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À La Une - Irak

L'armée irakienne minée par une corruption endémique

"l'armée était une coquille vide".

Des volontaires irakiens portant l'uniforme pour faire face à la progression des jihadistes de Daech vers Bagdad. MOHAMMED SAWAF/AFP

L'armée irakienne qui s'est désintégrée la semaine dernière face à la progression rapide des jihadistes de Daech (l'Etat islamique en Irak et au Levant, EIIL) est une force minée par la corruption, un commandement médiocre et des dissensions inter-communautaires - le contraire de ce que les Américains espéraient laisser derrière eux après leur retrait.

Les Etats-Unis ont démantelé l'armée de Saddam Hussein après l'invasion de l'Irak en 2003 et ont consacré depuis lors 20 milliards de dollars à la mise sur pied d'une nouvelle armée de 800.000 hommes, misant sur son aptitude à préserver la paix après le retrait américain, qui s'est achevé en décembre 2011.

En 2011, les affrontements inter-communautaires avaient nettement marqué le pas et l'armée irakienne en place était jugée dans l'ensemble compétente, ce qui donnait relativement confiance au président américain Barack Obama au moment où le contingent américain pliait bagages.

 

(Lire aussi : Pour Blair, attribuer la crise actuelle en Irak à l'invasion de 2003 est "bizarre")

 

La corruption a cependant ponctionné les fonds destinés aux rations des soldats, à l'entretien des véhicules et au carburant, déclare un officier irakien de la province d'al-Anbar, dont certains secteurs échappent au contrôle du gouvernement depuis plus de six mois maintenant. Les soldats en sont réduits à acheter sur les marchés locaux des pièces détachées pour leur matériel car les dépôts du gouvernement sont vides, dit-il.

L'armée irakienne a été fortement politisée sous le Premier ministre Nouri al-Maliki, un chiite, explique le général américain à la retraite Jim Dubik, qui a dirigé la formation des troupes irakiennes assurée par les Etats-Unis et l'Otan en 2007 et 2008.

"Leur aptitude à encadrer (l'armée) a fortement décliné", a ajouté M. Dubik à propos des officiers irakiens. "Si vous êtes un combattant et pensez que votre camp va perdre, vous ne luttez pas jusqu'au dernier homme. Vous sauvez votre peau."

Selon un ancien responsable américain en Irak, les mauvaises conditions de vie que réservaient les officiers aux hommes de troupe expliquent aussi les désertions en masse des derniers jours. "Ces gars-là, ces unités étaient démoralisés. Ils étaient mal payés et constamment escroqués par leurs officiers, qui volaient leurs soldes et profitaient de leur position pour améliorer leur propre situation", ajoute cet ancien responsable.

 

Une déroute au sommet
Hormis quelques unités exemplaires, comme les forces spéciales, qui ont subi la plupart des combats, "l'armée était une coquille vide", résume-t-il.

Le comportement des forces irakiennes était loin d'être parfait avant même le retrait américain. Les militaires américains qui avaient formé cette armée n'ont jamais réussi à venir à bout des problèmes endémiques de fraude ou de racket aux postes de contrôle, et fermaient par moments les yeux sur ces pratiques.

La déroute de la semaine dernière a commencé au sommet, avec la fuite des officiers supérieurs commandant les forces à Mossoul, à mesure que les combattants de l'EIIL progressaient dans la ville.

Les défenseurs de Mossoul ont bien résisté pendant trois jours, jusqu'au soir du 9 juin, mais au cours des heures suivantes, le contingent irakien s'est désagrégé avec la fuite du chef des troupes de l'ensemble de la province de Ninive, Mahdi Garaoui.

Le commandant des forces terrestres irakiennes, le général Ali Ghaïdan, et le chef d'état-major adjoint, le général Abboud Kanbar, ont eux aussi abandonné leur poste, selon un responsable irakien et un spécialiste occidental des questions de sécurité.

L'ensemble de la structure militaire déployée par le gouvernement chiite de Bagdad pour protéger le nord du pays s'est ainsi disloqué avant même l'arrivée des jihadistes sunnites, qui progressaient depuis plusieurs semaines à travers l'ouest du pays.

 

(Lire aussi : « Les sunnites d'Irak espèrent revenir au pouvoir et assister à la chute d'Assad »)

 

"Il ne fait aucun doute qu'il y a eu effondrement, un effondrement structurel, à Mossoul", estimait à Washington le porte-parole du Pentagone, le colonel Steve Warren.

Le président Barack Obama lui-même s'est ému de la situation vendredi dernier.

"Le fait qu'ils (les militaires) ne veuillent pas lutter et tenir leurs positions face à des terroristes, certes aguerris mais qui sont loin d'être supérieurs en nombre, laisse penser qu'il y a un problème" de moral et de détermination des troupes, qui découle de la situation politique, a-t-il dit.

La débâcle militaire de la semaine dernière a aussi ses origines dans l'incapacité du gouvernement Maliki à déloger l'EIIL de la province d'al-Anbar au cours des mois précédents. Les jihadistes se sont emparés de la ville de Fallouja à la fin de l'an dernier et l'armée n'a jamais réussi à la reprendre, tout comme elle n'a pas pu reconquérir certains quartiers de Ramadi, la capitale de la province d'al-Anbar.

 

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Les Etats-Unis ont démantelé...

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