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Campus - Débat

À l’USJ, les réponses de Ziyad Makhoul

Une rencontre entre le journaliste Ziyad Makhoul et des étudiants francophones du Liban s'est tenue jeudi à l'USJ. La discussion, organisée en partenariat avec l'AUF et l'Institut français, s'est inscrite dans le cadre des activités commémorant les 90 ans de « L'Orient-Le Jour ».

Photo Michel Sayegh

C'est dans une ambiance très cool qui ne ressemble qu'à lui que notre collaborateur à L'Orient-Le Jour et professeur à l'Académie libanaise des beaux-arts, Ziyad Makhoul, a dirigé jeudi soir le débat avec des étudiants francophones, venant d'un peu partout du Liban, au Campus de l'innovation et du sport à l'Université Saint-Joseph. En révélant au début de la rencontre avoir choisi Ziyad Makhoul pour animer cette rencontre, « à cause de son caractère provocateur en espérant que les étudiants participants le seront tout aussi », Salwa Nacouzi, directrice du bureau Moyen-Orient de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), ne croyait pas si bien dire.

Après une brève allocution de Mme Nayla de Freige, administrateur délégué du quotidien, qui a présenté la discussion articulée autour du thème « L'avenir du Liban à travers le journalisme », et espéré que de nombreux étudiants participeront au concours lancé par L'Orient-Le Jour pour ses 90 ans, Ziyad Makhoul a confié avoir tout d'abord refusé de participer à la conférence. « Au départ, j'ai dit non, a expliqué le journaliste aux étudiants venus de l'UL, La Sagesse, l'USEK, l'AUST, l'Université islamique, l'Université arabe de Beyrouth, l'USJ, l'ALBA et l'AUB. Ce que je vais dire n'intéresse personne, et j'ai déjà L'Orient-Le Jour comme tribune pour m'exprimer. Puis j'ai consenti à prendre part à ce débat à condition qu'il soit interactif et que ce soit moi qui réponde à vos questions. L'avenir, c'est surtout vous. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les étudiants, sur le podium ou dans l'assistance, ont voulu partager l'expérience de M. Makhoul, se souciant davantage du journalisme d'aujourd'hui que de son futur. Étudiante en éducation à l'Université arabe de Beyrouth, Hasna Bou Harfouche s'est plainte du fait que le journalisme actuel soit synonyme de mauvaises nouvelles et d'archives mal tenues, que l'on laisse aux générations futures. Haïfa Gebril (Université islamique) a de son côté déploré un manque d'objectivité et un trop-plein de politique, alors que Ola Karamé, de l'UL, s'interrogeait sur la « mission » de M. Makhoul au journal.
« Le terme mission m'effraie, a déclaré ce dernier. Il y a mille et une façons de faire du journalisme, mais le rôle d'un journaliste est plutôt de pousser à réfléchir, de montrer au lecteur qu'il n'existe pas de vérité absolue, sans pour autant estimer que le lecteur est idiot. Un journaliste n'est ni prof ni prêcheur. Si mes articles laissent mon lecteur réfléchir, ne serait-ce que pour une poignée de secondes, c'est déjà bon. Cela contribue à l'existence d'opinions divergentes et à une sorte de clash positif qui est très utile. Un monde où tout le monde penserait de la même manière serait trop ennuyeux, et je n'incite jamais mes lecteurs à ne pas écouter l'autre son de cloche. »

 

 

« Quant à l'objectivité, il faut savoir faire la différence dans la presse écrite entre les informations qui doivent être dénuées de toute opinion et des articles signés qui reflètent l'opinion du journaliste. Un journal n'est jamais une agence de presse, et il doit avoir une ligne éditoriale, même au prix de perdre des lecteurs », a-t-il ajouté, soulignant la nécessité de « manipuler ce quatrième pouvoir avec responsabilité ».

Affirmant par ailleurs que « le culturel, le social, l'environnement, etc., sont tous liés à la politique en quelque sorte », Ziyad Makhoul a mis l'accent sur le fait que de nombreux journaux, dont L'Orient-Le Jour, ne s'intéressent pas qu'à la politique et s'engagent dans des luttes d'ordre environnemental ou social, notamment au niveau des droits de la femme. Serge Élia, étudiant en droit à La Sagesse, avait en effet demandé quel rôle pouvait jouer la presse dans la lutte pour la sauvegarde de l'environnement, et Georges Mouawad, étudiant en théâtre et en relations publiques et marketing à l'UL, avait estimé que les Libanaises fortes et sûres d'elles-mêmes, telles que les journalistes, ne participaient pas activement à la vie politique.

Blogs et humour
Le débat a ensuite traité de la profusion des blogs et du journalisme amateur sur les réseaux sociaux. En réponse à une question posée par Sandrine Payan, Ziyad Makhoul a affirmé envier la liberté des blogueurs. « Si, à L'Orient-Le Jour, la seule censure qui existe est l'autocensure que l'on s'impose en tant que journalistes, les blogueurs, eux, ne s'autocensurent même pas, et c'est ce qui fait leur différence, a-t-il dit. Parfois bien sûr, leurs informations ne sont pas crédibles. Au journal, on vérifie nos infos avant de les publier et nous ne sommes pas très concernés par cette course effrénée à l'audimat. »

(Lire aussi : « Jeunes Libanais, vous êtes journalistes à « L'OLJ » en 2050... »)

Le journaliste a en outre discuté des libertés qu'il se permet au niveau de l'utilisation de la langue française avec des mots arabes ou anglais, une question soulevée par Nada Daou et Serge Élia. Il a sur ce plan affirmé qu'il y a des limites, « mais qu'on ne vit pas en autarcie et qu'une langue ne doit pas se refermer sur elle-même ». Il a de même estimé que l'humour en journalisme est une arme indispensable, même si l'on ne peut pas toujours rire de tout. Répondant aux questions de Shirley Hachem (architecture, USEK) et Yara Arja (master en lettres françaises, USJ), Ziyad Makhoul s'est penché sur le futur du journalisme et le changement. « Je n'ai pas la prétention de dire que mes articles changeront le pays. Les articles à la Émile Zola qui changent le cours d'une nation, ça n'existe plus. Aujourd'hui, chacun contribue comme il peut, et c'est difficile. Depuis 2005, par exemple, le pays stagne ; on écrit la même chose et c'est de plus en difficile de trouver du neuf. Quant à l'avenir des journaux, je pense qu'on assistera bientôt à une véritable invasion du web, mais que le papier et son odeur existeront toujours. Les gens ont besoin d'odorat. »

Le débat a enfin été une opportunité pour présenter une nouvelle fois le concours des 90 ans de L'Orient-Le Jour, adressé aux étudiants universitaires, appelés à imaginer le Liban de 2050 dans un article. « En venant ici, a raconté Ziyad Makhoul, j'ai pensé à tout ce qui nous sépare. Beaucoup de choses nous divisent, et cela peut parfois contribuer à notre richesse en créant ces clashs positifs dont j'ai parlé. Mais qu'est-ce qui nous rassemble ? Un passeport ? Un drapeau ? Une langue ? Pas vraiment. Mais bien le fait que nous sommes tous fous amoureux de ce pays, et c'est sur ce point-là que nous pouvons bâtir. » Et d'ajouter : « Les générations passées ont montré qu'elles aimaient ce pays en se faisant la guerre, mais je pense que vous ne ferez jamais ca, vous ferez différemment. Et ce concours est un moyen d'exprimer cet attachement, une véritable arme de construction massive, car il révélera une volonté de rester. En racontant ce pays, en l'imaginant, vous allez ouvrir un champ de possibles et donner de vous-mêmes pour le Liban. »

Pour plus d'infos sur le concours :
http ://www.auf.org/evenements/concours-de-lorient-le-jour-imaginez-le-liban-de-2/

 

C'est dans une ambiance très cool qui ne ressemble qu'à lui que notre collaborateur à L'Orient-Le Jour et professeur à l'Académie libanaise des beaux-arts, Ziyad Makhoul, a dirigé jeudi soir le débat avec des étudiants francophones, venant d'un peu partout du Liban, au Campus de l'innovation et du sport à l'Université Saint-Joseph. En révélant au début de la rencontre avoir choisi...

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