« Qu'attendent le chef de l'État et le Premier ministre désigné pour aller de l'avant et former un gouvernement neutre ? » C'est la question qui revient sur les lèvres de nombreux Libanais indignés par le jeu auquel se prête le chef du Courant patriotique libre, qui affirme qu'en bloquant la formation d'un gouvernement de coalition, il rend service aux chrétiens.
M. Aoun, qui multiplie les manœuvres dilatoires, a affirmé dimanche aux journalistes désireux de connaître sa position ultime à l'égard du gouvernement qu'ils devront attendre aujourd'hui pour en avoir le cœur net. Mais personne ne se fait plus d'illusion sur un possible assouplissement de ses positions.
En fait, l'hostilité de plus en plus prononcée entre le chef de l'État et M. Aoun est l'actualité du moment. La confrontation éclate désormais aux yeux de tous, comme le prouve la présence massive du CPL à Bkerké, dimanche, à l'heure où le chef de l'État se trouvait à Gemmayzé.
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Aux antipodes de l'attitude de M. Aoun, le chef de l'État, Michel Sleiman, a redit hier à l'adresse de ce dernier qu'il « ne sert à rien de gagner un portefeuille ministériel, si l'on en vient à perdre le Liban », une formule qu'il avait déjà utilisée en public dimanche, à l'occasion de la messe marquant la fête de saint Maron.
L'allusion au portefeuille de l'Énergie, que brigue Gebran Bassil au nom du CPL, au mépris d'une règle concernant la rotation de tous les portefeuilles ministériels que souhaite respecter M. Salam, est parfaitement claire.
Mais ce que bloque ou retarde le CPL, assurent des sources diplomatiques à l'égard du Liban, ce n'est pas seulement la formation d'un nouveau gouvernement, mais un rapprochement entre les deux communautés sunnite et chiite, bloquées (au Liban du moins) dans un rapport d'hostilité qui dure depuis 2005, et l'apaisement qui pourrait en résulter sur le plan interne et peut-être même sur le plan régional.
Et les sources de s'étonner du refus de certains de comprendre qu'un tel apaisement est bien plus dans l'intérêt supérieur du Liban que tout avantage provenant d'un portefeuille ministériel. « Pour récolter, il faut d'abord semer », assurent en substance ces sources.
Sur un autre plan, dans un Tweet publié hier, le président Sleiman réaffirme la nécessité d'agir de manière à ce que l'armée soit « la seule force » face à Israël, ce que les observateurs ont considéré comme un pas de plus dans sa rhétorique étatiste anti-Hezbollah, et un signe de nervosité auquel il n'avait pas habitué l'opinion.
M. Sleiman a même été jusqu'à parler de « la honte » qu'il y a, aux yeux de la communauté internationale, à ne pouvoir former un gouvernement après dix mois d'efforts. Il le fait à l'heure où cette communauté multiplie les appels en faveur de la formation de ce gouvernement si longtemps attendu, et où les conséquences économiques et sociales de ce blocage ont commencé à être dramatiques.
C'est en effet Nagib Mikati lui-même qui a parlé d'une baisse du niveau des salaires et d'une inquiétante montée du chômage dans les couches les plus vulnérables de la population, celle où se recrute la main-d'œuvre non qualifiée désormais concurrencée par une main-d'œuvre envahissante venue de Syrie.
Par ailleurs, il suffit d'un bref sondage dans les milieux économiques pour comprendre que beaucoup de PME songent à mettre la clé sous la porte, ou à s'expatrier.
En tout état de cause, la tension qui va crescendo à mesure que les reports se répètent donne raison à ceux qui, comme Samir Geagea, ont fait preuve de scepticisme à l'égard de tout rapprochement verbal avec le Hezbollah et son satellite maronite, tant qu'aucun changement ne se manifeste sur le terrain syrien.
Pour sa part, le siège patriarcal maronite assiste comme tous les Libanais à la joute opposant Michel Aoun d'une part, Tammam Salam et le président Sleiman de l'autre. Le siège patriarcal a pris soin de ne pas prendre parti dans la controverse, prenant acte de la représentativité de Michel Aoun et de son bloc, mais affichant clairement sa préférence pour la « neutralité positive » du 14 Mars qui mettrait le Liban à l'abri de la lutte des axes régionaux.
Le patriarche devrait prendre contact une dernière fois avec le président Sleiman avant son départ, aujourd'hui, pour Rome, où il assistera notamment à l'installation d'un certain nombre de nouveaux cardinaux, et participera aux travaux des commissions pontificales dont il est membre. Le patriarche rencontrera en outre le pape, à qui il présentera le mémoire national qu'il vient de rendre public.
Pour sa part, le 8 Mars multiplie les mises en garde contre la formation d'un gouvernement de facto, dans un jeu d'intimidation dont le Hezbollah a le secret.
Dans les milieux du 14 Mars, on en est de plus en plus convaincus : le 8 Mars fait semblant de vouloir la formation d'un gouvernement de coalition, mais suit sur ce plan la tactique adoptée lors de l'élaboration d'une nouvelle loi électorale, au printemps dernier. Les manœuvres dilatoires s'étaient multipliées jusqu'à l'expiration du mandat de la Chambre, date à laquelle la prorogation de son mandat devenait inévitable. Dans la situation actuelle, ces manœuvres doivent se poursuivre jusqu'à ce que le mandat présidentiel ait expiré, date à laquelle le gouvernement actuel, fut-il démissionnaire, héritera des prérogatives présidentielles, conformément à la Constitution.
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LE LIBAN RESSEMBLE À UNE PROIE FAÇILE ENTOURÉE PAR DES LOUPS AFFAMÉS DONT UN EST ENRAGÉ. SLEIMAN ET SALAM QUI SONT PAS DES CRACKS DANS LA MATIÈRE, ESSAYENT PLUS AU MOINS AVEC LES MOYENS DE BORD MALGRÉ LEUR IGNORANCE EN POLITIQUE DE SAUVER CE QUI RESTE DU PAYS. LE BLOC BERRY, LE BLOC DU FUTUR, LE BLOC AOUN, LE BLOC NASRALLAH, LE BLOC JOUMBLATT, LE BLOC MURR, LE BLOC DE ZAHLÉ, LE BLOC DE GEAGEA, LE BLOC DE FRANGIÉ, LE BLOC DE FARAON, LE BLOC DE GEMAYEL, LE BLOC ARMÉNIEN DE OGHASABIAN, LE BLOC ARMÉNIEN TACHNAG, LE BLOC MIKATI, LE BLOC BAAS, LE BLOC DU PSNS DE HARDANE, LE BLOC DE JAMAA ISLAMIYA. ÇA MÉRITE D'ÊTRE DANS LE LIVRE DE GUINNESS TOUS CES BLOCS QUI BLOQUENT LE PAYS.
15 h 54, le 11 février 2014