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À La Une - Le point

À la recherche d’un second souffle

Depuis l’arrestation de Mohammad Morsi et la rafle dans les rangs des Frères musulmans, Bassem Ouda se terrait dans une savonnerie de Wadi el-Natroun, une localité du gouvernorat de Beheira. C’est là qu’il vient d’être cueilli par la police. Cet ancien ministre de l’Approvisionnement et du Commerce extérieur était recherché pour incitation à la violence, une accusation qu’il partage avec treize autres dirigeants de la confrérie qui l’avaient précédé dans les geôles du nouveau régime. Leurs partisans, ouvriers, étudiants, activistes de la cause islamiste, continuent, eux, d’être harcelés par les forces de l’ordre pour peu qu’ils fassent mine de manifester en signe de soutien au président déchu.


Ainsi va l’Égypte aujourd’hui, entre chasse aux sorcières, combat contre les turbulents Bédouins du Sinaï et tentatives de relance d’une économie frappée d’anémie pernicieuse depuis la chute du dictateur. L’opinion publique, aussi bien locale qu’internationale, a renoncé depuis un long moment à croire que les généraux, en dégommant un homme trop pressé de partager avec ses concitoyens les idéaux de ses maîtres à penser Hassan el-Banna et Sayyed Qotb, ont fait œuvre de salubrité publique. Disons plutôt qu’ils étaient pressés eux aussi de retrouver leurs prérogatives de l’ère Moubarak et de s’assurer qu’il ne sera pas touché à une économie parallèle, la leur, qui se chiffre en dizaines de milliards de dollars.
L’éphémère successeur de Hosni Moubarak, fatigué de méditer sur l’ingratitude de son bon peuple, vient de passer à la contre-attaque après avoir tenu tête à ses juges en leur assénant comme pour se convaincre lui-même : « Je suis le président de la République démocratiquement élu. » Coup sur coup il a fait savoir hier par la voix de son avocat qu’il allait poursuivre les auteurs du « crime » commis contre son auguste personne, coupables de l’avoir « kidnappé » de son palais. À croire que l’ombre est nuisible à la clarté du jugement.


Si l’on veut admettre, ce qui est le cas, que tout cela est billevesées et calembredaines, il reste deux graves problèmes auxquels Abdel Fattah el-Sissi et ses compagnons se trouvent confrontés ces jours-ci : le Sinaï, l’économie – le Sinaï est pire, si l’on veut paraphraser Victor Hugo.


Dans une péninsule de 60 000 kilomètres carrés dominée par le mont Sainte-Catherine et le Gabal Moussa vivent quelque 40 000 habitants, principalement des tribus dont les chefs ont fait le serment, il y a peu, de transformer la région en émirat islamique indépendant. Les services de renseignements égyptiens ne semblent pas particulièrement impressionnés par cette soudaine conversion. Ils savent que la floraison des Takfir wal-Hegra, Ansar el-Charia et autres al-Tawhid wal Guihad a commencé avec l’émergence de Mohammad el-Zawahiri, frère du chef d’el-Qaëda, Ayman el-Zawahiri, gracié ainsi que des centaines d’islamistes par Morsi. Fervent partisan depuis d’un salafisme pur et dur, l’homme se bat aujourd’hui pour l’établissement d’un État basé sur la charia, avoue ne pas croire aux vertus de la vox populi mais n’en défend pas moins « un président élu le plus démocratiquement du monde ».


Depuis la chute du nouveau raïs, le Nord-Sinaï, est une zone de guerre où pas un jour ne passe sans qu’une attaque soit perpétrée contre les forces de l’ordre. Sont mis en œuvre missiles Grad, RPG, mortiers et même (contre les hélicoptères) canons de DCA. Les Bédouins laissent faire mais il est clair qu’ils ne voient pas d’un très bon œil une guerre qui nuit à leurs sources de revenus, constituées de trafics en tout genre jadis tolérés par le régime.


Le gouvernement se préoccupe pour sa part de trouver les moyens de faire redémarrer une machine économique gravement grippée. La croissance, qui avait atteint un impressionnant rythme de croisière de 7 pour cent par an jusqu’à la crise mondiale de 2008, traîne les pieds depuis, plus particulièrement au lendemain de 2011, quand elle est tombée à 2,5 pour cent puis à 2,2 pour cent au premier trimestre de l’année en cours. Et il y a fort à parier que la descente aux enfers se poursuivra d’ici à la fin de l’année en cours une fois qu’achèveront de s’évaporer les effets des injections effectuées par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Déjà les réserves en devises ont été amputées de plus d’une vingtaine de milliards tandis que s’accroissait l’endettement à l’égard des compagnies pétrolières, notamment pour financer la subvention des produits de première nécessité dont dépendent 80 pour cent des Égyptiens.
Il serait commode, dans un ou six mois, de compter sur l’aide de la providence pour initier un mouvement de redressement, à condition que celle-ci reconnaisse les siens. Une mission difficile mais peut-être pas impossible.

 

 

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