Les milieux diplomatiques occidentaux au Liban suivent avec intérêt la nouvelle approche de l'armée libanaise dans sa lutte contre les cellules d'el-Qaëda au Liban et dans son attitude ferme face aux belligérants à Tripoli. C'est comme si, soudain, un feu vert a été donné à l'armée pour assumer autant que possible la responsabilité de la stabilité du Liban, alors que pendant des mois, auparavant, le feu était plutôt au jaune et l'appui public à l'armée était marqué par le flou et l'ambiguïté, les forces politiques utilisant une sorte de double langage. Mais depuis les informations communiquées à l'armée par les renseignements américains sur la présence du chef des Brigades de Abdallah Azzam (un groupe affilié à el-Qaëda), le Saoudien Maged al-Maged, un déclic semble s'être produit. Non seulement l'Arabie saoudite a annoncé un don d'armes à l'armée d'un montant de 3 milliards de dollars, via la France (même si ce don attend toujours pour se concrétiser l'approbation du Conseil des ministres, puis celle du Parlement), mais les services de renseignements de l'armée multiplient aussi les coups de filet réussis, comme celui de cheikh Omar el-Atrache, dont les aveux seraient de la plus haute importance. Même les ulémas de la Békaa, qui avaient annoncé une escalade de leur campagne pour la relaxe d'el-Atrache, ont mis pour l'instant un bémol à leur campagne. Des sources politiques affirment qu'en réalité, l'armée détient depuis des mois des informations précises sur les activités de ces cellules et leurs ramifications, ainsi que sur leur implantation sur le territoire libanais et les filières qui permettent leur arrivée au Liban. Mais elle attendait, pour agir, un contexte favorable, ne voulant pas prendre le risque d'être attaquée et contestée. Ce qui aurait mis en cause sa crédibilité et entravé une éventuelle action dans n'importe quelle portion du territoire libanais. D'ailleurs, tout au long des derniers mois, elle avait été la cible d'attaques (sur le terrain et verbales) qui entravaient son action en créant un climat radical. C'est ainsi que même sa riposte contre cheikh Ahmad el-Assir à Saïda avait créé un malaise dans les milieux politiques, alors qu'en réalité, elle n'avait fait que réagir à une attaque préméditée et sanglante dirigée contre une de ses positions. Même chose à Ersal, où une de ses unités avait été la cible d'une attaque féroce en 2013.
Le contexte international et régional serait donc aujourd'hui plus favorable à une action ferme de l'armée, à cause d'une volonté occidentale déclarée d'éviter une dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Les milieux diplomatiques occidentaux affirment ainsi que la communauté internationale dans son ensemble souhaite éviter que le feu syrien ne s'étende au Liban et estime qu'il est urgent de permettre à l'armée d'agir parce que, avec l'implantation des groupes takfiristes au Liban, la situation y est devenue dangereuse et le pays est au bord de l'explosion, avec des institutions officielles pratiquement paralysées. D'autant que les milieux diplomatiques précités sont convaincus que si l'armée libanaise n'assume pas ses responsabilités sur le plan de la sécurité du Liban, d'autres parties locales seraient tentées de le faire à sa place. Ce qui serait de nature à modifier les rapports de force politiques et sécuritaires au Liban, dans un sens contraire à la volonté de la communauté internationale. Pour cette raison, il était impératif de donner à l'armée libanaise un élan nouveau pour lui permettre d'assumer ses fonctions nationales et sécuritaires. Au cours des derniers mois, le commandant en chef de l'armée a d'ailleurs effectué des visites importantes à l'étranger, dans une sorte de renforcement du rôle de l'institution qu'il dirige.
Si tous les intérêts, locaux, régionaux et internationaux, convergent aujourd'hui vers le fait de donner un rôle déterminant de l'armée dans la lutte contre les cellules takfiristes, il est apparu que ce rôle serait plus efficace si le Liban était doté d'un gouvernement en fonction, capable de lui assurer une couverture efficace. Or pour que cela soit le cas, le gouvernement doit être représentatif et regrouper toutes les composantes politiques libanaises. Ce serait donc pour cette raison que brusquement tout le monde est revenu à la formule des « trois huit » et que des contacts sérieux ont été enfin entrepris pour la formation d'un gouvernement politique d'union, près de dix mois après la désignation de Tammam Salam. Le problème, c'est que les différentes parties savent qu'il y a une volonté internationale de doter le Liban d'un nouveau gouvernement d'union et pour cela chacune cherche à améliorer sa part, convaincue que quelles que soient les difficultés le gouvernement finira par naître. D'ailleurs, en dépit des positions en flèche, aucune partie n'a fermé la porte des négociations. Plus même, il semble qu'une nouvelle page serait en train de s'ouvrir dans les relations entre le chef du bloc du Changement et de la Réforme et le chef du courant du Futur. Les informations sur une rencontre qui aurait eu lieu entre eux à Rome n'ont été ni confirmées ni démenties, mais la position de Saad Hariri sur le refus du général Michel Aoun du principe de la rotation des portefeuilles est assez significative et indique une approche nouvelle à l'égard du CPL. Des sources proches du 8 Mars estiment que tous ces éléments, mis bout à bout, montrent que le Liban serait en train de se préparer à un nouveau compromis entre ses composantes, avec un parrainage régional et international. Les éléments se mettent toutefois en place lentement, car le Liban est de plus en plus perméable aux développements en Syrie. Or la crise syrienne n'est pas près d'être résolue. De l'avis de tous les protagonistes, la conférence de Genève 2 est un long processus qui a besoin de temps pour mûrir. Mais le Liban, lui, ne peut plus attendre...
Belle analyse Scarlett! Esperons qu'un gouvernement se formera tres prochainement car la presence des jihadistes au Liban est devenue tres dangereuse...
18 h 03, le 01 février 2014