La Garde républicaine congolaise détourne la circulation de la scène d'une tentative de coup d'État à Kinshasa, le 19 mai 2024. AFP / ARSENE MPIANA
Au lendemain de la tentative de coup d'Etat que l'armée de la République démocratique du Congo dit avoir déjouée, les habitants de Kinshasa s'interrogent sur les intentions des présumés putschistes et la facilité avec laquelle ils ont pu accéder au cœur du pouvoir.
Pourquoi ont-ils attaqué le domicile d'un ministre? Puis investi le palais de la Nation, un bâtiment vide la nuit, plutôt que la télévision nationale par exemple? Y'a-t-il eu des complicités, en plus d'une défaillance des services de renseignement? Que voulaient ces hommes exactement, cinq mois après la réélection du président Félix Tshisekedi, à la tête depuis 2019 de ce vaste pays d'Afrique centrale, au sous-sol très riche mais à la population majoritairement pauvre?
"Félix est tombé... Nous sommes vainqueurs", avait lancé tôt dimanche matin à l'intérieur du palais de la Nation le chef présumé des putschistes, Christian Malanga, un "Congolais naturalisé américain" selon les autorités, avant d'être abattu par les forces de sécurité qui ont mis fin à son aventure.
Sur la vidéo qu'ils ont eux-mêmes postée sur les réseaux sociaux, les assaillants posaient devant un drapeau du Zaïre, nom de la RDC du temps de Mobutu Sese Seko, le dictateur renversé en 1997. "Vive le Zaïre, vive les enfants de Mobutu", criait aussi Malanga, un ancien militaire de 41 ans qui s'était lancé dans les affaires et la politique, fondateur d'un petit parti de la diaspora.
Avant le palais de la Nation, bâtiment historique abritant des bureaux de la présidence, situé au bord du fleuve Congo dans la commune huppée de la Gombe, les assaillants avaient attaqué non loin de là le domicile du ministre de l'Economie Vital Kamerhe, figure de la politique congolaise choisi par la coalition au pouvoir pour devenir président de l'Assemblée nationale. Le ministre et sa famille n'ont pas été touchés, mais deux policiers affectés à leur protection ont été tués.
Cette attaque "visait à assassiner" M. Kamerhe, affirme lundi son entourage, en montrant aux journalistes les impacts de balles sur les véhicules et les murs de la résidence et les vitres brisées, qui attestent de la violence de l'assaut.
"La vie est très dure"
Selon le porte-parole de l'armée, le général Sylvain Ekenge, les auteurs de ce "coup d'Etat étouffé dans l’œuf" étaient une cinquantaine au total, dont plusieurs Américains - Malanga, son fils et "deux Blancs" - et un Congolais "naturalisé britannique". Environ 40 ont été arrêtés et quatre tués.
Nombre de Congolais restaient lundi très sceptiques face à ces informations officielles. "Je n'ai pas peur, car j'ai déjà vu plus que cette blague!", déclare à l'AFP Maman Ndosi, vendeuse de pain et d'avocats, assise devant sa marchandise dans la commune de la Gombe, où les activités ont repris normalement lundi matin. "Que les politiciens arrêtent de nous distraire, la vie est déjà très dure dans ce pays", ajoute cette mère de famille. "Ils tentent de détourner notre attention des problèmes sociaux et de sécurité", juge Joël, fonctionnaire. "Je ne pense pas qu'en plein centre ville de la capitale, des assaillants puissent prendre d'assaut la maison d'un ministre ou le palais de la Nation sans que les autorités ne soient informées", lâche-t-il.
Après l'Union africaine dimanche soir, la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) a condamné lundi "avec force" cette "tentative de coup d'Etat" où, a-t-elle indiqué dans un communiqué, "des hommes armés ont entrepris d'attaquer les domiciles de membres du gouvernement et celui du président Félix Tshisekedi". Le porte-parole de l'armée de RDC a fait état dimanche soir du projet - non abouti - des putschistes d'attaquer les résidences d'autres membres du gouvernement, mais n'a pas évoqué celle du chef de l'Etat.
Ces événements ont lieu alors que des tiraillements politiques retardent la mise en place du gouvernement et que le pays est confronté dans sa partie est à une grave crise sécuritaire, une rébellion (le M23), soutenue par le Rwanda, occupant de vastes pans de la province du Nord-Kivu.
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