Des voitures calcinées devant les locaux de Renault Dacia à Nouméa, le 17 mai 2024. DELPHINE MAYEUR/AFP
La justice française a ouvert une enquête vendredi sur les « commanditaires » des émeutes qui secouent depuis lundi la Nouvelle-Calédonie, archipel du Pacifique sud soumis à l'état d'urgence où les pénuries causées par les violences suscitent une inquiétude grandissante.
Après s'être félicités d'une nuit de jeudi à vendredi « plus calme », les autorités espèrent que l'état d'urgence en vigueur depuis jeudi va continuer à faire reculer les violences, qui ont débuté lundi après une mobilisation contre une réforme électorale contestée par les représentants du peuple autochtone kanak.
Depuis, la crise qui frappe ce territoire colonisé par la France au XIXe siècle a fait cinq morts, dont deux gendarmes, et des centaines de blessés au cours de violentes nuit d'émeutes. En réponse, le gouvernement a envoyé des renforts policiers, interdit TikTok --réseau social prisé des émeutiers--, et déployé des militaires. Actuellement, 600 soldats se trouvent sur place, a appris l'AFP de source militaire.
En dépit d'une certaine accalmie, trois quartiers défavorisés de Nouméa, la plus grande agglomération du territoire, restaient aux mains de « centaines d'émeutiers », selon le représentant de l'Etat français dans l'archipel, Louis Le Franc.
Strict minimum
Pour l'essentiel de la population de Nouméa, la priorité allait vendredi au ravitaillement, alors que les pillages et destructions des magasins ont provoqué des pénuries. Devant les rares magasins encore ouverts, les files d'attente ne cessent de s'allonger.
« Cela fait plus de trois heures qu'on est là », soupirait Kenzo, 17 ans, en quête de riz et de pâtes.
Selon la Chambre de commerce et d'industrie de Nouvelle-Calédonie, les violences ont « anéanti » 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale de la ville.
Le haut-commissaire a promis la mobilisation de l'Etat pour « organiser l'acheminement des produits de première nécessité » et un « pont aérien » entre la métropole et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.
De son côté, un responsable de l'hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s'est alarmé de la dégradation de la situation sanitaire. « Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d'accessibilité aux soins », en raison notamment de barrages érigés dans la ville, a-t-il avancé sur la radio France Info.
Face à la « gravité » de la situation et afin « de répondre aux besoins sanitaires de la population », l'Etablissement français du sang (EFS) a annoncé vendredi l'envoi de produits sanguins.
« Grande fermeté »
Pour tenter de rétablir l'ordre, une nouvelle vague de renforts de policiers et de gendarmes est arrivée de l'Hexagone dans la nuit de jeudi à vendredi, sur le millier annoncé par le gouvernement jeudi pour venir épauler les 1.700 déjà sur place.
A Paris, le ministre de la Justice a demandé au parquet « la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions ». Eric Dupond-Moretti a aussi indiqué qu'il envisageait de transférer les « criminels » arrêtés sur le « Caillou » en métropole « pour ne pas qu'il y ait de contaminations (...) des esprits les plus fragiles ».
Parallèlement, la justice française a ouvert une enquête sur « les commanditaires » des émeutes, ciblant notamment le collectif CCAT, frange la plus radicale des indépendantistes, déjà mis en cause par le gouvernement.
« J'ai décidé d'ouvrir une enquête visant notamment des faits susceptibles de concerner des commanditaires », parmi lesquels « certains membres de la CCAT », a déclaré le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupras, pointant « ceux qui ont instrumentalisé certains jeunes dans une spirale de radicalisation violente ». Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet.
Jeudi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin avait qualifié le CCAT d'organisation « mafieuse ».
Vendredi, ce collectif a demandé « un temps d'apaisement pour enrayer l'escalade de la violence ». Sur la radio RFI, un de ses membres, Rock Haocas, a assuré que son organisation « n'a pas appelé à la violence », attribuant ces émeutes à une « population majoritairement kanak marginalisée ».
Sur le front politique, après l'annulation d'une visioconférence avec tous les élus calédoniens jeudi, le président de la République Emmanuel Macron a commencé vendredi à avoir des échanges avec certains d'entre eux mais l'Elysée a refusé d'en dire plus.
Présentée par son gouvernement, la réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales sur l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification risque de réduire leur poids électoral.
Paris a par ailleurs détaillé ses accusations portées contre l'Azerbaïdjan « d'ingérences » en Nouvelle-Calédonie, en évoquant une « propagation massive et coordonnée » de contenus relayés par des comptes liés à Bakou et accusant la police française de tirer sur des manifestants indépendantistes.
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