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À La Une - Éclairage

Septembre, mois des négociations

Imaginons un instant que le rapport de la commission de l’ONU ait été publié avant la conclusion de l’accord russo-américain sur les armes chimiques en Syrie. Le président américain Barack Obama aurait été alors contraint d’intervenir militairement puisqu’il avait lui-même annoncé que l’utilisation d’armes chimiques était pour lui une ligne rouge. Et avec la rapidité avec laquelle les Occidentaux ont interprété le rapport comme une condamnation indirecte du régime syrien, il n’aurait pas eu d’autre choix que de s’exécuter pour préserver sa propre crédibilité. Mais – coïncidence ou pas – les choses ne se sont pas passées ainsi et le rapport a été publié après la conclusion de l’accord... Cet accord qui constitue aujourd’hui le sujet le plus important des analyses et des supputations, chaque camp l’expliquant à sa manière et selon sa convenance. Comme tous les compromis, il est suffisamment flou pour prêter à diverses interprétations et permettre à chaque camp de se considérer vainqueur.

 

(Repère : Les principaux points du rapport de l'ONU sur les armes chimiques)


Pourtant, selon une source diplomatique, il a bien failli ne pas voir le jour. Jeudi soir, lorsque le secrétaire d’État américain et le ministre russe des Affaires étrangères se sont retrouvés pour dîner à l’hôtel à Genève, le menu composé de poisson et de salade était peut-être léger, mais l’atmosphère, elle, était bien plus lourde. D’après la source diplomatique précitée, les deux hommes étaient très tendus et le ministre russe avait annoncé son intention de partir au plus tôt, alors que le secrétaire d’État, lui, proposait de rester sur place le temps qu’il faudra pour parvenir à une entente. Ce ne serait donc que bien plus tard, autour de la piscine de l’hôtel, que la détente serait survenue, par le biais d’un projet écrit présenté par les Américains, qui a été discuté puis modifié dans certains de ses points par les Russes. L’équation qui en a été issue est la suivante : les Russes se considèrent satisfaits parce qu’ils ont réussi à empêcher les frappes militaires contre la Syrie, alors que le président syrien Bachar el-Assad est encore en place et qu’il est considéré comme un interlocuteur aux futures négociations. De leur côté, les Américains se considèrent aussi satisfaits parce que le président syrien a cédé aux menaces de frappes militaires et que l’arsenal chimique du régime est pratiquement neutralisé et placé sous contrôle international. Certes, dans la région, nombreux sont ceux qui sont mécontents de cet accord, en particulier Israël qui a fait savoir au secrétaire d’État américain dimanche qu’il espérait que la prochaine cible serait l’Iran et ses installations nucléaires.


Mais, en dépit des menaces qui continuent à être brandies, la source diplomatique précitée estime que les frappes militaires ne sont plus de mise. Elle rappelle que si l’intention des « deux grands » n’était pas de parvenir à un accord, les Russes auraient par exemple soulevé le fait que la commission d’enquête occidentale n’est formée que de représentants de pays occidentaux. De plus, cette commission était censée envoyer ses prélèvements à six laboratoires différents, or elle n’en a envoyé qu’à deux, situés en Europe. C’est dire que si la tendance était à « pinailler », il y aurait eu matière pour cela. Mais, au contraire, Russes et Américains ont semblé occulter ces questions, au point que la source diplomatique en poste au Liban estime que l’accord sur les armes chimiques pourrait bien être le prélude à une entente globale, dont la Syrie ne serait qu’un chapitre.

 

(Lire aussi : L’Occident et la Russie de nouveau à couteaux tirés)


John Kerry et Serguei Lavrov se sont donné un nouveau rendez-vous le 28 septembre à New York, en marge de la session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies, alors que l’émissaire de l’ONU en Syrie, l’ambassadeur Lakhdar Ibrahimi, prévoit une possible organisation de la conférence de Genève 2 en octobre. En même temps, le ministre russe des Affaires étrangères a annoncé la couleur, précisant que si le régime syrien n’exécute pas les dispositions de l’accord, des sanctions sont prévues, mais en aucun cas il n’est question de placer la résolution du Conseil de sécurité en préparation sous le chapitre VII. Il faudra donc s’y faire. Il n’y aura pas d’intervention militaire américaine en Syrie, ni hors du Conseil de sécurité (l’OTAN a d’ailleurs accueilli favorablement l’accord), ni dans son cadre. Au moins tant que les négociations globales vont se poursuivre et peut-être même après, car des sources militaires révèlent que le lancement de deux missiles balistiques il y a deux semaines par les navires américains était un test concluant. Cette affaire mystérieuse a mis du temps à être éclaircie. Ce sont les Russes qui ont annoncé l’envoi de deux missiles face, d’abord, à un silence occidental. Ensuite, Israël a revendiqué leur lancement avant que les États-Unis le fassent à leur tour. C’est dire l’état de confusion dans lequel cette tentative a plongé les Américains, le premier missile ayant été intercepté alors que le second a été orienté pour tomber dans la mer... Cet essai a montré en tout cas l’état d’alerte dans lequel se trouve les navires russes dans la région et la détermination des alliés du régime syrien à riposter à toute attaque militaire.


Retour donc à la diplomatie qui devrait être privilégiée en ce mois de septembre, puisque la session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies sera l’occasion d’une série de rencontres, notamment entre la nouvelle équipe au pouvoir en Iran et les Occidentaux. Déjà, le ministre iranien Mohammad Jawad Zarif a annoncé qu’il aura un entretien avec son homologue britannique, entretien auquel le président Hassan Rohani a décidé de se joindre. De son côté, le président américain Barack Obama a révélé qu’il y a eu un échange de messages entre les États-Unis et l’Iran avant la conclusion de l’accord sur les armes chimiques. Le moment est peut-être propice pour entamer des discussions globales, mais le chemin vers un accord éventuel est encore long et semé d’embûches multiples, notamment en Syrie... et au Liban.

 

 

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