Un œil sur La Haye et l'autre sur Genève, les Libanais ont pansé hier les blessures de l'explosion de la veille, en se demandant où et quand aura lieu la prochaine. L'armée libanaise a beau réagir à la vitesse de l'éclair et parvenir à retrouver en un temps record le chemin et l'origine de la voiture qui explose, ainsi que la plupart des étapes de son parcours mortel, elle n'est pas pour autant en train de parvenir à empêcher son explosion. Ce qui montre à quel point l'environnement qui protège les kamikazes et les soutient directement ou non est devenu important, pour rester opaque à toutes les recherches menées par les services de l'État. Désormais, on ne se pose plus de questions sur la nationalité des kamikazes, ni sur leur point de départ, puisque le réseau a été identifié par les services de sécurité et il relie les localités de Yabroud et de Yankouss dans le Qalamoun à Ersal et à son jurd jusqu'au camp palestinien de Bourj Brajneh et celui de Aïn el-Héloué, en passant par Naamé et en remontant jusqu'à Tripoli. Mais même en sachant tout cela, en connaissant les relais et les fiefs en plus d'avoir une liste de voitures volées qui pourraient devenir des voitures piégées, les services de sécurité ne parviennent pas à enrayer les risques, parce que les groupes extrémistes sont bien implantés dans certaines régions et disposent d'un filet de protection.
En quelques heures, les services de sécurité ont ainsi réussi à retracer le parcours de la voiture volée à Kfarhbab (Kesrouan), qui s'est retrouvée à Yabroud pour y être piégée, avant de retourner au Liban, avec une nouvelle plaque d'immatriculation appartenant à une autre voiture volée et d'être envoyée à Haret Hreik. Les sources de sécurité précisent d'ailleurs que la voiture contenait une grande quantité d'explosifs en plus de la ceinture explosive portée par le kamikaze. Ce dernier avait planifié de faire exploser la voiture après en être sorti, pour revenir se faire sauter parmi les gens accourus au bruit de la première explosion. Il aurait ainsi causé un plus grand nombre de victimes. Mais il aurait été repéré par les forces de sécurité qui ont commencé à suivre la voiture avant de se préparer à l'appréhender. Le chauffeur aurait été alors pris de panique et il aurait fait sauter la voiture sur place. Des témoins oculaires révèlent que des parties de son corps, notamment la moitié de son visage, ont été retrouvées au neuvième étage de l'immeuble devant lequel la voiture a explosé, à cause de la puissance du souffle. Des photos ont été prises, mais elles n'ont pas été publiées dans la presse dans l'attente de son identification, qui pourrait être facilitée par ces éléments jugés très importants par les services compétents.
Mais en réalité, si beaucoup de Libanais se passionnent pour les détails de l'enquête et si ceux-ci sont effectivement utiles pour démanteler l'ensemble des cellules takfiristes ou pour paralyser leurs réseaux, l'essentiel a déjà été trouvé, à savoir la partie commanditaire (la même que pour les autres explosions, à savoir les cellules de Nosra et Daech qui circulent entre le Qalamoun en Syrie et le Liban) et le parcours général. En dépit des progrès rapides de l'enquête, les sources de sécurité libanaises continuent à demander aux citoyens d'être vigilants ajoutant qu'il est difficile de faire totalement cesser ce genre d'attentats tant que la situation régionale restera aussi complexe et tant que la crise syrienne continuera à être sans solution et à avoir des répercussions sur les pays voisins, le Liban en tête.
Des sources politiques « neutres » estiment ainsi que l'explosion de mardi à Haret Hreik montre que le Liban reste une boîte postale entre les différentes parties en conflit dans la région. Le message adressé est le suivant : Genève 2 ou pas, le conflit reste ouvert entre, d'une part, l'Arabie saoudite et ses alliés de l'opposition syrienne, et, d'autre part, l'Iran et ses alliés au Liban et en Syrie. Si les divergences sont grandes et apparaissent clairement dès le premier jour de la conférence de Genève 2 à Montreux, la bataille, elle, continue de se dérouler sur le terrain et de faire chaque jour son lot de victimes. Pour ces mêmes milieux, l'avantage de la conférence de Genève 2 est d'abord sa tenue, en dépit des nombreuses oppositions et des obstacles qui ont été maintenus jusqu'à la dernière minute, ensuite le fait que tous les protagonistes se déclarent favorables à une solution politique. C'est à peu près le seul point sur lequel les participants sont d'accord. La délégation du régime syrien apparaît en position de force, surtout qu'au début, l'opposition syrienne et une partie de la communauté internationale ne voulaient absolument pas de sa participation, et la délégation de l'opposition est affaiblie, non seulement par ses propres divisions et par son manque de représentativité réelle sur le terrain, mais aussi à cause des revers subis par ces derniers et des combats internes qui la minent. Mais tant la délégation américaine que celles de l'Arabie saoudite et de la France, notamment, tentent de rétablir l'équilibre en faveur de l'opposition. Le bras de fer se poursuit, les combats aussi, et il serait donc illusoire de croire que le seul fait de la tenue de cette conférence pourrait arrêter le bain de sang en Syrie... et ses conséquences au Liban.
BIZARRE COINCIDENCE QUE CELLE DES VOITURES VOLÉES PAR DES GENS DE DAHIÉ... QUI VONT EN SYRIE... PUIS VIENNENT EXPLOSER À DAHIÉ MÊME ! FAUDRAIT-IL PAS LE MENTIONNER DANS L'ARTICLE ?
21 h 50, le 23 janvier 2014