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À La Une - L’éclairage

L’importance de l’enjeu retarde la formation du gouvernement

Le Premier ministre désigné Tammam Salam, ici en compagnie de l’ancien ministre Tony Karam (FL), qu’il a reçu hier à son domicile de Mousseitbé. Photo Dalati et Nohra

Qu’est-ce qui fait obstacle à la formation d’un gouvernement à une heure si cruciale dans la vie du Liban ? Eh bien, justement, c’est le caractère historique de cette phase qui joue contre la formation d’un gouvernement. Car cette échéance n’est pas isolée d’un contexte politique plus large tout à fait déterminant. Qui dit nouveau gouvernement dit en effet, par la même occasion, élection présidentielle (au printemps prochain), nouvelle loi électorale et élections législatives, nouveau gouvernement et nouvelle déclaration ministérielle, nominations de nouveaux responsables aux postes de sécurité et, enfin, détermination de la politique étrangère du Liban, et, en un sens, de ses orientations politiques profondes, sachant qu’une majorité de personne se prononce en faveur de la déclaration de Baabda et de la neutralité du pays.


En somme, c’est de l’avenir du pays qu’il est question, et l’on comprend qu’aucun des deux grands camps en présence ne veuille céder à l’autre l’honneur de faire entrer le Liban dans son âge adulte. À moins, évidemment, qu’une « formule magique » ne vienne faciliter les choses. La baguette serait, en l’occurrence, un rapprochement saoudo-iranien qui se produirait en octobre, avec une rencontre prévue entre le président iranien et le monarque wahhabite en marge du pèlerinage d’al’Adha.


Entre-temps, il ne faut pas trop s’attendre à un quelconque déblocage, même si le président de la Chambre paraît y travailler de toutes ses forces. Les positions du 8 et du 14 Mars sont en effet trop contrastées, aussi bien au niveau de la forme que doit prendre le gouvernement, que sur le fond.
Sur le plan de la forme, le 14 Mars mise sur une formule égalitaire qui donnerait huit ministres à chacun des trois camps en présence, le 14 et le 8 Mars, d’un côté, la mouvance centriste, de l’autre (chef de l’État, Premier ministre et Walid Joumblatt). Mais cette formule est catégoriquement rejetée par le Hezbollah et le CPL, qui défendent, eux, une formule dans laquelle les deux camps en présence disposeraient du tiers de blocage (9 ministres), le camp présidentiel obtenant, lui, 6 ministres.
En outre, le 8 Mars rejette l’idée d’une dépolitisation des portefeuilles ministériels, de sorte qu’ils ne soient plus attribués invariablement au même camp ou, encore, à la même communauté.
Ainsi, le CPL se défend bec et ongles contre la volonté de Tammam Salam d’attribuer le ministère de l’Énergie et de l’Eau à un autre ministre que Gebran, Bassil, pour ne pas compromettre ce que Michel Aoun considère comme « les réalisations » de M. Bassil dans ce domaine.

 

(Lire aussi: Le Hezbollah s’entête : un cabinet en fonction du poids politique de chacun)


Sur le fond, les positions des camps en présence sont tout aussi contrastées, l’enjeu étant rien moins que le positionnement du Liban dans l’axe syro-iranien, comme le souhaite le 8 Mars, ou l’option d’une « distanciation » du Liban à l’égard de tous les axes régionaux, conformément à ce qui a été convenu dans la déclaration de Baabda.
Plus radicalement, c’est la question de la souveraineté de l’État qui se pose et de l’autonomie militaire de la résistance par rapport à l’armée libanaise, le Hezbollah défendant le principe de cette autonomie, alors que le 14 Mars et les centristes la tiennent pour une hérésie constitutionnelle.


Par ailleurs, avec la crise provoquée par l’utilisation des armes chimiques par le régime syrien et ce qui a été interprété comme « un recul » américain, un nouveau facteur semble s’être introduit dans le jeu politique interne.
En effet, ce développement a été interprété comme « une reculade » américaine et a provoqué un durcissement des exigences du Hezbollah et de son allié chrétien. Pour être sûr de son jeu, le parti pro-iranien s’est empressé dernièrement de courtiser à, nouveau, assez servilement, le général Michel Aoun après le froid qui s’était installé entre les deux formations en raison de leurs divergences au sujet de la prorogation du mandat de la Chambre et de la reconduction du mandat du commandant de l’armée. L’empressement du Hezbollah était d’autant plus visible que le chef du CPL avait dernièrement effectué une ouverture en direction de l’Arabie saoudite, allant jusqu’à appeler Saad Hariri à rentrer au pays et à tourner la page du passé.
Il n’est pas exclu que cette ouverture contribuera à détendre l’atmosphère au cas où un rapprochement américano-iranien puis saoudo-iranien se produirait dans les quelques semaines qui viennent, contribuant ainsi à stabiliser le pays, en dépit de la guerre en Syrie et de ses inévitables répercussions au Liban. 


Du reste, il n’est pas sûr que l’initiative diplomatique russe ait été une « victoire » du camp des « durs », et il est fort possible qu’à long terme, la mise sous séquestre des armes chimiques de Damas se révèle être une étape dans la mutation du régime syrien et dans l’affaiblissement de l’emprise de la Syrie sur le Liban. Enfin une bonne nouvelle en perspective !

 

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