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À La Une - Révolte

Intense ballet diplomatique à Paris sur la crise syrienne

Paris, Londres et Washington veulent une résolution « forte et contraignante » ; Moscou s’y oppose toujours.

Le rapport des enquêteurs de l’ONU a été présenté hier par Ban Ki-moon au Conseil de sécurité. M. Ban a qualifié l’utilisation d’armes chimiques en Syrie de « crime de guerre ». Spencer Platt/Getty Images/AFP

 

Comme pour démentir ce qui a été dit et écrit sur l’isolement de la France à l’égard du dossier syrien, Paris a connu hier une intense activité diplomatique, à l’Élysée comme au Quai d’Orsay. Avec, pour acteurs, outre le président François Hollande, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, et ses homologues américain et britannique, respectivement MM. John Kerry et William Hague. Les trois ministres ont rencontré le chef de la diplomatie turque, Ahmed Davutoglu, spécialement venu à Paris pour la circonstance.


Lors d’une conférence de presse donnée au Quai d’Orsay par les trois ministres, M. Fabius a fait le point de cette journée diplomatique parisienne précisant qu’il s’agissait de s’entendre sur une « résolution forte » que les « P3 » (c’est ainsi que l’on appelle maintenant les membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité) proposeront à l’ONU dans les plus brefs délais pour assurer la saisie et la destruction de l’arsenal chimique syrien. À résolution forte mesures fortes, a expliqué M. Fabius, qui a évoqué un recours au chapitre VII de l’ONU au cas où le régime syrien se livrerait à des manœuvres dilatoires. Un recours sinon à la force du moins à des sanctions sévères contre Bachar el-Assad et son régime. Autant de pressions, a encore dit le ministre français, qui doivent obliger Damas à participer à une deuxième conférence de Genève où l’avenir de la Syrie serait négocié et une solution politique trouvée avec l’accord de toutes les parties et des grandes puissances. Une conférence qui représenterait alors une avancée importante et qui aura été rendue possible grâce à la fermeté affichée par Paris et Washington, a affirmé le chef du Quai d’Orsay qui a rappelé que priver M. Assad de son armement chimique signifiera un affaiblissement du régime.


Sur le plan politique, les trois ministres ont ébauché, tant à l’Élysée qu’au Quai d’Orsay et plus tard avec leur homologue turc, une formule de transition pour la Syrie de demain, une Syrie démocratique où toutes les composantes de la société coexisteront. Pour cela, il faudra aider l’opposition à s’unir et à se renforcer, a conclu M. Fabius.

De son côté, M. Hague a déclaré que la concertation de Paris avait également porté sur le projet russo-américain de saisir les 1 000 à 1 500 tonnes de produits chimiques afin de les détruire sous l’autorité de l’ONU. « Nous sommes déterminés à mettre fin à l’effusion de sang en Syrie », a ajouté le chef de la diplomatie britannique, précisant qu’il faudra dès à présent soutenir et renforcer le gouvernement provisoire syrien présidé par Ahmad Toameh.

 

Pour sa part, M. Kerry a rappelé qu’il y a encore une semaine, le régime syrien niait toute possession d’armes chimiques mais qu’aujourd’hui, grâce à la Russie, M. Assad fait volte-face et accepte d’adhérer à la convention internationale interdisant l’usage d’armes chimiques. Sur ce qui pourra être fait si le régime syrien ne coopérait pas, M. Kerry a affirmé qu’il faudra agir conformément au  chapitre VII de la charte de l’ONU, avec l’accord de la Russie. Mais il n’a pas précisé quelles seraient ces mesures, laissant entendre tout simplement que ce serait un recours à la force.

 

(Repère : Principaux points de l'accord russo-US sur l'élimination des armes chimiques syriennes)


L’inquiétude des chrétiens d’Orient, la procédure à suivre à l’ONU et la nature des sanctions ont été soulevées par les journalistes. Les réponses des trois ministres ont tenté de minimiser le danger qui guette les chrétiens de Syrie et des pays environnants. Ils ont rappelé qu’il ne s’agissait pas de remporter une victoire militaire écrasante sur le régime syrien, qui pourrait faire encore plus de victimes, soulignant que pour l’instant, la priorité est au vote à l’unanimité d’une résolution « forte et contraignante » à l’ONU. Aujourd’hui, M. Fabius se rendra à Moscou pour s’en entretenir avec son homologue Sergueï Lavrov.


Moscou a réagi aux déclarations faites à Paris affirmant compter sur les États-Unis pour s’en tenir au texte de l’accord conclu à Genève, et ne pas aller au-delà. « Si quelqu’un veut menacer, chercher des prétextes pour des frappes, c’est une voie qui suggère à l’opposition au régime qu’on attend d’eux de nouvelles provocations, et c’est même une voie qui peut saper définitivement la perspective de Genève 2 », a jugé M. Lavrov. Il a souligné que l’accord conclu samedi avec M. Kerry ne prévoyait pas que la future résolution encadrant le démantèlement de l’arsenal chimique syrien fasse mention du recours au chapitre VII de la charte de l’ONU. Toutefois, tout en laissant entendre que la Russie pourrait dans l’avenir soutenir un recours à la force en cas de non-respect de l’accord de Genève, M. Lavrov a prévenu que Moscou vérifierait minutieusement toutes les informations accusant le gouvernement syrien.

 

(Lire aussi : Les rebelles crient leur mépris pour Obama et la communauté internationale)

 
Pour sa part, le président américain Barack Obama a estimé que l’accord russo-américain sur la Syrie pourrait mettre fin à la menace des armes chimiques de ce pays. Dans sa première réaction en personne à cet accord, M. Obama a toutefois prévenu qu’il devait encore être appliqué : « Nous n’en sommes pas encore là. »

 

À Téhéran, le président Hassan Rohani a, lui, dénoncé « un complot » occidental favorable à Israël contre le monde arabo-musulman, qui dépasserait le conflit en Syrie.

Et l’Arabie saoudite a estimé que l’intervention internationale dans la crise syrienne ne devait pas être réduite aux seules armes chimiques.

Quant à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, elle a indiqué que le début du programme de destruction du stock d’armes chimiques en Syrie devrait être « une question de jours ».


Enfin, la Turquie a abattu hier un hélicoptère militaire syrien qui avait violé son espace aérien, a déclaré le vice-Premier ministre turc Bulent Arinc.

 

 

 

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