Femme, noire, caractère trempé, convictions de gauche affirmées... La ministre française de la Justice Christiane Taubira a attiré sur sa personne le déchaînement de la droite et des dérapages racistes qui ont provoqué une riposte de la gauche et d'associations appelant à un sursaut républicain.
L'hostilité qui accompagne depuis longtemps cette femme politique expérimentée de 61 ans, née en Guyane de descendants d'esclaves, est encore montée d'un cran avec le combat qu'elle a mené devant le Parlement pour ouvrir le mariage aux homosexuels, alors que les opposants à cette loi votée au printemps ne désarment toujours pas.
"J'encaisse le choc, mais c'est violent pour mes enfants, pour mes proches...", a confié la ministre, en commentant mercredi au journal de France 2 la Une de l'hebdomadaire d'extrême droite Minute qui la comparait à un singe. Elle a martelé sa détermination à se battre pour ses valeurs, face à ceux qui "prétendent l'expulser de la famille humaine".
Quelques semaines plus tôt, Christiane Taubira avait déjà été comparée à une guenon par une candidate Front national (extrême-droite) aux municipales (exclue depuis par son parti) et par une fillette manifestant avec ses parents contre le mariage gay.
"France, ressaisis-toi"
Face à ces attaques, condamnées par le Haut-Commissariat des droits de l'homme de l'ONU, la gauche et les associations antiracistes ont sonné la mobilisation, avec une multiplication d'à des rassemblements plus ou moins concurrents lancés par le Parti socialiste, des associations, syndicats ou encore des citoyens républicains.
La ministre de la Justice s'était émue la semaine dernière de la tiédeur des réactions, qu'elle avait jugée "pas à la mesure" de la gravité des événements.
Depuis, les messages de soutien abondent, tout comme les tribunes de personnalités. De même, les pétitions fleurissent: "France, ressaisis-toi", "Nous sommes tous des Christiane Taubira", "Combien de bananes faudra-t-il ?" ...
"Au-delà de sa personne, de sa couleur de peau, d'être une femme, elle a été attaquée par la droite et l'ultradroite parce qu'elle a porté deux lois qui, pour certains nationalistes, sont considérées comme antifrançaises: celle sur le mariage pour tous, parce qu'elle a ouvert la citoyenneté pleine et entière aux homos, et celle de 2001 sur l'esclavage assimilée à de la repentance", décrypte l'historien Pascal Blanchard.
Christiane Taubira, alors députée, a donné son nom à la loi française qui reconnaît comme crimes contre l'humanité la traite négrière et l'esclavage.
En 2002, elle a été candidate à l'élection présidentielle pour le petit parti radical de gauche et obtient 2,32% des voix. Certains l'accuseront d'avoir contribué à l'échec du socialiste Lionel Jospin face à Jacques Chirac et au candidat d'extrême-droite Jean-Marie Le Pen.
"Symbole fort de la réussite"
Mais depuis que François Hollande l'a nommée ministre de la Justice, la droite en fait sa cible privilégiée. La réforme pénale qu'elle a engagée avec la suppression des peines plancher et l'instauration d'une peine de probation a attiré sur elle les accusations de "laxisme".
Un député du parti de droite UMP avait déclaré après sa nomination que "la composition du gouvernement lui donnait mal à la France". Et, plus récemment, une conseillère municipale du même parti, contre laquelle une procédure d'exclusion a été engagée, a posté sur son profil Facebook une image de Mme Taubira pastichant un slogan publicitaire pour la boisson chocolatée Banania, porteur de clichés racistes.
"On frappe un symbole fort de la réussite, un exemple pour de nombreux Noirs", estime Kenneth Freliho, avocat du Conseil représentatif des associations noires (Cran).
"Femme, noire, pauvre, quel fabuleux capital! Tous les défis à relever", proclamait crânement Christiane Taubira dans son livre "Mes Météores", publié l'an dernier.
Pasionaria de l'Outre-mer où elle défendit dans sa jeunesse des thèses indépendantistes, Mme Taubira, diplômée en sociologie et en ethnologie afro-américaine est aussi un porte-drapeau pour la communauté noire.
Et 18 mois après l'accession au pouvoir de François Hollande et du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, elle devient peu à peu le symbole d'une politique de gauche assumée alors que l'exécutif bat des records d'impopularité.
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commentaires (6)
PAUVRE FAMILLE TAUBIRA.....
Antoine-Serge KARAMAOUN
17 h 53, le 16 novembre 2013