Washington et Paris ont estimé lundi que le rapport de l'ONU sur l'attaque chimique du mois dernier en Syrie démontrait que le régime de Bachar el-Assad en portait la responsabilité.
"Les informations dans ce rapport, indiquant que du gaz sarin a été lancé au moyen de fusées sol-sol que seul le régime possède, montre clairement qui est responsable" de cette attaque, a affirmé le porte-parole de l'exécutif américain, Jay Carney.
"Quand on regarde précisément les données, les quantités de gaz toxique utilisées, la complexité des mélanges, la nature et la trajectoire des vecteurs, tout ça ne laisse absolument aucun doute sur l'origine de l'attaque", et "renforce la position de ceux qui ont dit le régime est coupable", a réagi de son côté le chef de la diplomatie français Laurent Fabius.
(Repère : Les principaux points du rapport de l'ONU sur les armes chimiques)
Les experts de l'ONU qui ont enquêté en Syrie sur l'attaque du 21 août -qui a fait plus de 1.400 morts selon Washington-, ont trouvé des "preuves flagrantes et convaincantes" de l'utilisation de gaz sarin, selon leur rapport publié lundi.
La première page du rapport, remis dimanche au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon par le chef des inspecteurs Aake Sellström, ajoute que "des armes chimiques ont été utilisées sur une échelle relativement grande" au cours du conflit syrien "contre des civils, y compris des enfants".
Le document précise que l'attaque a été perpétrée à l'aide de "roquettes sol-sol contenant du gaz sarin".
Ban Ki-moon a qualifié lundi l'utilisation d'armes chimiques en Syrie de "crimes de guerre". Sans les montrer du doigt, M. Ban a réclamé que les responsables "rendent des comptes" et a demandé au Conseil de prévoir des sanctions si Damas ne démantèle pas son arsenal chimique.
Une résolution "forte et contraignante"
Le rapport était présenté lundi par M. Ban aux 15 membres du Conseil de sécurité. Le secrétaire général avait par avance indiqué vendredi qu'il confirmerait "de manière accablante" l'utilisation d'armes chimiques le 21 août dernier.
A Genève, la Commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'homme en Syrie a annoncé des investigations sur 14 autres attaques chimiques présumées depuis septembre 2011.
Dans le même temps, après avoir scellé un accord samedi à Genève avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, le secrétaire d'Etat John Kerry a retrouvé lundi à Paris ses homologues français et britannique, Laurent Fabius et William Hague. MM. Kerry et Hague ont parlé de "conséquences" si Damas faillit à ses engagements. M. Fabius est allé plus loin avec la menace de "conséquences sérieuses".
Un éventuel usage de la force figurait dans un premier projet de résolution élaboré par Paris la semaine dernière mais que Moscou avait jugé "inacceptable". Mardi, M. Fabius s'en entretiendra à Moscou avec M. Lavrov.
(Repère : Principaux points de l'accord russo-US sur l'élimination des armes chimiques syriennes)
Lors d'une rencontre franco-britannico-américaine à l'Elysée, les trois pays ont "jugé essentiel" de parvenir à une résolution "forte et contraignante" et d'obliger Damas, selon un "calendrier précis", à dresser l'inventaire de son arsenal chimique et à le faire vérifier jusqu'à son démantèlement d'ici la mi 2014, selon Paris.
Interprétations divergentes
Moscou a réagi en affirmant compter sur Washington pour ne pas aller plus loin que l'accord agréé à Genève.
"Si quelqu'un veut menacer, chercher des prétextes pour des frappes, c'est une voie qui suggère à l'opposition au régime qu'on attend d'eux de nouvelles provocations, et c'est même une voie qui peut saper définitivement la perspective de Genève 2", la conférence de paix qu'Américains et Russes tentent d'organiser depuis trois mois, a prévenu M. Lavrov.
Et Moscou et Washington ont déjà des interprétations divergentes de leur accord de samedi.
Pour M. Lavrov, le texte ne prévoit pas qu'une résolution de l'ONU mentionne le fameux chapitre VII de la charte des Nations unies, qui autorise le recours à la force en dernier ressort.
Aux yeux de M. Kerry au contraire, "l'accord engage totalement les Etats-Unis et la Russie à imposer des mesures sous le chapitre 7 en cas de non application".
Paris a également annoncé une réunion internationale fin septembre à New York avec l'opposition syrienne, vent debout contre le règlement russo-américain. Et rien n'assure que Moscou prendra part à cette nouvelle réunion du groupe des "Amis de la Syrie", 11 pays soutenant l'opposition en Syrie.
(Lire aussi : Les rebelles crient leur mépris pour Obama et la communauté internationale)
Et toute solution politique à la guerre, qui a fait 110.000 morts en deux ans et demi, reste extrêmement compliquée à mettre en oeuvre: selon l'institut de défense britannique IHS Jane's, dont le Daily Telegraph se fait l'écho, les jihadistes et les groupes islamistes forment près de la moitié des forces rebelles qui combattent l'armée syrienne. Or, les Occidentaux misent sur une transition politique assurée exclusivement par de "vrais démocrates".
L'accord sur l'arsenal chimique syrien a repoussé la perspective de frappes militaires, mais cette option reste sur la table, avaient prévenu dimanche le président français François Hollande et John Kerry.
Une hypothétique action armée est "une menace pour toute la région" et a "un parfum d'agression", a riposté le ministre syrien de l'Information, Omrane al-Zohbi, pour qui l'accord de Genève est "une victoire pour la Syrie". "Nous acceptons le plan russe de nous débarrasser de nos armes chimiques. Nous avons en fait commencé à préparer notre liste" de cet arsenal, a affirmé le ministre. "Nous ne perdons pas de temps", a-t-il assuré.
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commentaires (5)
Nous sommes tous d'accord ,ou à peu près, pour dire que le régime bassiste syrien est une catastrophe pour son pays, comme il l' été pour nous. OK. Mais là,vraiment,on est entrain se sombrer dans le ridicule...le rapport dit des armes chimiques ont été utilisées et leur utilisation demande un certain degré de capacités techniques...c'est ce qu'il dit...et rien d'autre. C'est peut-être Assad...ou peut-être pas. la rébellion a dit que la moitié de l'armée avait déserté pour rejoindre ses rangs, y compris des hauts gradés. Et donc ipso facto des gens tout a fait capables aussi d'utiliser des armes chimiques. Le coup le plus drôle, c'est celui des inscriptions en cyrillique sur les débris des roquettes supposément utilisées....mais mes pauvres amis des inscriptions en cyrillique, il y en a sur la moitié ou plus des armes utilisées sur tous les champs d'affrontement du monde...ils nous refont le coup des tubes d'aluminium...et pendant ce temps, les massacres continuent ,tranquillement, si j'ose dire. Et comment ne pas constater que ces mêmes pays qui essayent aujourd'hui de détruire le régime syrien sont ceux qui l'ont aidé à nous occuper pendant toutes ces années, et l'ont porté aux nues tout ce temps?
GEDEON Christian
13 h 53, le 17 septembre 2013