Le cauchemar de Ersal touche-t-il à sa fin ? S'il est encore prématuré de répondre de manière définitive à cette question, il n'en reste pas moins que les premiers indices de l'accalmie qui a duré tout au long de la journée d'hier sont porteurs d'un léger espoir.
En effet, la trêve qui a prévalu hier a permis la poursuite du retrait des éléments armés de la ville, l'entrée des secours et l'évacuation des blessés.
La trêve a été maintenue tout au long de la journée, entrecoupée de temps à autre par des échanges de coups de feu et des tirs de roquettes dans la nuit de mercredi à jeudi, entre 23 h et 2 heures du matin.
L'aviation syrienne a effectué des raids dans le jurd de Ersal contre les groupes armés qui se retiraient de la localité à l'aube.
Des informations rapportées par l'agence al-Markaziya indiquent que près de 30 camionnettes ont quitté Ersal transportant des éléments qui brandissaient les drapeaux d'al-Nosra en direction du jurd. Selon une source militaire, le village de Ersal est désormais « sous contrôle, et l'armée doit incessamment se déployer sur les lieux ».
La troupe a ratissé la localité de Ras el-Sirj et s'est déployée dans certains quartiers de Ersal.
En cours de journée, l'unité héliportée de l'armée a lancé une opération de sauvetage à l'intérieur du dispensaire Rafic Hariri, qui s'est soldée par la libération de sept membres des Forces de sécurité intérieure pris en otages. L'armée avait réussi à entrer en contact avec eux et à les localiser.
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Les médiateurs
Sur un autre plan, la délégation des ulémas chargée d'effectuer la médiation avec les personnes armées s'est rendue de nouveau à Ersal pour poursuivre sa mission. Lors d'une conférence de presse tenue à l'entrée du village, le chef de la délégation, cheikh Houssam Ghali, a précisé que l'initiative a nettement progressé grâce notamment à la prorogation du cessez-le feu « qui a été respecté par toutes les parties ».
Le dignitaire sunnite a assuré que les éléments armés se sont effectivement retirés du village. « Les combattants ont pratiquement évacué le village de Ersal. Ils restent présents dans quelques endroits seulement. Nous sommes en contact avec eux ainsi qu'avec les responsables à l'intérieur de Ersal afin de mettre un terme à cette situation », a-t-il dit. Il a espéré que toute cette crise sera réglée dans les prochaines heures.
« L'armée libanaise a tenu promesse et a respecté ses engagements », a-t-il dit.
« Nous allons poursuivre l'initiative. À notre arrivée à Ersal, nous allons rencontrer les membres du comité formé de représentants des habitants et des réfugiés syriens pour convenir de l'organisation de la vie dans le village en attendant l'arrivée des forces de l'ordre pour prendre les rennes, comme c'était le cas auparavant », a-t-il dit.
Contacts coupés avec al-Nosra
Quelques heures plus tard, les membres de la délégation ont déclaré, sur le chemin du retour, avoir perdu contact avec les éléments armés.
Un porte-parole a indiqué que cela peut s'expliquer par le fait qu'il s'agit d'une région où il n'y a pas de réseau téléphonique. « Il est également probable que les éléments armés aient voulu prendre leurs précautions », a-t-il précisé. Sitôt après, l'un des membres de la délégation s'est déplacé dans le jurd pour voir s'il y a moyen de renouer contact et ce qui est advenu des otages.
« Lorsque le contact est interrompu avec l'autre partie, celle-ci a le pouvoir exclusif de rétablir la communication avec nous, d'où la nécessité de garder certaines informations confidentielles », a affirmé cheikh Muhieddine Nassabaïh, qui a démenti que les éléments armés aient imposé quelque condition que ce soit aux membres de la délégation des ulémas. Il a cependant assuré que tous les otages se portent bien.
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Selon des sources proches de la commission de médiation, citées par l'agence al-Markaziya, « plus de dix membres de l'armée et des forces de l'ordre seraient relâchés dans les prochaines heures ». La source a précisé que huit des soldats se trouveraient avec les éléments d'al-Nosra et 6 autres avec l'EI (Daech). Selon des sources sécuritaires, 22 soldats et 17 éléments des FSI sont portés disparus.
« Nous suivons la question des otages avec des parties à l'intérieur de Ersal. Les éléments armés ont assuré qu'ils laisseront des messages avec certains habitants du village », a-t-il dit.
En réponse à une question, il a répondu : « Lors de notre réunion hier ( mercredi ) avec les éléments armés, nous n'avons constaté aucune contradiction dans leurs propos (...). Ils tenaient tous un même langage qui était positif. Ils ont laissé entendre que ce qui s'est passé à Ersal est une erreur et que le groupuscule qui est entré au village en commettant toutes ces exactions a commis un écart et qu'il s'est engagé à se retirer », a-t-il dit, précisant que les pourparlers ont été effectués de manière directe avec les éléments armés, sans intermédiaire.
Selon le dignitaire sunnite, leur unique demande est « de garantir la protection des civils, les Libanais et les réfugiés syriens compris ».
En fin de soirée, l'un des ulémas a annoncé que le contact a été renoué avec un intermédiaire, les éléments armés ayant affirmé avoir une liste de revendications à remettre à l'État par le biais de l'intermédiaire.
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Un camp brûlé
Le dignitaire sunnite a ajouté par ailleurs que l'ensemble des blessés civils allaient être évacués, soulignant qu'il n'y a aucune différence entre un blessé libanais et un blessé syrien.
« C'est une question humanitaire », a-t-il dit, avant de faire remarquer que la situation à l'intérieur des camps de réfugiés était « très difficile ». « Hier, un camp de réfugiés a entièrement pris feu, a indiqué le dignitaire religieux. Les corps carbonisés sont toujours à l'intérieur. Les équipes de secours n'ont toujours pas pu arriver sur place et l'odeur de la mort était pénible lorsque je suis passé à côté. Par conséquent, nous sommes devant une catastrophe humaine à laquelle il faut mettre un terme. »
Il a cependant clairement indiqué que les éléments armés ont pris leurs blessés avec eux. « Il n'existe aucun blessé armé dans les hôpitaux de la Békaa. »
Selon lui, seules les forces de l'ordre peuvent empêcher le retour des éléments armés.
Le dignitaire sunnite a indiqué sur un autre plan que les blessés ont été évacués, soulignant que les aides ont été acheminées.
Entre-temps, un convoi de 17 véhicules de la Croix-Rouge a transporté 42 blessés, dont 38 Syriens et 4 Libanais, vers les hôpitaux de la Békaa. Le convoi était accompagné par des équipes de la Défense civile.
Les aides refoulées
Plus tard dans la journée, un autre convoi du Haut Comité de secours transportant du pain et des vivres a été refoulé par les habitants qui ont affirmé qu'ils n'ont besoin ni de nourriture ni de pain, mais d'« une position politique de soutien ».
Interrogé sur la réaction des habitants, cheikh Muhieddine Nassabaïh a indiqué que les habitants de Ersal sont « dignes ». « Ils ont considéré les aides comme un geste inspiré par la pitié, ce qu'ils ont refusé. Ils réclament à l'État la sécurité et la paix. »
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Inspiré de la fable de Lafontaine : Le dragon à plusieurs têtes et le dragon à plusieurs queues. LES DEUX HYBRIDES JUMEAUX Un rêveur, se prenant pour envoyé divin, Qui préférait, dit-on, la limonade au vin, Servait dévotement son souverain séide. - Un absurde pensait, ayant la tête vide : Notre honorable guide a de ces dépendants, Qui se croient, eux aussi, sacrés et si puissants, Et aptes, chacun d'eux, à conduire une armée. - Un clairvoyant, subtil et homme de bon sens, Disait, en rebutant l'absurde renommée : Prétendre seulement n'est pas faire et fournir. Cette vieille leçon me fait ressouvenir D'une aventure étrange, et cependant si vraie. Un jour, dans mon pays, je vis soudain passer Les cent têtes d'une hydre à travers une haie. Dans mes veines mon sang s'était soudain glacé. Non car ce monstre hideux, qui répugne et effraie, Me faisait grande peur, mais car j'avais du mal, De voir les destructions causées par l'animal, Qui, des feux éjectant de sa gueule entr'ouverte, Réduisait tout en cendre : eau, ciel et terre verte. Un autre monstre, ayant la revanche pour chef, Tombe sur l'hydre et lui déclare la bataille. Un combat meurtrier s'ensuivit derechef. Les monstres rugissant, chacun dressant sa taille, Veulent s'entretuer ; leur sang qui se confond, Révèle deux jumeaux... nés d'un même dragon !
10 h 51, le 10 août 2014