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À La Une - Analyse

Davantage de division et de violences à craindre en Egypte

L'assaut de mercredi rend inévitable l'intensification de la répression, estiment des analystes.

Funérailles des victimes pro-Morsi (à gauche) et des policiers tués mercredi au Caire. Photos Khaled Desouki et Mahmoud Khaled/AFP

La répression meurtrière des manifestations des partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi va intensifier les violences et creuser le fossé qui sépare déjà les Egyptiens partisans d'une société libérale et moderne et les tenants d'un islam rigoriste, selon les experts.

 

Plus de 500 personnes ont péri mercredi dans tout le pays, en très grande majorité des manifestants qui réclamaient le retour au pouvoir du premier président égyptien élu démocratiquement, destitué et arrêté par l'armée le 3 juillet.

Les militaires ont justifié leur coup d'Etat en invoquant les millions de manifestants qui réclamaient depuis plusieurs semaines le départ de M. Morsi dans la rue, lui reprochant d'accaparer le pouvoir au profit des Frères musulmans et, plus largement, de vouloir islamiser le pays et régir leur vie selon la loi coranique.

 

(Reportage : Le chaos et le sang)

 

Ce soutien populaire, dans une société qui avait peu participé aux législatives ayant donné la victoire aux Frères musulmans en 2012 et qui avait élu de justesse M. Morsi contre un cacique du régime de Hosni Moubarak, est aujourd'hui indéniable pour les analystes unanimes. Les médias dans leur quasi-totalité poussaient depuis plusieurs jours les forces de l'ordre à "nettoyer" les places occupées par les pro-Morsi et la presse les remerciait jeudi d'avoir "débarrassé" les Egyptiens du "cauchemar" Frères musulmans.

 

 

La "chasse aux barbus"

Dès jeudi, des "comités populaires" renaissaient dans le pays pour faire la "chasse aux barbus".

"La bipolarisation de la société est devenue bien pire" depuis le bain de sang de mercredi, s'alarme Michael Hanna, chercheur à The Century Foundation, un groupe de réflexion américain.

"Le fait que les militaires soient allés si loin dans leur assaut rend désormais quasiment impossible l'hypothèse d'un compromis avec le camp Morsi mais, pire, il rend inévitable l'intensification de la répression", assène-t-il.

 

"Ils vont continuer à manifester, organiser des grèves dans les villes, peut-être viser les administrations des provinces", prédit Nabil Abdel Fattah, analyste au Centre Ahram d'Etudes politiques et stratégiques au Caire.

De leur côté, les partisans de Morsi vont "tenter de faire apparaître le gouvernement comme incapable de contrôler le pays et de dépeindre les Frères musulmans comme le groupe le plus puissant et populaire d'Egypte, ce dont ils sont sincèrement persuadés", estime M. Abdel Fattah.

 

Le tollé quasi-unanime contre le gouvernement mis en place par l'armée dans une communauté internationale ne va pas arranger les affaires des Egyptiens à la fibre patriotique exacerbée, qui se braquent, à l'unisson avec le gouvernement, contre ces "ingérences" étrangères.

Optimiste, M. Abdel Fattah prédit un aggiornamento chez les Frères musulmans. "Peu à peu, ils vont réaliser ce que la majorité des Egyptiens ressentent, il y a des modérés chez eux et quand l'Egypte sera revenue à une semi-stabilité, il y aura des discussions internes sur les erreurs commises", estime M. Abdel Fattah.

 

(Lire aussi : La presse internationale indignée par les violences en Egypte)

 

D'autres sont plus pessimistes et redoutent une chasse aux sorcières visant les partisans de Morsi. "J'ai bien peur que le gouvernement n'adopte maintenant une politique de revanche contre les Frères musulmans, qui fermerait définitivement la porte à toute possibilité de changement politique et, bien entendu, se traduirait par une effusion de sang", lâche ainsi M. Nafaa.

 

 

La solution sécuritaire

M. Hanna pense que le gouvernement n'a absolument aucune intention pour l'heure de proposer un rôle politique aux Frères musulmans dans le processus électoral qui doit déboucher sur des élections début 2014, comme le lui a demandé publiquement l'armée qui l'a mis en place.

"Il y avait une solution politique, il ont choisi la solution sécuritaire. Je pense qu'ils vont continuer sur cette voie car maintenant, ils ont une raison pour le faire", analyse M. Hanna, car des groupes islamistes radicaux, que les Frères ne contrôlent pas, auraient maintenant au moins autant de raison de perpétrer des violences plus dramatiques.

 

Et il prédit une intensification des attaques des groupes armés islamistes dans la péninsule du Sinaï, frontalière avec Israël et où ces combattants ciblent de plus en plus régulièrement l'armée et la police.

"Ce n'est pas dur d'imaginer une campagne d'assassinats, d'actes de guérilla et même d'attentats suicide", s'inquiète M. Hanna qui ne prévoit donc "pas de retour à une situation normale avant longtemps".

 

 

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Commentaire

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commentaires (1)

Une guerre civile qui se profile à l'horizon et qui semble durer . Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

15 h 28, le 16 août 2013

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Commentaires (1)

  • Une guerre civile qui se profile à l'horizon et qui semble durer . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    15 h 28, le 16 août 2013

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