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Campus - Un workshop sur « L’invisuel »

Une initiative audacieuse à l’École des arts visuels de l’ALBA

Dans le cadre de son cycle d'ateliers, l'École des arts visuels de l'ALBA en a organisé un, ouvert à ses étudiants en master, les 20 et 21 mars, sur l'invisuel, une pratique artistique hors du commun, inhabituellement initié dans une école des arts... visuels !

Pour diriger cet atelier, l'École a accueilli Alexandre Gurita, stratège dans le secteur de l'art, professeur et directeur de l'Institut des hautes études en arts plastiques (Iheap), ainsi que de la Biennale de Paris.
Terme inventé par ce dernier, l'invisuel est un néologisme qui vient de la compression entre invisible et visuel. Il s'affranchit du concept consensuel de l'œuvre d'art, de l'exposition, du marché, des galeries. Dans ce sens, il n'a pas besoin d'être vu ni identifié en tant qu'art, pour exister. « Mon propos ne s'inscrit pas toujours très facilement dans le contexte des écoles d'art traditionnelles. Un peu plus extrême, il transgresse les sacro-saintes lois et fondamentaux de l'art. C'est une forme de résistance à la pensée et à l'esthétique dominante. Et il y a autant de démarches et de pratiques invisuelles que d'individus », affirme Gurita, allant droit au but. De ce fait, l'art invisuel se démarque des expressions artistiques habituelles. Il va même à leur encontre. La place est alors à l'expérimentation et à l'exploration de nouvelles approches ou de nouveaux formats. « Dans l'art n'est intéressant que ce qui ne se reproduit pas. Tout ce qui sort de cette mécanique autoreproductive a un intérêt », explique Gurita. Comme exemple d'un travail invisuel, celui-ci cite « La journée nationale libanaise du taboulé », célébrée le premier samedi du mois de juillet, que l'artiste Ricardo Mbarkho a lancée, en 2001. Pour ce stratège, c'est une activité inscrite dans une réalité sociale et politique qui prend le réel comme médium. Lors de cette festivité à ciel ouvert se réunissent non pas des spectateurs mais des usagers, de tous bords.
En fait, l'art invisuel fait partie de certaines démarches artistiques nouvelles, et bien que sa pratique soit minoritaire, son existence ne peut pas être ignorée. « Nous sommes dans une période riche où le concept fait partie intégrante de l'art. Notre politique, c'est de prévoir demain, avancer toujours et intégrer le nouveau mouvement. D'où l'importance de ce workshop », explique Mme Nicole Harfouche, directrice de l'École des arts visuels.
C'est ce concept complexe et hors normes que Gurita a tenté d'introduire lors de la première partie, théorique, du workshop. Il a, également, présenté le travail de la Biennale de Paris et celui de l'Iheap, ainsi que certaines pratiques représentatives de l'invisuel. Par la suite, dans son second volet, l'atelier est entré dans la phase pratique de l'élaboration des travaux. Pour cela, chaque étudiant est parti d'une pensée ou d'une préoccupation personnelle au cœur de son quotidien, afin de concevoir et de formuler son projet. « L'atelier a été très pertinent pour moi car à cette étape de ma vie, et, plus particulièrement, de ma formation, je suis en état de recherche aux niveaux de la pratique et de la théorie. J'ai beaucoup de questions qui sont en rapport avec ma vie personnelle et je commence à puiser de mon expérience pour travailler, et comme je n'ai pas encore défini le médium par lequel je m'exprimerai, l'invisuel me semble comme un vaste champ à explorer », affirme Abir Moukaddam, étudiante.

Pousser les limites
Sortir des sentiers battus, s'ouvrir à des perspectives alternatives, voilà l'un des objectifs de ce workshop. « Les étudiants ont été très attentifs et réceptifs à mon propos. L'art invisuel leur a paru comme une possibilité parmi d'autres, une sortie de route », révèle Gurita.
En effet, pour les étudiants, ce genre de pratiques artistiques est complètement nouveau. « Maintenant qu'on sait que l'art invisuel existe, ça pourrait être intéressant de l'utiliser un jour. C'est une option qui s'ajoute aux autres », révèle Nouhad el-Daher, étudiante. Pour elle, comme pour ses camarades, découvrir l'existence de ces pratiques, en parallèle avec leur formation académique, pourrait, ainsi, changer le cours de leur future orientation artistique. « Veut-on faire partie du marché, du jeu mondial, ou non ? C'est très important d'avoir toutes les options ouvertes pour décider du choix qu'on va faire plus tard », estime Abir.
Expérimenter en dehors du cursus semble, par ailleurs, être primordial. En effet, cet atelier vise à soulever des problématiques et à poser des questions qui ne sont pas abordées dans les cours. « Le workshop reste un moment d'expérimentations et de défis. On incite nos étudiants à confronter leur développement dans le cursus avec ces pratiques qui privilégient le doute et l'action, contre la passivité d'un simple récepteur », explique Ricardo Mbarkho, directeur adjoint de l'École des arts visuels. « Suite à ce workshop, je commence à me poser des questions : sur ce que je veux faire dans l'art, sur la définition de l'art et qui décide de cette définition », avoue une étudiante, Nour Chantout.
Ainsi, les étudiants sont encouragés à posséder une attitude critique à l'égard de leur entourage, à développer aussi leur subjectivité. « En général, les écoles d'art sont soumises à l'esthétique dominante. Et les étudiants qui en sortent deviennent un peu comme des soldats sur le marché de l'art et sont peu incités à chercher ailleurs, à expérimenter, à avoir une capacité critique car ils sont enrégimentés et matricés. Et mon propos vise à "dématricer", à "déformater" », explique Gurita.
Dans ce contexte et suite à cet atelier, l'École des arts visuels envisage de signer une convention avec l'Iheap, qui permettrait, entre autres, l'échange d'étudiants et l'obtention d'un postdiplôme. Une alternative parmi tant d'autres que l'École s'engage à présenter à ses étudiants. Et comme l'explique Mbarkho, « l'essentiel, c'est d'offrir à chaque étudiant les moyens pour fonder son projet personnel, reflétant son identité artistique distincte, qu'il affirmerait dans le monde complexe de l'art ».

Pour diriger cet atelier, l'École a accueilli Alexandre Gurita, stratège dans le secteur de l'art, professeur et directeur de l'Institut des hautes études en arts plastiques (Iheap), ainsi que de la Biennale de Paris.Terme inventé par ce dernier, l'invisuel est un néologisme qui vient de la compression entre invisible et visuel. Il s'affranchit du concept consensuel de l'œuvre d'art, de...

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