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Liban - Sécurité routière

La jeunesse (et l’alcool) au volant sur les routes de la mort

Un accident de la route : 3 voitures en lambeaux, 2 enfants périssent. L’alcool est mis en cause. « Ils étaient ivres », hurle une mère meurtrie.

Ce jeune homme l’a échappé belle. D’autres n’auront pas cette chance. Photo Marwan Assaf

Comment est-il possible de réconforter des familles anéanties par la mort accidentelle de leurs enfants ? Ce samedi 10 août, l’inconscience de plusieurs jeunes qui rentraient chez eux après une soirée bien arrosée a ôté la vie à deux enfants (7 et 13 ans) et ravagé ainsi leurs familles. Malheureusement, de nombreux parents endurent chaque année l’affliction qui consume aujourd’hui les proches des victimes.
Au Liban, d’année en année, la route est de plus en plus meurtrière, et les jeunes en sont les premières victimes. La Croix-Rouge libanaise a enregistré à elle seule en 2012 plus de 11 100 accidents. 81 % des personnes impliquées avaient moins de 40 ans. Les accidents routiers sont la première cause de mortalité chez les 15-29 ans, selon différentes ONG qui tentent tant bien que mal de réduire, autant que faire se peut, la mortalité sur les routes, en lançant des campagnes de sensibilisation à la sécurité routière et en œuvrant pour une meilleure application du code de la route. 


Les facteurs à l’origine de ces tristes statistiques sont multiples. S’il est bien connu que les accidents de la route ne résultent pas uniquement de la consommation d’alcool ou de la prise de stupéfiants, mais souvent d’un amalgame de plusieurs facteurs (vitesse, fatigue, état des infrastructures, non-port de la ceinture, etc.), la conduite en état d’ébriété demeure, au Liban, une pratique largement répandue à laquelle les autorités politiques, sécuritaires et éducatives, tout comme la jeunesse, accordent encore trop peu de considération. « Tout le monde boit, tout le monde s’en fiche, personne ne s’en préoccupe », confirme ainsi un jeune Beyrouthin qui a voulu garder l’anonymat.
Les précautions les plus élémentaires sont souvent ignorées, aussi bien par les conducteurs de voiture ou de moto que par les autorités routières. Un exemple parmi tant d’autres : l’association Kunhadi a offert 850 casques de protection à des motards. Résultat ? Les casques sont souvent laissés à la maison. 


Face à cette situation chaotique, la société civile tente de combler le vide à travers le regroupement de personnes touchées par la perte d’un enfant ou d’un proche. Ainsi sont nées la YASA en 1995 puis Kunhadi en 2006? suivies de Zeina el-Hauch en 2007 et de Roads for Life en 2010. En créant ces associations, les fondateurs ont surtout voulu se mobiliser pour sensibiliser les jeunes aux dangers de la route et éviter à d’autres parents de vivre leur propre calvaire au quotidien.

Des lois laxistes
L’indifférence de l’État à l’égard de la sécurité routière est attristante. Les Forces de sécurité intérieure considèrent qu’au total 0,25 % seulement des accidents de la route sont dus à l’alcool, la vitesse étant la principale cause d’accidents. Il n’en demeure pas moins que l’un va rarement sans l’autre, surtout durant les week-ends ou les périodes de festivités. Celles-ci restent les plus meurtrières. Ainsi, 40 % des accidents routiers se produisent entre vendredi 15h et dimanche minuit, selon les ONG. Les mois de juillet et d’août concentrent 22 % des accidents et 23 % des victimes, selon les mêmes sources.
Ces chiffres auraient été sûrement moindres si les lois étaient appliquées. Avec la dernière réforme du code de la route, le taux d’alcoolémie est limité à 0,5 g/l de sang. Ce contrôle a été effectué pendant un mois seulement. Depuis, ces dispositions du code de la route sont devenues lettre morte. Les éthylotests sont très rares, voire inexistants. Le colonel Joseph Moussallem explique qu’il faudra attendre les nouveaux amendements pour que ces derniers soient de nouveau pratiqués.


Les policiers sont en outre mal formés et mal informés sur la sécurité routière. À ce titre, il y a deux ans, Kunhadi a bénévolement organisé des stages de sensibilisation sur le sujet auprès des policiers pendant leur temps de travail.
L’absence de gouvernement aggrave davantage le problème, d’autant que l’État fait preuve d’une grande passivité dans ce domaine et tarde à la mise en place de politiques publiques visant à améliorer les transports en commun, l’état des routes ou encore l’éclairage public.
Corrélativement, les sanctions pour conduite en état d’ivresse sont légères. Le conducteur pris sur le fait devra s’acquitter d’une amende allant de 6 000 à 20 000 LL seulement. Une somme des plus modiques pour un délit qui peut être mortel. Le président de la YASA, Ziad Akl, affirme dans ce contexte que « la politique libanaise facilite les fraudes et les pots-de-vin ». Les politiques, trop pris par leurs propres intérêts, ne se préoccupent pas réellement des problèmes auxquels les citoyens sont confrontés. 


Ce laxisme gouvernemental, quoique très grave, n’est pas le seul mis en cause. Il y a, de l’avis des associations et de médecins, une recrudescence des comportements à risques, a fortiori chez les jeunes. Quid des parents ?
« L’attitude adoptée par certains parents qui laissent leurs enfants conduire les soirs de fête est en totale contradiction avec leur sécurité », témoigne un père de famille.
Et pourtant, les solutions ne manquent pas. Depuis 2 ans, un partenariat entre l’association Kunhadi et les principales boîtes de nuit de Beyrouth permet aux clients qui ont bu d’être reconduits gratuitement à leur domicile. Cette initiative étant trop peu mise en lumière, seuls 12 à 17 taxis par an ont étés sollicités.
Pourtant, il est grand temps de prendre ce problème à bras-le-corps.

 

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