michel Aoun qui s'entête – et le Hezbollah exploite cette position », soulignent ces sources.

« Plus d'amendements constitutionnels ! »
« Nous ne voulons plus de traitements temporaires à base de tranquillisants. Nous voulons des solutions réelles et durables, assurent les sources proches de Fouad Siniora. Nous voulons une armée qui soit sous le contrôle du pouvoir exécutif, et dont la doctrine soit la protection du régime démocratique et des libertés publiques. » Ces sources indiquent, à ce sujet, qu'elles souhaitent œuvrer pour mettre définitivement un terme à la relation problématique entre l'armée et le pouvoir politique, source de nombreuses complications sur la scène politique. Depuis 1992, les Libanais vivent « à l'ombre du souci du commandant en chef de l'armée qui souhaite accéder à la présidence de la République – et l'armée est prisonnière de cette équation ». « Sous le mandat Hraoui, Émile Lahoud voulait être président. Puis, cela a été le tour de Michel Sleiman. Et, actuellement, c'est Jean Kahwagi qui a l'ambition d'être élu », notent ces sources, pressées d'en finir avec cette question épineuse. Car cette imbrication de l'armée dans les enjeux politiques place souvent la troupe dans des positions complexes. « Nous venons tout juste d'être témoins d'une tentative d'utiliser l'armée comme un paravent dans le cadre d'un projet visant à conduire le pays vers une vaste confrontation à caractère sectaire », disent-elles, en allusion à la bataille de Ersal, et au rôle que le Hezbollah a joué à ce niveau, ainsi qu'au rôle suspect du parti chiite dans le timing de l'arrestation du terroriste Jomaa, du Front al-Nosra.
« Nous voulons que la Constitution soit respectée. Nous ne voulons plus d'amendements. Nous avons dû en faire pour la prorogation du mandat d'Élias Hraoui, puis pour l'élection d'Émile Lahoud, à nouveau pour la prorogation du mandat de ce dernier, et enfin pour l'élection de Michel Sleiman. Et voilà que maintenant, il est question d'un nouvel amendement en faveur de Jean Kahwagi ou de Riad Salamé ! » précisent les sources proches de M. Siniora.

Objectif, la 1701
Enfin, et surtout, c'est la question des frontières qui préoccupe le plus les milieux proches de M. Siniora, comme l'ensemble du 14 Mars, d'ailleurs. Les sources en question affirment, sur ce plan, qu'il est désormais nécessaire de contrôler l'afflux des réfugiés syriens, en fonction d'un filtrage minutieux, sans toutefois abandonner l'aide humanitaire à ces derniers. « Ceux qui font des allers-retours fréquents entre la Syrie et le Liban n'ont pas besoin de revenir, par exemple », disent-elles.
Mais aussi et surtout, les sources insistent sur la nécessité de contrôler la frontière, sur base de la résolution 1701. « Inutile de rappeler comment le cabinet Siniora avait été qualifié de traîtres en 2006, lorsque la 1701 avait été adoptée. En 2012, lorsque nous avions demandé l'extension de la résolution pour le contrôle des frontières, nous nous étions heurtés à une campagne adverse haineuse. De même, en 2013, lorsque nous l'avions fait au nom du 14 Mars. Pourtant, le texte de la résolution ouvre la voie à ce genre de procédés », rappellent ces sources. « Pourquoi les habitants au sud du Litani doivent-ils être les seuls à bénéficier de la pérennité que la 1701 leur accorde ? Nous voulons protéger le Liban. Ce n'est pas avec des frontières poreuses que nous pourrons le faire. Nous devons tout faire pour empêcher l'entrée des terroristes. C'est ainsi que nous faisons de la prévention réelle, celle-là », soulignent-elles.
Et de conclure : « Il est vrai que nous n'avons pas de pouvoir de contrainte, pas de puissance, pas de force de facto. Mais cela ne doit pas nous empêcher de continuer à nous battre pour informer, éveiller, dynamiser et mobiliser l'opinion publique, qui reste notre atout majeur, notre véritable force vive. Il ne faut pas laisser la maladie envahir nos esprits et brouiller notre vue, en ces temps de folie. Il ne faut pas perdre la boussole... »

 

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