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Nos Lecteurs ont la Parole - Salim F. DAHDAH

Le réveil islamo-arabe et le maintien en vie de l’entité libanaise

Le monde est saisi et inquiet ces dernières années face à la recrudescence, dans tous les coins du globe, d'actes de terrorisme à connotation fortement religieuse. Après une longue période de silence et d'asservissement politique occidental, le réveil islamo-arabe, soutenu par une démographie galopante et des revenus pétroliers énormes, s'est mis en marche et a décidé d'étendre ses croyances et ses règles de vie partout dans le monde. Une initiative lancée depuis plus de trente ans par Mouammar Kazzafi et le roi d'Arabie saoudite, qui avaient conçu un vaste programme d'investissement dans le but de réaliser des opérations de conversions collectives à l'islam à travers les différents continents, dont principalement la Chine en Asie, l'Europe et l'Amérique. Cette démarche s'est profondément développée, grâce, récemment, à la mondialisation. Les flux migratoires des citoyens originaires des pays du tiers-monde (majoritairement musulmans) vers des cieux économiquement plus riches et plus démocratiques se sont multipliés. Alors qu'historiquement, le découpage de l'Orient par l'Occident en zones d'influence permettait aux décideurs mondiaux du moment de se créer à chaque nouvelle conjoncture, une soupape de sécurité pour mieux gérer leurs propres intérêts tout en protégeant la paix mondiale, l'évolution des peuples de cette région et leur aspiration à plus de libertés et de démocratie, les moyens énergétiques qu'ils possèdent, l'augmentation sensible de leurs investissements en Occident, leurs poids dans les économies nationales des pays où ils s'implantent semblent avoir modifié les perspectives aujourd'hui, et amené les autorités occidentales en place à plus de vigilance institutionnelle et législative depuis l'intervention de ses acteurs sur leurs scènes intérieures. Tous ces éléments confondus ont certainement interpellé l'Occident et l'ont poussé à opérer une réorientation de ses options stratégiques régionales.
Parmi les premiers signes de ses changements de cap on note :
– Une approche différente de la quasi-totalité des dirigeants politiques occidentaux face à la problématique occasionnée par l'immigration islamo-arabe sur leurs territoires et son insertion dans les rouages économiques de la nation. Une reconnaissance du rôle accru de ce facteur au sein des institutions et l'adoption de nouvelles législations ayant pour but d'intégrer progressivement ses spécificités sociales et religieuses à leur tissu national.
– Un réajustement du modus operandi américain dans différentes directions, afin de s'adapter aux nouvelles réalités susmentionnées, et ce par :
– Le retrait du QG américain du RAS, et son transfert vers le Qatar il y a quelques années, afin d'avoir les « coudées franches » pour entreprendre plus librement les rééquilibrages de ses actions politiques et stratégiques régionales sur la scène moyen-orientale.
– Le retrait de ses troupes d'Irak et d'Afghanistan.
– L'encouragement des actions de libéralisation et de démocratisation engagées par les peuples de différents pays de la région sous le titre des printemps arabes.
– L'ouverture des USA en direction des Frères musulmans en Égypte, et plus récemment en direction de la République islamique d'Iran.
– La pression américaine insistante pour pousser Israël à reprendre dans les meilleurs délais les négociations avec les Palestiniens et à interrompre sa construction de nouvelles implantations à Jérusalem-Est.
Cette mutation stratégique significative fait suite au vaste bouleversement régional en cours. Il n'en reste pas moins que pour réussir ses objectifs d'implantation intercontinentales, l'islam international doit se présenter sous un front uni. Or nous assistons après une longue période d'accalmie à une reprise de la confrontation historico-religieuse entre sunnites et chiites. Est-ce un hasard ou le résultat d'un plan organisé et orchestré par des acteurs de la scène internationale, afin de rééquilibrer tout d'abord les pouvoirs de ses deux communautés en Orient, et pouvoir ensuite endiguer les risques d'un déséquilibre mondial dû à leur déploiement progressif et systématique partout en Occident ? Face à une diaspora juive puissante et très organisée, l'islam international cherche à se faire lui aussi une place pour défendre ses valeurs, réaliser ses ambitions et devenir un acteur agissant et autonome.
Comment le Liban de 1943, qui a toujours représenté un exemple spécifique et original dans un Orient uniforme et unicommunautaire, va-il pouvoir continuer à défendre son entité face à ce réveil islamo-arabe et perdurer malgré toutes les pressions et les secousses qui ont fait suite à la guerre de 1975 et à ses prolongements à ce jour ? Pourra-t-il résister à cette nouvelle vague déferlante et aux options stratégiques en gestation des décideurs internationaux et régionaux ? Comment ses leaders vont-ils agir pour maintenir une cohésion nationale intérieure et continuer à respecter les obligations contractuelles qui lient tous les partenaires de la sigha, dont principalement celles avec une de ses composantes fondamentales, à savoir les chrétiens ? Beaucoup de questions qui malheureusement risquent de rester sans réponses certaines, tout au moins dans un avenir proche.
Mais, en tout état de cause, l'Occident se doit, au travers de cette évolution, de corriger ses objectifs, mais après avoir lu attentivement le mouvement irréversible amorcé par certains peuples d'Orient dans leurs relations indéfectibles avec leurs religions et ses implications socio-économiques. Il lui faut rester vigilant vis-à-vis des choix stratégiques qu'il y adoptera. Entre une homogénisation communautaire (et non l'harmonisation) et le maintien de la pluralité intercommunautaire, le choix le plus facile et le plus pragmatique pour lui irait vers la première option, mais c'est certainement la seconde, qui pourrait garantir à moyen et long terme sa stabilité et celle du monde libre. Le Liban est d'ailleurs l'exemple vivant de ce second choix (jusqu'à maintenant...). C'est pourquoi sa dilution ou son effondrement éventuels devraient représenter pour l'Occident un signal d'alarme, ce dernier doit en effet se mobiliser pour le maintenir en vie, bon gré mal gré toutes les tempêtes qui le secouent. Les USA, de par leurs responsabilités de leader mondial, devraient lui aussi et pour ces mêmes raisons veiller, malgré leur alliance avec Israël et leurs intérêts géostratégiques régionaux, à défendre l'existence et l'indépendance de cette entité libanaise, sa sigha et sa souveraineté nationale.
Ce n'est d'ailleurs certainement pas sans raison que le pape Paul VI avait qualifié le pays du Cèdre de « terre message », car il y avait vu un exemple de paix, de tolérance et de cohabitation entre les religions et les cultures. À travers sa grande sagesse, Sa Sainteté avait voulu, grâce à cette expression-clé, anticiper l'avenir des rapports et des relations entre les peuples et les États du globe et leur signifier la nécessité de chercher à cohabiter de la même façon eux aussi entre eux, mais en respectant toutefois les croyances et les libertés de chacun et surtout ses droits à être différent.
À bon entendeur au Liban et ailleurs dans le monde, salut !

Salim F. DAHDAH

 

Le monde est saisi et inquiet ces dernières années face à la recrudescence, dans tous les coins du globe, d'actes de terrorisme à connotation fortement religieuse. Après une longue période de silence et d'asservissement politique occidental, le réveil islamo-arabe, soutenu par une démographie galopante et des revenus pétroliers énormes, s'est mis en marche et a décidé...

commentaires (2)

RÉVEIL... OU PLONGEON DANS LE SOMMEIL ÉTERNEL ?

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 05, le 11 mars 2014

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Commentaires (2)

  • RÉVEIL... OU PLONGEON DANS LE SOMMEIL ÉTERNEL ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 05, le 11 mars 2014

  • "Pour réussir ses objectifs d'implantation, l'islam doit se présenter sous un front uni. Or nous assistons à une reprise de la confrontation entre sunnites et chiites. Est-ce le résultat d'un plan orchestré afin de pouvoir endiguer les risques d'un déséquilibre mondial dû à leur déploiement (ces islams) partout en Occident?" ! Exactement ; bien vu. "Les USA devraient, malgré leur alliance avec Israël, défendre l'existence de cette libanaise entité, cette sigha." ! Mais comment voulez-vous que les US "défendent cette Sîghâh" intercommunautaires, s'ils sont en réalité les parfaits alliés stratégiques d’Israël, État proclamant hautement sa "judaïté" exclusive ! Et pour ce qui est des "entendeurs" au Liban et de par le monde, il faut bien l'avouer que depuis l'année 75 du siècle passé et dépassé, ils ont les "oreilles" tout à fait bouchées !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 09, le 11 mars 2014

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